Dictionnaire Amoureux du Japon
Parution en décembre 2021
1275 pages
28 €
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Thème
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir, et ce que vous croyez savoir sur le Japon passé (histoire, religion) présent (mode de vie, société) et futur (démographie, technologie), le tout sous la forme d’un dictionnaire amoureux donc subjectif.
Points forts
- C’est avec une grande subtilité que Richard Collasse nous rend accessible ce pays qui selon lui « se situe en Asie mais n’est pas un pays d’Asie », bref un monde impénétrable au premier abord, ne serait-ce que pas sa langue écrite et parlée.
- Son érudition n’est jamais pesante et elle est souvent illustrée d’exemples concrets tirés de l’expérience personnelle de l’auteur. Le livre regorge par ailleurs d’humour (v. l’entrée « Jacques Chirac »)
- L’ange du bizarre vient même visiter ces pages (v. les « spécialités » de certains bars tokyoïtes)…
- Enfin, l’émotion n’est pas absente (v. l’entrée « Fukushima »).
Quelques réserves
Tellement insignifiantes, mais : si la littérature et le cinéma sont très bien représentés, peu de choses sur la peinture ; pas d’entrée « Hokusai » et rien sur les artistes du monde flottant, c'est-à-dire les auteurs des estampes japonaises. On se reportera aux ouvrages illustrés qui traitent de ces merveilles de l’art.
Encore un mot...
Surtout, ne pas se laisser intimider par l’épaisseur de l’ouvrage ! A l’opposé d’une nomenclature savante, ce dictionnaire, que l’on peut bien sûr choisir d’aborder dans l’ordre mais aussi de butiner d’un article à l’autre, n’est jamais ennuyeux et constitue un bel exemple de « gai savoir ».
Et puis l’auteur a du style et écrit dans une belle langue française, comme le montre l’extrait ci-dessous dans lequel il raconte sa visite au grand sanctuaire shinto d’Ise.
Une phrase
« Une jeune officiante miko ouvrit un simple portillon permettant d’accéder à la première aire sacrée. Je me retrouvai seul sur le dallage menant au portail de l’enceinte protégeant le mausolée, dont seuls l’empereur et les officiants peuvent franchir le seuil. Je m’approchai jusqu’au point que l’on m’avait indiqué, en fait une pierre de l’allée imperceptiblement orientée différemment des autres.
La rumeur de la foule, loin derrière, au-delà de la première palissade, s’était comme estompée. Le silence qui m’enveloppa fut ma première surprise. Ni bruissement de la forêt ni un seul chant d’oiseau, un ciel immaculé qu’aucune aile ne venait traverser, qu’aucun nuage ne venait troubler. Même l’air ambiant semblait plus ténu. Aucune poussière n’en troublait la pureté. J’avais l’impression que je me trouvais au milieu d’un vortex vide de toute matérialité. J’étais si proche des kamis, que nous traduisons si improprement dans nos langues par le mot « dieux » !
Je restai là immobile un long moment, les bras le long du corps, à m’imprégner de cette atmosphère étrange. Ce n’était en rien une expérience mystique, plutôt un bref instant magique, une communion intense avec tout ce qui m’entourait.
Puis je m’inclinai longuement et reculai soigneusement dans mes propres pas, car on ne tourne pas le dos à Amaterasu.
On me fit repasser le portillon et tout changea, comme si je venais de franchir une paroi invisible qui sépare notre monde matériel de la tranquille demeure céleste des divinités. 3
L'auteur
Dans cette abondante collection créée en 2000 où le meilleur (Dominique Fernandez, Jacques Lacarrière) côtoie… disons le moins bon (Alain Ducasse, Hubert Védrine) et qui peut parfois faire penser à une Galerie des Illustres un peu vaine, Richard Collasse est une fameuse découverte et l’homme de la situation pour parler d’un sujet qu’il maîtrise à la perfection.
La longue attente pour accoucher de cet opus – l’auteur s’explique sur ce délai et ses motifs sont tout à son honneur – est récompensée par un livre remarquable et qu’il sera difficile de surpasser sur ce sujet.
Richard Collasse vient, comme on dit dans le milieu politique avec une certaine condescendance, de la « société civile ».
Homme d’entreprise, Président de Chanel Japon de 1995 à 2018, vivant depuis cinquante ans dans ce pays dont il parle parfaitement la langue, marié à une japonaise, c’est aussi un véritable écrivain qui se lit avec aisance.
Ceci s’explique car il a commis auparavant plusieurs romans remarqués, dont La Trace (Points, 2009), L’Océan des rizières ( Seuil, 2012), Le Pavillon de thé (Seuil, 2017) ; ses analyses sur les auteurs japonais (Tanizaki, Kawabata, Mishima qu’il admire, Murakami qu’il n’aime pas) comptent parmi les meilleures entrées de ce dictionnaire.
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