Happycratie
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Thème
Sous l’impulsion d’adeptes de la psychologie positive, initiée aux Etats-Unis au début des années 2000, une injonction à être heureux aurait pris possession de nos vies. Selon l’essai, ce mouvement serait aux mains d’une puissante industrie mondiale qui en tirerait des profits financiers considérables.
Les auteurs dénoncent toutes les méthodes qui se seraient imposées à nous, du coach personnel aux dispositifs de bien-être des entreprises jusqu’aux stratégies politiques. La tyrannie instaurée, et nommée « Happycratie », conduirait ainsi à « l’hyperculpabilisation » de ceux qui seraient inaptes à atteindre le bonheur.
Points forts
Des esquisses de points forts...:
- Une mise en garde à l’usage de ceux qui tomberaient dans l’excès de gourous mal intentionnés ou de certaines dérives. Mais pourquoi les risques d’abus sectaires ne sont jamais abordés dans l’ouvrage ?
- L’essai évoque le cas des « happycondriaques », c’est-à-dire les individus ne cessant plus de se façonner et de s’ausculter afin d’arriver à une amélioration de soi. L’analyse de ce comportement, symptomatique d’une société tournée vers l’ego et relié au développement des réseaux sociaux aurait mérité d’être approfondie.
Quelques réserves
- Un essai qui peut paraître fouillé au départ mais qui se révèle finalement caricatural
- Il fait fi des recherches scientifiques et du lien indéniable qui existe entre la santé physique et l’état mental.
- Aucune évocation de la notion de bonheur traitée au fil du temps par la philosophie, et pas la moindre trace, non plus, de spiritualité dans la recherche du bien vivre.
- 270 pages pour marteler la même idée, c’est beaucoup trop long, le livre en devient inutilement anxiogène et comporte même quelques relents de complotisme.
- L’être humain aurait-il aussi peu de discernement pour se laisser manipuler ainsi par « les apôtres de la pensée positive » ?
- Les auteurs semblent ignorer que les hommes s’efforcent, depuis toujours, d’améliorer leur quotidien, individuellement et collectivement sans même connaitre le récent concept intellectuel de pensée positive dont il est question ici.
Encore un mot...
A en croire les auteurs, nous vivrions dans une dictature mondiale du bonheur organisé.
S’il arrive que certains individus regardent leur nombril en permanence, d’autres cherchent simplement à aller mieux ou à rester optimiste. Et tant mieux s’il existe des structures et des professionnels pour les y aider.
Beaucoup trop de battage médiatique autour de cet essai, purement idéologique, qui sous couvert de dénoncer une soi-disant injonction n’est finalement qu’une attaque contre le capitalisme qui s’immiscerait dans notre vie privée.
Une phrase
« Ceux qui ne font pas de l’adversité une occasion et un moyen de renforcer leur moi sont ainsi suspectés de désirer et de mériter leur infortune, et ce, quelles que soient les circonstances… non seulement la science du bonheur nous impose d’être heureux mais elle nous impute notre incapacité à mener des vies plus réussies et accomplies ». Page 19
L'auteur
- Eva Illouz est une universitaire franco-israélienne spécialisée dans la sociologie des sentiments. Depuis 2015, elle est chercheuse à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris (EHESS). Ses travaux appliquent une lecture sociologique au domaine psychologique. Elle pense que les émotions sont le reflet de normes et que les sentiments sont fabriqués par la société. Son précédent ouvrage publié en France s’intitulait « Pourquoi l’amour fait mal » 2012. Elle a également publié en France « Les sentiments du capitalisme » en 2006.
- Edgar Cabanas est Docteur en psychologie et enseigne à l’Université Camilo José Cela à Madrid. Ses travaux sont consacrés aux usages de la psychologie positive.
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