DANS LES GEÔLES DE SIBERIE
300 p. 20.90
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Thème
2015, Irkoutsk, sur le légendaire lac Baïkal, capitale de la Sibérie centrale. A 5 000 km de Moscou, température moyenne : -20 degrés. Yoann Barbereau, ressortissant français en mission culturelle est arrêté, brutalement. Sous les yeux de sa fille de 5 ans, ce nouveau et très apprécié directeur de l'Alliance Française, l'auteur donc, est arrêté et emmené par des hommes cagoulés. Son crime ? On l'accuse de pédophilie, rien que ça. Est il coupable ? Le dossier d'accusation, les interrogatoires, les témoignages à charge sont accablants. Il aurait même violé sa propre petite fille ; la mécanique de la destruction est lancée, frustre, implacable, inhumaine, d'abord dans les geôles de Sibérie puis en asile psychiatrique. En fait, Barbereau est la victime désignée d'un Kompromat (comprenez un "montage" à charge), méthode de broyage humain inventée par le KGB, devenu le FSB, bien connu au "Bureau des Légendes". On veut sa peau en haut lieu, on lui "promet" 15 ans de réclusion en camp disciplinaire. Barbereau est condamné. Plus aucune chance de s'en sortir, aucun soutien à attendre des autorités françaises, "l'amitié franco russe" et la "real politik", en cette période de guerre de Crimée est à ce prix. Alors, l'invraisemblable cavale va commencer ! On retrouvera Yoann à Nantes, 2 ans plus tard...
Points forts
- Un nouveau romantisme. C'est un grand livre d'aventures qui nous tient en haleine comme dans un thriller ou un film de Costa Gavras. A certains moments, on croit suivre à la trace un Michel Strogoff, héros de Jules Verne, le génial écrivain voyageur, amoureux d'Irkoutsk. Dans d'autres séquences c'est la destinée romanesque d'Edmond Dantès et son confinement au château d'If qui surgit de nos mémoires. Sauf qu'ici c'est du vrai et que ça se passe aujourd'hui.
- Une communion avec l'âme russe ; l'auteur aime cette région magique de Sibérie, sur les rives étincelantes du lac Baïkal et nous fait partager ses émotions paradoxalement positives. Et la littérature russe fait irruption dans le récit. Chaque tête de chapitre est ponctuée d'une citation : Tchékhov, Boulgakov, Edouard Limonov ou Nabokov. Les références littéraires sont innombrables et appropriées : "J'ordonne qu'on prolonge le banquet" disait Ivan le terrible, ivre ! Même Roland Barthes intervient dans la psychologie de la passion amoureuse : " Est il seulement amoureux ? Il n'est que jaloux”.
- Sa dimension géopolitique : on partage la colère de cet intellectuel confiné au secret dans un recoin de l'ambassade de France avec, dans la bouche, l'avant goût de la vengeance d'un grand fauve blessé : "Dans les geôles...", c'est la dénonciation des compromissions, des tractations et marchandages. Yoann est pris en otage par des forces qui le dépassent ; c'est la victime collatérale du jeu diplomatique. Ici, Barbereau règle ses comptes avec les puissants.
- Originalité de ton, originalité de style, brutalité du vécu, brutalité du langage mais de la poésie partout. En résumé : un polar sorti de la Pléiade.
Quelques réserves
- Zone d'ombres. Quid des motifs ? Les causes de ce simulacre de procès, de cette mise en scène, de cet acharnement, restent mystérieuses. L'hypothèse d'une rivalité amoureuse, d'une histoire passionnelle est vraisemblable mais pas certaine ? De même le rôle joué par le maître du Kremlin, ennemi juré du maire d'Irkoutsk, protecteur de notre héros, reste flou. Les grands prédateurs de la Nomenklatura restent tapis dans l'ombre. Notre ministre des Affaires étrangères de l'époque est étrangement inefficace. On aurait aimé en savoir plus. Peut-être un jour un secret d'Etat nous sera-t-il dévoilé ? Comme dirait l'excellent Franck Ferrand, plane toujours sur cette aventure rocambolesque comme "l'ombre d'un doute".
Encore un mot...
C'est du John le Carré vécu. Services secrets et mauvais procès, "dossier compromettant" et qui fait mal, la taule et l'asile, au cœur de la Russie "glaçante" de Vladimir Poutine, le maître du Kremlin, et d'autres lieux moins recommandables. Un "roman vrai", selon le mot de l'auteur, stupéfiant, car cette histoire n'est pas une légende. Une violence contenue, un cri de douleur et d'amour trompé, un style incomparable, une œuvre littéraire en même temps qu'une épopée des temps modernes unique et... sans fin, comme dans le BDL ! Rappelons que Yoann Barbereau, condamné par contumace, est toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Concluons avec Nabokov (dernière ligne du livre ) :"Un seul point commun entre l'espion et l'artiste, le détail". Artiste? Yoann Barbereau en est un, assurément. Pour le reste, mystère.
Une phrase
(à Moscou - Yoann Barbereau)
"Il n'y a rien en ce monde qui n'ait son moment décisif.
Je le vis, je le pris. Pour m'enferrer ensuite dans une ambassade. Pourquoi ? Comment ? Je connais pourtant leurs fonctionnaires en charge, leurs aptitudes, ma valeur d'usage ; j'étais parfaitement inutilisable, inutile et même dangereux pour leur carrière.
Mon épaule brûlée m'incita-t-elle à m'abriter dans une cage ? A suivre mon instinct de bête blessée ; j'y suis entré par goût, j'ai aimé les murs d'enceinte, les hautes tours, je me suis refugié dans la solitude, le silence, la lecture... je me suis vite rendu compte de mon erreur (Quelques lignes plus loin)
(L'ambassadeur de France)
"Ecoutez , vous nous mettez dans une belle merde ! Vous êtes rentré d'accord ; mais impossible de dire quand vous en sortirez. Dans un mois, dans un an, dans 10 ans ?
J'ai prévenu notre ministre des AE, il est à New York, aux Nations Unies. Les Russes sont prévenus, ils sont furieux. On va voir si on peut négocier. Cela risque de coûter cher. Vous n'allez pas vous faire que des amis, au Quai ! " J'étais abasourdi. Je m'étais désenchaîner, me voilà plongeant dans une bouillasse impeccable.
L'auteur
Yann Barbereau, 45 ans, était en 2015 un agent contractuel au ministère des Affaires étrangères, tout en fondant une association dédiée à la culture dans le cadre de "l'amitié franco-russe ". Ayant noué de bonnes relations avec le maire d'Irkoutsk et sa femme francophile, admiratrice de Jules Verne, ayant épousé lui-même une jeune femme russe, il se fait nommer à la direction de l'Alliance Française d'Irkoutsk, alors en pleine déconfiture.
Au bout d'un an de relations locales et personnelles compliquées, il commence à avoir quelques problèmes avec les autorités locales et le FSB (ex KGB) et rentre, après son internement et son confinement forcé en France en 2017 en médiatisant son élargissement et sa "fuite". Dans les geôles de Sibérie est son premier (et seul à ce jour) ouvrage.
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