Deux mille mots pour dire le monde
5 sept 2022
360 pages
21€
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Thème
Les mots sont les témoins de l'histoire de l'univers et de l'aventure humaine. A partir de quelques thématiques choisies dans l'ensemble du lexique français, l'auteur convie à un voyage parmi les mots des dictionnaires en suivant, non pas un ordre alphabétique, mais un fil contant le monde et l'histoire des hommes. L'ouvrage commence donc par la nature inerte (les pierres, les montagnes), puis la nature vivante (faune et flore) pour aboutir à l'humain, le corps, les créations matérielles, intellectuelles et les idées.
En tout, 18 chapitres auxquels il faut ajouter de très nombreux "encadrés" récréatifs ou informatifs. Sont ainsi abordés les mots des pierres et montagnes, on l'a dit, ceux des mammifères, des oiseaux, des poissons et des arbres (les plus nombreux) ; ceux du corps humain. Puis en partie II, le bois, les vêtements, les chaussures (avec 388 entrées !), le mouchoir, la maison, le pain, l'argent et la monnaie. En partie III, la parenté, l'amour, le dialogue, l'écriture, le savoir partagé, et l'enseignement des langues.
Un exemple plutôt qu'une longue explication ? Les sièges (chapitre 5 de la IIème partie consacrée aux créations matérielles) : Henriette Walter répertorie 79 entrées pour le mot siège en français, certains familiers, d'autres vieillis ou tombés dans l'oubli. Pour chacun des noms de sièges, elle explique l'étymologie, l'histoire et le mouvement des mots : une cathèdre, un confident, un faldistoire, une miséricorde, un paphose, un perroquet, une veilleuse, une voyelle... L'imagination humaine pour indiquer un simple meuble sur lequel on s'assied est un émerveillement ! Et il en va de même pour bon nombre d'autres mots.
Points forts
- Instructif et amusant, tels sont les deux qualificatifs que l'on peut appliquer d'emblée à cet ouvrage.
- Henriette Walter a le don de mettre à la portée de chacun une spécialité savante, la linguistique.
- L'auteur n'hésite jamais à comparer les appellations dans d'autres langues ce qui enrichit son propos.
- Un large appareil à la fin de l'ouvrage propose des annexes, des index, des notes qui permettent d'aller plus loin.
Quelques réserves
Ne choisir que 2000 mots pour dire le monde pourrait paraître un programme à la fois ambitieux et superficiel. Il n'en est rien tant cette approche réserve de surprises !
Encore un mot...
Ce serait une évidence que d'écrire que l'on apprend mille et une choses grâce à cet ouvrage. Parmi lesquelles : c'est dans les toponymes que se cachent les plus vieux mots d'une langue ; que le vocabulaire du corps humain se partage entre le latin et le grec ; que les noms des vêtements n'ont rien de vraiment mystérieux alors que les noms des chaussures sont exagérément nombreux ; que les noms de l'argent et de la monnaie apparaissent dès le début de l'histoire humaine... Les mots disent le monde, la démonstration en est faite dans ce livre.
Une phrase
"Le nom de grue vient du latin grus et, en latin déjà, il désignait à la fois un oiseau migrateur et un instrument de levage... Plus tard, Grue a aussi été à l'origine d'un nom de fleurs dont le fruit présente à s'y méprendre la forme très particulière du bec d'une grue : conique, assez long et bien droit. Les Grecs, pour qui le nom de la grue était geranos, n'ont donc pas hésité à donner à cette fleur un nom proche de celui de la grue, geranion, emprunté ultérieurement sous la forme geranium en latin. Et c'est au XVè siècle que les botanistes français ont adopté ce même nom pour la plante que nous connaissons encore de nos jours sous le nom de géranium.
Par ailleurs, c'est le pied de la grue qui a laissé une trace, bien plus inattendue, celle-là, dans un tout autre domaine, celui de la généalogie. En observant un tableau généalogique, on constate en effet une ressemblance frappante entre les tracés reliant les générations et les empreintes en forme de petites fourches à trois branches que laissent les grues sur le sol, d'où le nom de pié-de-grue qui a été donné à cet ensemble de traits en ancien français. Plus tard, emprunté en anglais, qui l'a transformé en pedigree, ce nom nous est revenu sous cette nouvelle forme qui est toujours en usage en français dans le domaine des races chevalines ou canines, pour indiquer l'appartenance à une généalogie officiellement reconnue.
Et ce n'est pas tout : par leur présence bien établie dans certaines localités au cours de leurs migrations, les grues ont été jusqu'à laisser des souvenirs dans la toponymie. C'est par exemple le cas pour la ville de Gruyères en Suisse, dont le blason exhibe une magnifique grue aux ailes déployées.
Enfin, les grues font leur cinéma... " (P. 24)
L'auteur
Henriette Walter, linguiste réputée, a publié une quinzaine d'ouvrages sur les mots, tous accessibles à un large public, ainsi que de nombreuses communications savantes. Elle est présidente de la Société internationale de linguistique fonctionnelle et membre du Conseil international de la langue française. Parmi ses ouvrages les plus connus : Le Français dans tous les sens, l'Aventure des langues en Occident, l'Aventure des mots français venus d'ailleurs et dans la collection "Bouquins" Langues d'ici et d'ailleurs.
Culture Tops a rendu compte de quelques uns de ses ouvrages, notamment
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