Français, Le monde vous regarde
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Thème
La France telle que la voient, la comprennent, l’interprètent 32 ambassadeurs et ambassadrices en poste à Paris. A ce public ciblé, l’auteur pose un vaste lot de questions regroupées dans 32 chapitres : la nostalgie côtoie la puissance, le terrorisme la laïcité, l’identité les migrations, l’Etat l’économie etc. L’auteur n’intervient pratiquement jamais dans le déroulé des réponses apportées à des questions lapidaires et, d’après ce que l’on peut en juger, transcrites telles quelles.
Points forts
A la marge, quelques ambassadeurs se dévoilent un peu. On retiendra notamment celui d’Erythrée qui, à intervalles réguliers, fustige le racisme franc et direct des Français : qu’il s’agisse de louer ou acheter un appartement pour son ambassade, l’homme égrène une longue plainte sur la xénophobie des Français. Ou encore l’ambassadeur du Canada pour qui « les Français ne souffrent pas de prétention, mais sont animés par beaucoup de certitudes. Or, la ligne est fine entre prétention et certitude ». Quant à l’ambassadeur américain, on retiendra que ses services à Paris l’ont poussé à visiter l’Ecole 42 ; curiosité vertueuse, que trop d’élus et responsables politiques français n’ont toujours pas pour cette pépite innovante en matière de formation aux outils numériques. A beaucoup d’ambassadeurs n’ont également pas échappé les faiblesses des autorités françaises, par exemple leur incapacité à gérer des enjeux majeurs comme la question migratoire. L’esprit de caste dans la distribution des postes à responsabilité ou bien la nostalgie de la grandeur perdue, ouvrent d’intéressantes réflexions sur comment les citoyens français auraient intérêt à reconsidérer leurs comportements.
Quelques réserves
Sur la fiche Wikipédia de Jean-Christophe Notin, on peut lire, à propos de son ouvrage, qu’auprès des 32 ambassadeurs interrogés, l’auteur a recueilli des confidences « parfois cinglantes ». Il y a manifestement un malentendu sur le sens de cet adjectif qui veut dire blesser, vexer, frapper fort. Les 32 entretiens rapportés dans l’ouvrage sont, sans exception, tous affables. Mais que peut-on attendre d’un ambassadeur en poste ? N’est-ce-pas la profession qui, naturellement, est la plus sourcilleuse du polissage de ses propos. « On n’est pas là pour critiquer » dit ainsi l’ambassadeur de Tchéquie (page 112). Au reste, l’auteur a mis du sien pour faciliter l’accouchement d’une interminable langue de bois, celle du corps diplomatique, amidonnée, pesée, sans saveur, évidemment sans originalité.
Sur le protocole d’enquête, on aurait aimé savoir si les personnes interrogées avaient relu leurs interviews, si elles avaient souhaité les corriger. L’auteur confesse que « si les refus d’interviews ont été rares, ils m’ont surpris » (page 9). De fait, on aurait aimé apprendre pourquoi, parmi les 32 ambassadeurs ayant répondu aux questions de l’auteur, manquaient les ambassadeurs d’Italie, de Suisse, du Luxembourg, de Belgique, de Grande-Bretagne, d’Espagne, autrement six des sept pays limitrophes de la France et dont les représentants à Paris connaissent probablement le mieux notre pays et, conséquemment, ont le plus de choses à en dire. D’autres absents sont remarqués, comme les ambassadeurs de Pologne, de Hongrie, d’Algérie et de Tunisie. Si, comme nous l’imaginons, l’auteur a sollicité les ambassadeurs des pays sus-nommés, quelles ont donc été les raisons invoquées pour décliner l’invitation à participer ? Et, faute d’accéder à l’ambassadeur, l’auteur aurait dès lors pu se rabattre sur un haut responsable de l’ambassade. L’auteur utilisant le procédé contestable de l’empilement de réponses sans césure ni commentaire, on aurait encore aimé en savoir plus sur le dispositif choisi : les personnes interrogées l’ont-elles été à plusieurs reprises et dans quel contexte ?
Surtout, le vrai point faible est l’absence de liant entre les questions posées et les réponses. Rien sur les mimiques, sur les hésitations, aucun commentaire non plus, nous l’avons dit, de l’auteur. Le lecteur consulte là un livre conçu avec un magnétophone, autrement dit un ouvrage paresseux, que ni la famélique introduction ni la courte note de conclusion ne parviennent à vertébrer.
Un dernier aspect irritant sont les questions posées qui, lorsqu’elles ne sont pas dépourvues d’intelligence (« Le norvégien est une langue compliquée ? », page 270), attendent un éloge flattant notre chauvinisme : « Paris est-elle bien la plus belle ville du monde ? » (page 359). Certaines observations laissent planer un sérieux doute sur la lucidité de l’auteur. « Au XXIe siècle, (la réforme) est principalement économique et sociale, et tend inexorablement à pousser un peu plus la France dans le peloton des nations ayant largement opté pour le libéralisme » (299), libéralisme tempéré par un colbertisme jamais débranché, une croissance de 40% du nombre de fonctionnaires de François Mitterrand à François Hollande, et un poids des dépenses publiques atteignant maintenant 57% du PIB ! L’auteur est-il bien certain que la France a « largement opté pour le libéralisme » ? Nous n’en sommes pas vraiment convaincu.
Encore un mot...
Comment, avec l’aide d’un magnétophone, et peut-être grâce à l’application Siri-Voice Assistant, fabriquer un livre sans se creuser beaucoup les méninges. Pour l’auteur, l’investissement le plus lourd a sans doute été de convaincre les ambassadeurs de se prêter à l’exercice.
Une phrase
« La France a tendance à s’ériger en donneuse de leçons au monde entier en matière de droits de l’homme. D’ailleurs, je constate qu’aujourd’hui, ça ne plaît à personne, pas uniquement en Russie, mais dans n’importe quel pays, y compris les Américains. Je constate que, dans la tête des Français, les droits de l’homme se résument pratiquement au respect des droits des minorités, surtout sexuelles. Certes, leurs droits doivent être respectés, mais les droits de la majorité doivent aussi être respectés. Je pense d’une façon générale que le droit-de-l’hommisme (sic) a causé beaucoup de mal à la diplomatie français car il s’agit en fait d’une sorte de nouvelle idéologie. L’approche idéologique cause toujours beaucoup de problèmes à la politique étrangère. En faisant cela, la France à mon avis suit un peu l’exemple de l’Union soviétique d’hier et on sait que, dans le cas de l’Union soviétique, ça a mal tourné… » (Alexandre Orlov, Ambassadeur de Russie, page 209)
L'auteur
Ingénieur de formation, l’auteur, qui se présente comme écrivain, essayiste, romancier et documentariste, collabore à l’Express. Il a signé une quinzaine d’ouvrages, surtout d’histoire militaire, dont plusieurs ont fait l’objet d’éloges et ont été récompensés par de nombreux prix.
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