Dans les yeux de Jade

Bonheurs et inquiétudes des amoureux de chats et considérations sur l’air du temps...
De
Patrice Lelorain
Albin Michel, publié le 3 février 2021 -
208 pages -
17,90 €
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

« Le plus petit des félins est une œuvre d’art » disait Léonard de Vinci. Patrice Lelorain en fait la convaincante démonstration en traçant finement le portrait de Jade, princesse siamoise. À en croire le Livre Officiel des Origines Félines, cette jeune aristocrate est la fille d’Icare des Petites Canailles et d’Hélène-Mélanie des Lutins Câlins; la petite-fille, côté paternel, de Magic Thaï Goblin’s Carlo et de Fleur de Bambou musical, et, côté maternel, d’Eddy de la Vallée de l’ Aube et d’Etoile de l’Aurore Australe; et, n’en jetez plus, la cour est pleine, l’arrière-petite-fille des célébrissimes Bon Sayid Van Thaïkiki et Soraya Tusita Silken Ninja ! 

Avec un pedigree pareil, rien d’étonnant à voir le narrateur débourser 800 € pour l’offrir à sa compagne comme cadeau d’anniversaire. Mais très vite, foin des convenances et de l’étiquette, Jade oublie ses particules pour devenir, dans l’intimité de sa famille adoptive dont elle bouleverse la vie, Jadou, Fifille, voire même Pépète, un surnom qui « chante comme un klaxon italien ».

Points forts

Un chat, aurait pu dire François Truffaut, « c’est une joie, mais c’est aussi une souffrance » … Si Jade est un plaisir permanent, elle est aussi une préoccupation constante. Est-elle en chaleur ? Cette chaleur est-elle vraie ou fausse ? A-t-elle l’âge requis pour fournir un consentement éclairé (« 7 mois c’est beaucoup trop jeune ! ») ? Et le risque de propagation du SIDA, cette pandémie féline qui ne connaît ni vaccin ni traitement ? Faut-il lui faire observer une quarantaine avant de la présenter au séduisant Thaïsuki vom Schloss zu Biebrich ? Comme on le voit, les problèmes posés ne sont pas très éloignés des nôtres …

Tous les bonheurs et toutes les inquiétudes que connaissent les humains partageant leur vie avec des chats y passent : le plaisir des jeux communs, le rire qui gagne lors de leurs inévitables quarts d’heure de folie quotidiens, l’admiration devant tant de beauté, de souplesse, de délicatesse (« un chat, j’en suis convaincu, pourrait marcher sur un nuage », disait Jules Verne), mais aussi, parfois, les bouderies suite à une absence prolongée, les problèmes de voisinage, et surtout,  les angoisses nées de leur fragilité avec recherches sur internet au moindre symptôme et visites régulières chez le pédiatre – lisez vétérinaire. 

Patrice Lelorain sait nous décrire avec bonheur cette heureuse cohabitation et, de surcroît, en tirer quelques considérations bienvenues sur l’air du temps. 

Quelques réserves

Ce récit respire l’expérience vécue. Les amoureux des chats s’y reconnaîtront. Les autres n’y verront que l’expression d’un gâtisme précoce ou d’un anthropomorphisme débridé. Cela n’a aucune importance. Dans les yeux de Jade ne leur est pas destiné ...

Encore un mot...

« Le chat est un émerveillement qui ne s’épuise pas » (Paul Léautaud, Journal, 8 mars 1947)

Une phrase

- « En général, Jade nous honorait de sa présence à l’heure des repas, assise sur son siège attitrée, entre Diane et moi. Dans le creux de la main, nous lui offrions un échantillon de nos plats qu’elle goûtait volontiers, développant ainsi une passion éphémère pour les lasagnes et le tourteau fromager. Juste une petite douceur essentiellement sentimentale, un plaisir du partage, puisqu’auparavant elle avait liquidé le contenu de sa gamelle. (…) Jamais je n’aurais imaginé me sentir si proche d’une boule de poils ».

- « La confiance immaculée de son regard bleu me fait presque venir les larmes. Jade nous a tant apporté. (…) Il m’apparaît soudain clairement que le salut de l’humanité ne passera que par une appréhension renouvelée du vivant. (…) Les animaux, des choses ! Les arbres, les plantes, des choses ! Les hommes, des choses ! (…) Seul un pacte avec le vivant peut nous sauver. Les hommes ne s’amélioreront jamais vraiment en mijotant dans le jus de leur propre espèce. Il fallait tout revoir, tout reconsidérer, ou plus exactement, il importait enfin de voir, de considérer. Alors j’ai dit à Jade : « Fifille, dans ce monde magnifique et incertain, tu peux compter sur moi. Tu es de la famille. » En deux tendres coups de langue sur ma main, elle m’a renvoyé un message identique, et ça m’a fait du bien. »

L'auteur

Chroniqueur et écrivain, Patrice Lelorain est l’auteur de plusieurs livres (romans, chroniques, essais) dont Quatre uppercuts (la Table ronde, 2008),Prix de la nouvelle de l'Académie Française. Il est également l’auteur d’une biographie liée au monde de la boxe dont il est un spécialiste : La Légende de Muhammad Ali (La Table ronde, 2008).

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