Greenmail. Seul face aux activistes
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Thème
En 1998, nait de la division des activités chimie et pharmacie du groupe Rhône-Poulenc (qui fut un des plus grands groupe français à l'époque), le Groupe Rodhia. Jean Pierre Tirouflet, qui en est alors le directeur financier, est nommé à sa tête avec pour mission de le faire grandir et de le valoriser, notamment par des acquisitions et réorganisations opportunes. La constitution progressive de son pack d'actionnaires, d'investisseurs et de dirigeants va révéler des tensions, des incompréhensions, des fractures, et des manipulations pour servir des intérêts divergents. Jean Pierre Tirouflet va être confronté à la fois à des évolutions de marché défavorables, à des attaques visant à déstabiliser sa personne, son management, son actionnariat.
Certes imparfaitement résumée, la tactique du "Greenmailing" ou de chantage financier (voir "un extrait" ci-dessous) exercée contre lui, lui sera finalement fatale et il devra démissionner fin 2003.
Commencent alors des procédures judiciaires intentées pour mettre en cause sa gestion, qui déboucheront, 15 ans plus tard, sur un non lieu.
Jean Pierre Tirouflet livre dans ce récit écrit à la première personne, sa vérité sur ces années de combat managérial et judiciaire.
Points forts
1- Une écriture simple, efficace, qui malgré la complexité des opérations décrites et la multitude des parties prenantes, vous tient (m'a tenu) en haleine. Il y a du Sulitzer dans la plume de Jean Pierre Tirouflet.
2- Un soucis de faire comprendre les faits, servi par un prologue et une chronologie qui posent très bien l'enjeu du récit.
3- Un témoignage sans concession ni langue de bois, dont les mots, parfois assassins, sont ciselés et parfois drôles.
4- Quelques portraits savoureux au passage -Ségolène Royal en particulier-, et coups de griffe à des personnalités du microcosme parisien comme Alain Minc, Ghislaine Ottenheimer, Martine Orange ou encore quelques fonctionnaires de l'Autorité des Marchés Financiers. Certains, certaines, n'apprécieront pas...
5 - Un intéressant exercice d'introspection sur le thème de la solitude du dirigeant, du risque, de la lucidité ou de l'erreur.
Quelques réserves
1- Des éléments de contenus techniques, en particulier dans l'ingénierie financière des grands groupes industriels. Métier complexe, où le peu d'experts et intermédiaires des stratégies boursières et de crédits se livrent une lutte acharnée pour des profits, souvent considérables et à la légitimé douteuse.
2- Ce livre montre le côté sombre du management des grands groupes. Le point de vue de l'auteur ne peut être considéré à priori comme représentatif, mais l'on sent dans son récit le poids des alliances et des compromissions, la force des réseaux et le peu de cas accordé à la loyauté confrontée aux intérêts financiers. Alors candides, sortez vos mouchoirs!
3- Fondamentalement, ces points ne sont pas "faibles" mais simplement un peu déstabilisants, car "ce qui fut - demeure".
Encore un mot...
Lire un tel témoignage aide à comprendre l'envers de la gestion d'un très grand groupe industriel, sous le regard d'un dirigeant qui a voulu le sauver, n'a pas réussi et s'en est trouvé accusé de tous les maux. Ce témoignage est certes "expert" et d'aucuns diront partial, mais il est aussi très humain, emprunt d'une certaine forme d'humour teintée d'amertume.
Ce livre veut aussi rendre son honneur à son auteur, que les décisions de justice définitives du début 2018 ont motivé à témoigner. Quand un grand patron se bat pour qu'un ensemble industriel ne soit pas dépecé pour enrichir ses créanciers, il y a du respect dans l'air. Bref, ce récit est à conseiller à tous les curieux des questions économiques et industrielles, aux étudiants et jeunes loups (et louves) de la finance, du capital investissement, mais aussi de la "compliance" et des ressources humaines.
Une phrase
"Notre raider rencontre également un de ses confrères qui, d'ordinaire, joue plutôt sa partition dans la catégorie "green mailer". Le "black mail" en anglais, c'est le chantage ; par analogie, le "green mail", par allusion à la couleur des dollars, c'est le métier de celui qui s'introduit dans le capital d'une société, utilise sa position d'actionnaire pour harceler le management jusqu'au point, où, excédé, celui-ci s'arrange pour le racheter avec une prime ou modifie sa stratégie pour lui donner satisfaction.
De retour à Paris, il décide de commencer l'opération en ramassant des titres sur le marché avec le concours de son auxiliaire (...) le "green mailer" ; il lance parallèlement une campagne de déstabilisation du management. Son conseiller, très bien introduit dans les médias, se répand sur mon compte en propos venimeux et propage des rumeurs sur mon incompétence et celle de mon équipe.
Tout ceci n'est évidemment que jeu d'hypothèses et fruit de mon imagination trop fertile". Page 65
L'auteur
Jean Pierre Tirouflet a été Directeur financier de Rhône-Poulenc avant de devenir Président du Groupe Rhodia de 1998 à 2003. Rhodia était constitué des apports de Rhône-Poulenc pour former un groupe d'ambition mondiale dédié à la Chimie fine. Le Groupe existe toujours mais est détenu depuis 2011 par Solvay (Belgique) à près de 95 %.
Mis en cause pour sa gestion au cours de ses années de présidence, Jean-Pierre Tirouflet a connu mise en examen, garde à vue et 15 années de procédures judiciaires avant que ne soit reconnue définitivement (janvier 2018) son innocence des faits qui lui étaient reprochés.
Jean Pierre Tirouflet a ensuite présidé au lancement d'une Start Up et est aussi l'un des chroniqueurs les plus appréciés de Culture-Tops.
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