Génération Hussards, Nimier, Blondin, Laurent…Histoire d’une rébellion en littérature

Une plongée passionnante dans l’époque épique du bouillonnement parisien des années 1950-1970.
De
Marc Dambre
Perrin
Parution le 18 août 2022
432 pages
24 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

« Tout hussard qui n’est pas mort à trente ans est un jean-foutre ! » (Général Lassalle). C’est sans intention meurtrière que Bernard Frank, critique doué et impitoyable de l’autre bord politique, affubla de ce qualificatif désobligeant un noyau d’écrivains de droite, portés à l’insouciance désinvolte et rebelle, défaits par l’Histoire. Avec un Nimier aussi séduisant que imprévisible comme porte-étendard. 

Contre toute attente, le mot fit florès et survit à l’indifférence contemporaine portée à ses destinataires qui, faute de mieux pour unir leur maigres forces centrifuges, l’endossèrent. Un peu comme les orphelins d’un romantisme croisant à grande vitesse ou les enfants inconcevables et inconsolés de Cyrano de Bergerac et de Roxane, égarés dans un siècle poussif, coincés entre les tristes figures nobélisées (Sartre, Camus) et les fonctionnaires trop sérieux de la « prétention universelle ».

Points forts

L’ouvrage de Marc Dambre est une somme passionnante qui échappe à l’érudition pour plonger profondément l’amateur de littérature dans l’époque épique du bouillonnement parisien de l’immédiat après-guerre. En phase de reconstruction d’un pays qui croyait encore à la prééminence de la littérature, au combat d’idées, à l’assaut des mots et des phrases sur le terrain idéologique, l’irruption de l’insolence, de l’irrévérence en bande désorganisée, la double rébellion vis-à-vis des hommes de lettres poussiéreux et de l’existentialisme sacralisé et engagé annonce une fin de cycle. 

Elle sonne le retour des vaincus du mauvais camp, l’ironie sans complexe, le plaisir libertin de la liberté toute simple. Sans le vouloir, ce mouvement « hussard » fit paradoxalement école, touchant à tous les registres de l’écrit (revues, essais, critique, pamphlets, chroniques, romans d’amour et d’aventure, tirages à succès ou confidentiels), et même au cinéma et à sa nouvelle vague (Truffaut). Toujours à la croisée du journalisme pour survivre et de la littérature pour compter ; enfin, si possible, quand la vie laissait un peu de temps à l’inspiration. 

De cette troupe irrégulière, de cette galerie et de faits de portraits trop nombreux pour être cités ici, des maîtres éblouis par des élèves dissipés et infidèles, émergent trois figures sans ressemblance : Nimier le Magnifique, Blondin le Taciturne, Laurent le Téméraire qui marquèrent une double décennie (1950-70) qui ne voulait pas prendre son époque au sérieux.

Quelques réserves

Aucune réserve d’aucune sorte !

Encore un mot...

Académie sans épées, refusant l’uniforme, les Hussards furent des mousquetaires sans doctrine. Plus résistants à la vie qu’à la mort, prolétaires du succès, suicidaires en sursis, chacun d’eux suivait son chemin, ruminait ses idées. Au réveil douloureux des lendemains de fête, chacun scrutait l’horizon du temps qui lui restait. Répugnant aux œuvres complètes, candidats aux plaisirs qui leur tenaient lieu de bonheur, les Hussards pratiquaient la fidélité à l’air libre. Aucun ne fut volontaire pour le XXIe siècle ; la fin du décevant XXe avait suffi à leur impatience sans indulgence ; certains se suivirent même dans la mort par pure amitié. Au moins, grâce à ce livre, la légèreté - reconnaissante - ne les a pas totalement oubliés.

Une phrase

  • « Et il n’est pas impossible que nous soyons heureux » (p. 20). 
  • « J’avais en commun avec Dumas le plaisir de m’évader de mon temps. » (p. 60)
  • « Il voit lui aussi des « grandes personnes se comporter en enfants face à l’Histoire. » (p. 86)
  • « Ils le mettent en garde contre les dangers du journalisme pour l’écrivain. »  (p. 111)
  • « Avec le sport, cet écrivain peu discipliné a trouvé sa discipline.  »  (p. 163)
  • « La transformation de la France en huître satisfaite de son sort » (p. 165)
  • « A la Nimier, il voit égalité, conformité, banalité;» (p. 201)
  • « Depuis six ou sept ans, je ne publie plus mes romans ; j’écris des œuvres posthumes » (p. 219)
  • " Ce qui frappera le plus dans le lointain avenir ? Notre silence devant la bêtise inutile. » (p. 278)

L'auteur

Marc Dambre est professeur de littérature française à la Sorbonne nouvelle. Auteur de nombreux ouvrages et numéros spéciaux de revues littéraires, il est membre du jury du Prix Roger Nimier. Il a rencontré bon nombre de ces Hussards et a dirigé le Cahier de l’Herne consacré à Nimier en 2012 ; il a publié le livre Les Hussards en 2020.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir