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Thème
Hubert Védrine, haut fonctionnaire et homme d'Etat, entretient depuis l'adolescence, un rapport d'admiration pour l'écrivain Albert Camus, son œuvre littéraire et ses idées.
Dans ce petit essai, il raconte tous ses rendez-vous avec l'auteur, dont la mort début janvier 1960 bouleverse le jeune adolescent qu'il est alors. Ces pages sont nourries des rencontres avec ses amis et ses "ennemis" (Sartre, comme envers philosophique et politique), des lieux où il a vécu et travaillé (Tipasa, Alger, Lourmarin), avec ses proches aussi (Jean Daniel, sa fille Catherine, René Char, les Gallimard…) et nombre de ses contemporains.
Dans ces lignes se croisent la construction littéraire et politique d'Hubert Védrine et le parcours d'intellectuel et d'auteur nobélisé d'Albert Camus, l'ancien ministre proche de François Mitterrand ne manquant pas une occasion de mettre ses pas dans ceux de son maître, ce rempart évoqué en toute fin d'ouvrage.
Points forts
C'est tout simple, cet essai est d'abord très bien écrit. Il mêle intelligemment les confessions admiratives d'Hubert Védrine avec la description des événements marquants, des amitiés, des combats politiques et des intentions littéraires d'Albert Camus.
Et force est de (re)constater l'énergie foisonnante, la détermination de ses engagements (résistant, rédacteur en chef de la revue Combat…), la liberté de sa pensée qualifiée aujourd'hui de "libertaire", refusant le libéralisme autant que le communisme et ses idées, ce qui lui vaudra sa rupture intellectuelle avec Sartre et la gauche marxiste française.
Il est aussi l'occasion de découvrir plus intimement le parcours d'Hubert Védrine, lui aussi tout à fait intéressant dans sa description précise et sans emphase, évoquant la diversité de ses rencontres, la stabilité de ses convictions, et son refus, confessé sans langue de bois, du conformisme intellectuel de l'idéologie "woke".
Quelques réserves
C'est aussi tout simple - il n'y en a (presque) pas. Le sel de cet essai serait certainement de très bien connaître l'œuvre et le parcours d'Albert Camus pour apprécier les choix de son auteur. Cela sera réservé, on peut le craindre, à un tout petit nombre de lecteurs.
Encore un mot...
Camus notre rempart est comme un voyage intime entre deux êtres qui ne se sont pas rencontrés, mais dont l'un paraît avoir été un indéfectible guide pour l'autre. La sincérité de l'écriture, l'érudition de l'auteur, la qualité de la plume et la concision du propos font de cet essai un tremplin pour se (re)plonger dans l'univers et l'œuvre d'un homme, "lumière dans le brouillard", fondateur d'un humaniste libre de tout prêt à penser.
Une phrase
" Un passage de son Discours de Suède [à l'occasion de la réception de son prix Nobel de littérature en décembre 1957 NDLR] peut parler directement à tout habitant de la planète en 2024 :
Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande.
Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse.
En 1957, il pensait à une guerre nucléaire. Mais je ne crois pas m'aventurer trop en soutenant qu'aujourd'hui, en 2024, l'homme qui avait écrit dès 1948 « Nous avons désorbité l'univers [...], nous tournons le dos à la Nature, nous avons honte de la beauté » (L'Exil d'Hélène) penserait avant tout à permettre aux générations à venir de pouvoir vivre sur cette planète. Immense défi du siècle à venir.
C'est à présent une course de vitesse.
Source pure et inaltérable, Camus nous protège des temps sans esprit, ceux de la morne bêtise, de l'attraction de la haine et de la vindicte, de la démesure, de la justice sommaire et expéditive, du sectarisme imbécile, du lynchage et de l'esprit de lourdeur. Camus, notre rempart." P 126
L'auteur
Hubert Védrine est un homme politique français, connu pour son engagement auprès de François Mitterrand et le parti socialiste, notamment ministre des affaires étrangères de 1997 à 2002. Mais il est aussi un expert reconnu des questions de géopolitique, qui l'ont conduit à participer à de nombreux comités et organismes (Institut de Relations Internationales et Stratégiques, Nations Unies, Otan, Conférence pour l'environnement…). Il a présidé pendant 20 ans l'Institut François Mitterrand et siège, ou a siégé, dans de nombreux conseils d'administration d'entreprises ou d'ONG. En dehors des questions géopolitiques qui seront les thèmes de nombre de ses ouvrages, signalons l'amusant Olrik, la biographie non autorisée, écrite avec son fils Laurent sur ce personnage démoniaque et sans scrupule des aventures en bandes dessinées de Blake et Mortimer.
Ils viennent de sortir
Commentaires
Un peu court niveau Camus, un peu long niveau ma vie mon oeuvre : 2/5
Hubert Vedrine admire Camus tout en etant un acteur engage de l'Histoire. Peut on etre les deux? Peut-on realiser un ideal camusien et une action politique? Peut on creer l'Histoire et la refuser? L'oeuvre de Camus, c'est de proposer des garde fous par le biais de l'absurde. L'absurde, c'est l'utilisation de l'Histoire pour l'Histoire, le profit pour le profit sans tenir compte de l'Humain ou en le sacrifiant.
Hubert Vedrine est un homme d'action. Il lui manque une profondeur de reflection autour de l'oeuvre de Camus. Il fait des affirmations qui soutient le livre comme le fait de penser que le monde a change depuis Camus. Peut etre mais rien n'est moins sur. Une autre revolution industrielle celle du numerique nous amene au bord de la guerre pour les memes raisons que la precedente nous a amene a la seconde guerre mondiale. L'histoire se repete si le genre humain n'apprend pas de ses erreurs. Encore une fois, l'absurde a l'oeuvre.
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