Comédie française, ça a débuté comme ça
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Thème
Fabrice Luchini raconte son parcours, depuis le quartier des Abbesses, où il apprend « la puissance de l’oralité », jusqu’aux spectacles littéraires joués des milliers de fois dans des salles combles ! Que s’est-il passé ? Il revient sur les principales étapes de son ascension sociale, en suivant le trajet symbolique de l’autobus 80, qui lui ouvre un univers plein de promesses, à partir du fameux salon de coiffure de l’avenue Matignon. Il évoque les rencontres déterminantes, comme celles de Philippe Labro, Eric Rohmer, Roland Barthes… et surtout Jean-Laurent Cochet, qui va lui révéler le théâtre et la poésie ; il découvre à quel point la réalité est transfigurée par les grands auteurs et trouve alors sa vocation, celle de dire les textes dont il est nourri, en avançant dans le mystère du verbe. A chaque page ou presque, il rend un hommage fervent à ses écrivains préférés.
Points forts
• On retrouve avec bonheur les interprétations très personnelles de ceux qu’il ne cesse de célébrer : La Fontaine et sa fluidité lumineuse; Céline, le plus grand « cinéaste » du XXème siècle, parce qu’il donne à voir et qu’il a inventé le gros plan; Molière, « LE » dialoguiste, une langue en marche; Proust et son art de décrire la grimace sociale; Rimbaud et sa poésie organique et hallucinatoire; Nietzsche, qui s’attaque aux masques de la comédie sociale; Muray et sa critique lucide du festif tyrannique …
• Un des plus beaux passages du livre est la rencontre miraculeuse du répertoire classique grâce à Jean-Laurent Cochet, lui-même traversé par Louis Jouvet ; elle est décrite comme une entrée en religion, avec l’enthousiasme du converti, dont la vie a changé !
• Les pages nombreuses consacrées aux « fragments » choisis, qu’il dissèque avec l’intelligence du cœur, soulignent la vénération éprouvée par l’autodidacte.
• Il efface les frontières entre la littérature et la vie ou entre la scène et la vie; il sollicite ses chers écrivains à toute occasion : il est le Fâcheux, il est Alceste ou il « récite Molière dans une situation proustienne ».
• Il insiste sur la diction, la base de son métier; il travaille ses textes comme des partitions musicales, pour en restituer l’exactitude du rythme et la subtilité de la nuance. Il lit, relit, répète inlassablement; il parle de rumination pour atteindre la magie du verbe.
Quelques réserves
• Ceux qui attendraient une autobiographie seront déçus; Fabrice Luchini ne nous livre pas de confidences. Il reste pudique sur sa vraie vie, sa famille, ses proches, même si le journal qu’il tient tout en rédigeant son livre nous vaut quelques rencontres réelles et fort drôles …
• On peut regretter qu’il ne parle pas de certains rôles qui lui allaient si bien, comme Beaumarchais, l’insolent à travers une vraie filiation entre l’auteur, Figaro et lui-même, qui, tous les trois, incarnent avec brio l’esprit français.
Encore un mot...
C’est l’histoire d’une passion ! Fabrice Luchini est un amoureux des mots, qui l’ont sauvé de ses angoisses. Il ne cache pas ses failles, son désir d’être le « préféré », son individualisme. Il ressent un attachement profond et touchant pour certains écrivains, avec lesquels il se trouve des affinités. Son livre est très agréable à lire, comme le prolongement de ses spectacles; on croit l’entendre, en retrouvant son phrasé si particulier. Il mêle habilement la légèreté à la profondeur, de même qu’il change de registres pour notre plus grand plaisir. Il ne se prive pas de critiquer son époque avec sa verve et son ironie habituelles. Dans cet ouvrage comme sur scène, il joue à merveille son rôle de passeur; lui seul sait transmettre sa ferveur jubilatoire pour la langue et la littérature françaises !
Une phrase
« J’ai eu le sentiment de faire, à cette première lecture, (celle du Voyage au bout de la nuit), une découverte saisissante. Ca a été le début d’une histoire d’amour et je me suis mis, sans projet préconçu, à apprendre par cœur des passages entiers de ce livre. » p. 59
L'auteur
Né à Paris en 1951, dans un milieu modeste, Fabrice Luchini est devenu l’un des plus grands comédiens français. On ne compte plus les films dans lesquels il a tourné, il en dénombre soixante-quinze, ou les pièces de théâtre qu’il a jouées, une trentaine … Il a surtout inventé un concept : les lectures-spectacles, au succès retentissant. En septembre 2015, il a obtenu la Coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine au Festival de Venise, dans le film Hermine.
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