Et moi, et moi, et moi
Parution le 8 novembre 2023
211 pages
18,90 €
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Thème
Jacques Dutronc vient d’avoir 80 ans ( il semblait pourtant ne pas avoir été fait pour ça ). Il raconte sa vie mais seulement ce qu’il veut bien raconter. C’est drôle, charmant, délicat, pudique et affectueux. C’est aussi triste, désenchanté, désabusé encore, mais plein d’amitié et de distance. Il nous fait revenir sur nos années enchantées qui sont aussi les siennes. Ses copains de quartier - incroyable - ce sont Johnny Hallyday et Eddy Mitchell ! Son enfance est heureuse, bien élevée, avec des parents originaux qui l’aiment. Lui, il aime la guitare mais ce sera, par hasard et, comme malgré lui, la chanson, avec le succès qu’on connaît. Après huit années de tournées en Province, il arrête tout.
Depuis toujours pourtant c’est le cinéma qu’il adore et grâce à Jean-Marie Perrier, la véritable fée des yéyés, il devient acteur. Il a tourné dans un nombre considérable de films, avec certains des plus grands réalisateurs mais, à sa grande déception, et à l’exception de ses grands rôles - Van Gogh ou Merci pour le chocolat - c’est le chanteur qui reste dans nos têtes. Alors que la chanson était pour lui un monde de canulars, de farces, de musique certes, mais surtout de copains et d’adolescence, il aborde le cinéma avec un sérieux et un respect dont on ne le croyait pas capable. Enfin, n’attendez pas de lui des confidences sur ses amours qui resteront à son usage strictement personnel d’où son épilogue : " Je n’ai sans doute pas assez évoqué ici Françoise, qui a sauvé ma vie, Sylvie, qui m’a sauvé la vie. Ni Thomas, sur qui je prépare le premier volume d’un livre intitulé Thomas par Dutronc."
Points forts
Jacques Dutronc ne dit que du bien - avec souvent de véritables coups de cœur - des gens qu’il cite ; quand c’est pour dire du mal, il ne donne pas les noms mais, si vous voulez savoir, écoutez ses silences. Il faut lire Dutronc comme on voit le négatif d’une photo. C’est ce qu’il ne dit pas qui est le plus éloquent. Il parle de tout et de rien ; c’est le rien qui est intéressant. Il ressort de tout cela beaucoup de simplicité, de gentillesse ; sans qu’il s’épanche, on comprend cependant ses souffrances. Pudeur et timidité sont les deux mamelles de Dutronc ( il pourrait le dire comme ça ! ).
Son amour de la Corse, et des Corses, éclate dans ses descriptions mesurées, exemptes de la grandiloquence habituelle et l’on aimerait être Corse pour accueillir soi-même un tel étranger. Il y a aussi dans ce livre des morceaux d’anthologie ; par exemple sa visite à Godard avec qui il va tourner Sauve qui peut ( la vie ) : " Je suis allé le voir chez lui, en Suisse. Il est venu me chercher à l’aéroport. Dans la voiture, c’était l’idéal : il ne parle pas, et moi non plus. J’ai regardé la campagne, et j’ai trouvé que tout était vert. J’ai lâché : « C’est vert » Il m’a répondu : « C’est bien, tu as compris le film. » ". Et les trois pages qui suivent sont à l’avenant… Contrairement à tant d’autres, les uns francs, d’autres cachés, c’est Dutronc qui tient la plume, seul, et elle est réussie : phrases simples et courtes comme si l’auteur voulait nous éviter l’ennui d’une vie qui se raconte. Un peu comme Modiano qu’il aime tant.
Quelques réserves
On n'échappe pas à la pétomanie qu’il partageait allègrement avec son pote Serge Gainsbourg ( "pets au Vietnam" ! ). Mais on leur pardonne d’autant plus volontiers qu’on sent qu’ils en ont besoin pour ne pas pleurer.
Encore un mot...
La vie pleine de rires, de tendresses, de colères, de tristesse et de nostalgie d’un indolent extravagant et désopilant qu’on ne connaissait vraiment pas, jusqu’à ce livre.
Une phrase
" C’est le dernier film de Patrick Dewaere ( Paradis pour tous d’Alain Jessua ). Il y était fiévreux, tragique. Et pas seulement à l’écran - il s’est suicidé peu de temps après. C’était un homme charmant qui se détruisait totalement. Ça fait un drôle d’effet de voir un mec qui te tend la main, qui tombe par terre et qui te dit : « Non, non, tout va bien. » Et qui retombe. Et pendant ce temps, les autres, autour, les vicelards du cinoche se frottaient les mains : « C’est parfait, il est bien, là… ». Autant l’encourager à se détruire. C’était comme avec Serge. Les vautours disaient : « Qu’est-ce qu’il boit…Il est fort, hein ? » Et on boit encore plus. Et un jour on en crève. " Page 131
L'auteur
Il serait bien cuistre de présenter Jacques Dutronc. Si le livre s’intitule Et moi, et moi, et moi, nous savons tous pourquoi et nous connaissons tout de l’auteur, chanteur et acteur. Pour le reste, il faut absolument lire cet excellent livre.
Commentaires
Je pensais apprendre beaucoup plus sur Jacques Dutronc et son entourage mais je me trompais et finalement j'aurai été déçue . Ce livre c'est la modestie, l'humour bien sûr, la pudeur d'un homme que j'apprécie en tant que chanteur déjanté et qui est surtout un très bon acteur
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