Fragment d'une mémoire infinie
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Thème
C’est une forme de journal de bord d’un humaniste, curieux de tout et qui s’est penché très tôt (son père travaillait dans les Télécommunications) sur le monde numérique. L’arrivée d’Internet (qu’il appelle l’internet comme pour mieux banaliser le nouvel outil du monde connecté) introduit chez l’utilisateur que nous sommes un rapport au monde à la fois intime et anonyme. Le brouillage de la mémoire personnelle avec l’extension infinie des connaissances dessine un nouvel imaginaire. A la fois acteur et spectateur, l’homme connecté abdique une part de sa liberté pour en conquérir une autre.
Points forts
Une richesse intellectuelle alimentée par les auteurs de la littérature et de la philosophie ainsi qu’une expérience de la vie vécue intensément, nourrissent les réflexions de notre philosophe dont la culture est à la fois celle d’un honnête homme et d’un geek plutôt BCBG.
Des rapprochements hardis où l’on constate depuis un siècle que les progrès technologiques les plus importants concernent concomitamment le déplacement et l’archivage: invention quasi simultanée de l’avion et du cinéma, conjonction du Spoutnik et du premier disque dur, du premier pas sur la lune et du premier microprocesseur.
L’auteur pointe assez finement la part de vertige qui nous saisit devant l’accélération du temps et des techniques et il cite Malraux qui disait en 1965: «J’ai connu les moineaux qui attendaient les chevaux des omnibus au Palais-Royal et le timide et charmant commandant Glenn, retour du cosmos»
Quelques réserves
- Pas de plan, mais le lecteur a été prévenu: il s’agit de notes, pardon, de fragments…; nonobstant la sensation d’être baladé au gré de l’humeur changeante et du rythme de l’auteur peut laisser une impression de décousu.
- Tantôt très fluide, tantôt laborieux, le style de notre écrivain philosophe nous ravit autant qu’il peut nous agacer quand la clarté n’est pas au rendez-vous. (Page 217: « Nous deviendrons autres… »)
Encore un mot...
La pratique d’internet, des réseaux connectés, la libre circulation de milliards d’images, la mémoire augmentée, ouvrent en chacun de nous des potentialités gigantesques dont on ne mesure pas encore toutes les répercussions. La virtualisation du monde dont la «mémoire infinie» est une manifestation, signe peut-être, signe sans doute la fin d’une ère et trace le chemin de l’homme post moderne. Post humain? Ce qui est en cause presque constamment dans ce livre c’est la présence, l’être ontologique. Qui risque de disparaitre.
Une phrase
- "A mesure qu’elle-même progresse, la convergence du vivant et de l’électronique, qui est au cœur du programme nano technologique, en laisse de plus en plus entrevoir la possibilité". (Page 24)
- "L’internet a mis en lumière la conjonction de deux grandes pensées nietzschéennes, l’éternel retour et l’avènement du surhumain. Nous retrouverons de plus en plus sur nos pas ce que nous avons fait ou pensé un jour. Serons-nous assez armés moralement pour cela? L’absence d’oubli est une arme terrifiante laissée aux mains de ces passions trop humaines que sont la bêtise, l’animosité et le ressentiment". (Page 218)
L'auteur
Maël Renouard, né en 1979, est un écrivain doué… Jeune normalien, philosophe, il devient successivement professeur, traducteur, romancier, et la plume qui écrit les discours de François Fillon sous l’ancien gouvernement. Il a reçu le prix Décembre pour un livre de 60 pages: La Réforme de l’Opéra de Pékin.
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