Femmes puissantes
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Thème
En lisant le titre de ce livre, on pense instantanément à celui de Marie Ndiaye, « Trois femmes puissantes », prix Goncourt 2009. Parler de « femmes puissantes » semble être en soi un paradoxe, tant la puissance est communément associée à la virilité, alors que la féminité est souvent synonyme d’effacement et de douceur. Traditionnellement, une femme est en effet perçue comme ayant des rêves et non des ambitions. Des passions plus que des réussites personnelles. Mais ici, les femmes sont bel et bien appréhendées comme des êtres complexes, complets, entiers, avec parfois tous les défauts nécessaires à leur propre réalisation.
Leïla Slimani, Chloé Bertolus, Christiane Taubira, Laure Adler, Elisabeth Badinter, Béatrice Dalle, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bettina Rheims, Sophie de Closets, Amélie Mauresmo, Delphine Horvilleur et Anne Méaux se livrent sur leur ressenti.
En commençant par interroger chaque femme présente dans son livre en lui demandant si l’on peut dire d’elle qu’elle est une « femme puissante », Léa Salamé questionne chacune de ces femmes accomplies dans son rapport à elle-même, en lui demandant de se regarder, souvent malgré elle, comme un être fort, exemplaire, dominant. Le résultat de cette réflexion est assez passionnant.
Points forts
1 – Le livre se lit avec plaisir et curiosité. Chacun des portraits, assez bref, peut se lire dans l’ordre que l’on choisit. Le format des entretiens individuels donne au texte un rythme particulièrement vivant et agréable. La spontanéité des réponses ressort parfaitement au fil des pages.
2 – La réflexion des femmes sur elles-mêmes, la façon qu’elles ont de se considérer comme des femmes hors cadre et leur honnêteté à ce sujet font de ce livre une mine de citations captivantes. Leïla Slimani, par exemple, n’hésite pas à se décrire elle-même comme une femme décevante, acceptant de ne pas être une bonne mère, de ne pas être une bonne épouse, afin de pouvoir se réaliser. Cette observation cruelle du rôle des femmes, cette considération de l’impératif d’accepter de déplaire pour se réaliser sont des clefs, semble-t-il, pour comprendre la réussite au féminin.
3 – L’introduction de Léa Salamé, qui présente son parcours, est bienvenue. La démarche du livre, qui consiste à mettre chaque femme un peu mal à l’aise en la confrontant à sa propre réussite, -laquelle semble ne jamais être totalement achevée-, est, elle aussi, présentée dans cette introduction qui permet d’orienter la lecture et de s’attarder sur les réactions des femmes, leurs tabous quelquefois non assumés, leur façon de justifier leur statut perçu parfois comme une imposture.
Quelques réserves
Peut-être un ou deux portraits supplémentaires auraient-ils été opportuns. Il faudra probablement attendre la parution d’un second tome. Qui sait ?
Encore un mot...
Un livre passionnant, positif mais lucide pour satisfaire sa curiosité.
Une phrase
LÉA SALAMÉ : Si je vous dis que vous êtes une femme puissante, que me répondez-vous ?
LEÏLA SLIMANI : Je suis surprise par cette phrase. Je ne sais pas si je suis une femme puissante – je suis une femme qui n’est pas impuissante, ce qui est déjà beaucoup.
L. S. : Pourquoi les femmes ont-elles tant de mal à accepter ce qualificatif ?
L. SL. : Je crois que nous sommes élevées avec l’idée qu’il faut s’effacer, rester discrètes. Qu’il faut être là pour les autres, se sacrifier un peu pour eux. Virginia Woolf a écrit un texte très important pour moi : « L’Ange du foyer(1) ». Elle y décrit ce qu’est la femme idéale : c’est celle qui, quand elle fait à dîner, va garder le moins bon morceau pour elle ; qui, quand il y a un courant d’air, va s’asseoir précisément dans le courant d’air. En définitive, c’est celle qui va toujours penser aux autres avant de penser à elle. Pour être une femme puissante, je pense justement qu’il faut avoir le courage de déplaire, et accepter de décevoir en tant que mère, en tant qu’épouse et vis-à-vis des attentes que les gens ont de vous.
L. S. : Qui avez-vous déçu ?
L. SL. : Tout le monde, et j’en suis finalement assez contente. Dans la mesure où je ne suis pas la mère parfaite qui est tout le temps là pour eux, je déçois aussi mes enfants. Parfois, je ferme la porte de mon bureau et leur dis : « Je ne peux pas vous voir parce que j’ai envie d’écrire. » J’ai pu décevoir ma propre mère en ne reproduisant pas certaines choses. Et peut-être mon époux. Tout le monde s’est adapté, et je pense que c’est ainsi qu’on acquiert une forme de puissance », p.9.
L'auteur
Léa Salamé est une journaliste et chroniqueuse de radio et de télévision. Après avoir notamment présenté le journal sur les chaînes d’information France 24 et I-télé, elle a coanimé l’émission « On n’est pas couché » sur France 2. Elle a réalisé de nombreuses interviews politiques et présente actuellement la matinale de France Inter.
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