Croyances: Comment expliquer le monde?

De
Henri Atlan
Editions Autrement
Recommandation

Et, pour ceux qui aiment ce type de réflexion, passionnant.

Notre recommandation
4/5

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Lu
par Culture-Tops

Thème

Les relations entre croyances, savoirs ou connaissances, vérité et raison sont complexes. Si en Occident on souhaite distinguer connaissance et croyance, ce n’est pas un besoin universel.

Cette distinction peu contestable en sciences, est beaucoup plus fragile dans les domaines historique ou philosophique.

Ajoutons que c’est pour l’incroyant que la croyance est croyance. Le croyant lui sait. Ou plus exactement croit savoir…

C’est le christianisme qui a inventé la religion reposant sur un acte de foi et non pas sur une forme de savoir.

Kant semble recoller les morceaux puisque si la raison pure ne peut démontrer l’existence de Dieu, la raison pratique retrouve une voie d’accès à Dieu grâce au libre arbitre et au sublime.

Mais le découpage occidental entre savoirs et sciences d’un côté, croyances et religions monothéistes fondées sur des professions de foi, de l’autre, a retrouvé des forces jusqu’à la fin du 19ème siècle, alors que dans le reste du monde les religions peuvent être associées à des savoirs empiriques, à des rituels et ne s’apprécient pas en termes de savoir.

Le pragmatisme (James, Peirce) et Wittgenstein ont remis en cause la question de la vérité en s’attachant à l’intérêt pratique des idées et en considérant comme vrai ce qui n’a pas de raison d’être mis en doute.

Cela permet de constituer un socle de vérités qui évolue dans le temps mais dont l’expérimentation, la raison et la logique constituent le ciment. Et c’est à partir de ce socle que les croyances doivent être examinées pour devenir savoirs, erreurs ou simplement rester dans l’incertitude.

Cette démarche, refusant le dilemme réductionniste des cognitivistes comme des phénoménologues, s’est imposée en sciences expérimentales où l’examen des croyances est plus simple qu’en « science sociale » ou lorsqu’elles concernent une question philosophique ou religieuse. Elle a même laissé espérer une compréhension globale de la vie.

L’analyse de l’ADN, par exemple, a pu faire croire que la seule percée de l’information génétique permettrait de tout comprendre. Il est aujourd’hui évident qu’il n’en est rien, ce qui redonne espoir aux croyances.

Henri Atlan classe les croyances religieuses en trois catégories :

- les religions monothéistes à profession de foi.

- les appartenances à des identités socioculturelles avec des normes de comportement plus ou moins ritualisées.

- les expériences oniriques ou extatiques perçues comme des accès à une autre réalité. 

Mais il affirme que ce sont les expériences du sacré en tant que phénomènes neuropsychiques qui sont à l’origine des représentations divines et pas l’inverse.

L’universel singulier relèverait donc d’une pratique plus que d’une métaphysique réaliste ou idéaliste.

Le risque est alors de tomber dans le relativisme où tout se vaudrait. Pour éviter ce trou noir, Henri Atlan revient au pragmatisme, philosophie de l’expérience, sans se limiter seulement à la démarche scientifique qui permet de rejeter les fausses croyances. Il valorise aussi l’intuition ou l’imagination, artistique ou mystique, car propices au contexte de découverte.

En conclusion, les croyances dérivées des sciences s’appuient sur des savoirs qui les justifient mais qui peuvent être temporaires. Les autres croyances sont créatrices de sens multiples, voire incompatibles, susceptibles cependant d’enrichir nos existences individuelles, même si elles servent souvent de prétexte à la confrontation pour relever les défis de la modernité technoscientifique. Un dialogue ouvert et respectueux est alors nécessaire pour aboutir à une sortie par le haut comme ce fut le cas pour la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Points forts

Vieille question du rapport entre doxa et connaissance réexaminée à la lumière des progrès scientifiques et du pragmatisme américain. Henri Atlan refuse une position dominante mais reste au contraire en contact avec sa réalité de chercheur en biologie et d’homme de culture, lecteur des textes sacrés comme de Spinoza ou de Wittgenstein.

La synthèse est difficile mais convaincante.

Quelques réserves

Une démarche parfois non rectiligne. Un style qui peut être un peu lourd et manquer de clarté.

Encore un mot...

Une description de l’homme à la fois machine à désirer, imaginer et croire mais aussi capable de faire le tri dans sa production.

 

L'auteur

Henri Atlan construit depuis une trentaine d'années une œuvre inclassable.

Médecin, chercheur spécialisé en biologie moléculaire, Henri Atlan est aussi un spécialiste des modèles informatiques, l'un des fondateurs de la théorie de l'auto-organisation et d'une pensée de la complexité.

Il est également, de longue date, lecteur des textes de la kabbale, de Platon ou de Kant, et plus encore de Spinoza.

Ces mondes de la science, de la philosophie et des religions ont commencé à se rapprocher en abordant l'analyse des phénomènes d'auto-organisation et l'étude des systèmes complexes. D'abord marginaux, ces sujets ont attiré d'autres chercheurs et ont poussé à remettre en cause les analyses dominées par la métaphore du programme génétique.

En participant aux travaux du Comité national d'éthique, Henri Atlan a pu constater combien les sciences posent des problèmes qu'elles ne se donnent pas les moyens de résoudre.

Les solutions ne pourraient-elles être cherchées dans les philosophies et les traditions religieuses ? 

C’est le thème de ce dernier livre sur les croyances.

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