Clint et moi
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Thème
Adorateur de Clint Eastwood depuis ses premières apparitions avec poncho et cigarillo en 1964, Eric Libiot explore la complexe personnalité de cet ultime géant de la production nord américaine, les différents aspects de ses nombreuses créations.
Il y mêle des réflexions plus personnelles sur sa compréhension du cinéma selon Clint, et ce que cet homme intimidant et assez peu communicatif (en dehors de ce qu’il jette sur les écrans) apporte dans sa propre vie.
L’essai peut se diviser en 3 aspects : l’ébauche d’une reconstitution de l’époustouflante carrière de Clint assaisonnée de quelques interrogations sur les intentions de l’auteur et son parcours mental. La lente progression, au fil des années d’une certaine intimité entre Libiot et Eastwood (Eric et Clint ?), laquelle sans aller jusqu’à l’amitié, représente une victoire formidable pour l’inconditionnel fan. Enfin une réflexion personnelle sur la perte du père et la présence de Clint dans la vie d’Eric…
Points forts
L’ouverture du livre est hilarante : Libiot conte avec une grande humilité et beaucoup d’humour sa première rencontre - tant espérée - avec le grand Clint, en 1998 à l’occasion de la sortie de Minuit dans le jardin du bien et du mal. Une interview complètement ratée pendant laquelle Eastwood accumule ses énigmatiques silences, ses Oui et Non sans fioritures et dont Libiot ressort complètement lessivé, tout en étant un critique cinéma de grande notoriété. Il y a là une vingtaine de pages irrésistibles.
Ce qui interpelle dans cette étude légère mais érudite est la diversité de la production et des centres d’intérêt de Clint Eastwood : assez rapidement indépendant sur le plan financier, il va du polar au western, de la critique politique à la tendresse, de la science fiction au romantisme passéiste. La pêche aux merveilles, et aux interrogations, à travers les films, est inépuisable.
Le film préféré de Libiot est Un monde parfait en 1993 qui intervient juste après La route de Madison et avant le redoutable Impitoyable. Il y a aussi Bird en 88, le Maître de guerre et Pale Rider en 85, et plus récemment Sully, Invictus, Million Dollar Baby, la terrible chronique, en 2 épisode de la guerre du Pacifique (Mémoire de nos pères, Iwo Jima en 2006), le merveilleux Honkyton man de 1982.
Un aspect très intéressant est l’interrogation sur le «rapport aux femmes» que Clint distribue à travers ses films : Avec les tumultueux Inspecteur Harry on lui attribua misogynie, violence d'extrême droite et marginalisme mental. Or Libiot démontre la passion des héros de Clint à sauver femmes et enfants, réhabiliter les imprudentes, exterminer les violeurs, recueillir la veuve et l’orphelin, les musiciens égarés dans la drogue, les cosmonautes vieillissants, les policiers complexés, les politiciens bernés par des escrocs.
C’est bien écrit, nettement au dessus de l’habituelle navrante prose journalistique. Ah ! Un bon point ! Toutefois il jette aux chiens Les pleins pouvoirs qu’il n’aime pas et le fameux Minuit...peut-être à cause de l’entretien raté ?
Quelques réserves
L’ensemble des 215 pages est un peu brouillon, avec parfois des apartés qui relèvent de la psychologie de salle de bain. Mais pourquoi pas, après tout ? Car cela donne un ton d’authenticité qui sort le lecteur de la stricte érudition du critique.
Encore un mot...
Bref, ce livre est bien... et pas bien, il agace et séduit, comme cet Américain représentatif d’une mentalité américaine très particulière écartelée entre l’honnêteté et les voyous, la violence et la compassion, l’humour et l’insondable tristesse de la plupart des conditions humaines. Clint est surement à la recherche d’un monde qui n’existe pas, mais Eastwood avec ses dollars et sa puissance de feu lui permet de faire la part de ce qui est exprimable du bien et du mal.
Les 3 meilleures pages de ce livre sont la filmographie de Clint Eastwood de 1964 à 2019...On a du mal à s’en remettre !
Une phrase
“Le seul film de Clint qui aurait pu prétendre à la Palme d’Or est Mystic River en 2003 ; le président du jury est Patrice Chéreau...mais c’est trop social, il y est question de crime impuni...Chéreau déteste...Palme zéro” (pages 166/67).
“Dans Un frisson dans la nuit, le premier film qu’il réalise, il raconte l’histoire d’un animateur de radio de jazz...qui devient la proie d’un femme possessive et perverse...le scenario est écrit par une femme” (page 81).
L'auteur
Eric Libiot fait partie du Club très fermé des observateurs avertis du monde du cinéma. Ses critiques parfois mordantes et ses enthousiasmes sont bien connus. Ancien rédacteur en chef du département culture de l’Express, il délivre des chroniques régulières dans Lire et sur France Inter.
Tous les films cités sont produits en CD ou tout autre support et sur les sites de films à la demande
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