Bretagne, l’histoire confisquée
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Thème
La cause est noble, rendre à la Bretagne sa véritable histoire, enracinée et méconnue, éloignée de la légende de ses vieilles gloires : le roi Arthur, Bertrand du Guesclin, Anne de Bretagne.
Attiré par le titre et la jaquette sobre aux couleurs du Gwenn ha Du (drapeau breton, blanc et noir) promettant une « histoire de combat », l’amoureux de la région accompagne volontiers l’auteur en croisade pour trouver les coupables et comprendre ce que, derrière les images de cartes postales, l’auteur qualifie de malaise.
Points forts
Le professeur Frédéric Morvan connaît bien son sujet et met en scène sa géographie et sa culture uniques, la force de caractère du peuple breton, ses figures historiques marquantes, sa diversité, ses singularités locales, les enjeux de pouvoirs et les relations complexes entre le Comte de Bretagne, le Duc d’icelui et le pouvoir central aux divers âges d’une histoire millénaire. Souvent des clés d’explication du vrai malentendu entre la France et sa grande province occidentale surgissent d’un propos très documenté, mais parfois sommaire.
Hors du champ historique, l’auteur se risque dans une plaidoirie où la politique, un brin d’économie et d’aménagement du territoire, quelques opinions personnelles très générales et surtout l’appel au réveil de l’apprentissage par les bretons de leur propre histoire et la récréation du CELIB (Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons, lobby créé en 1950) devraient, à elles seules, remettre naturellement la Bretagne à sa place, évidemment la première.
Quelques réserves
Comme une course au large des côtes bretonnes, ce programme louable n’est pas sans danger. Le mélange des genres, quelques erreurs (piratage au lieu de piraterie, le commando Kieffer devient Pfeiffer), un plan du type :« atouts, enjeux, perspectives » amènent l’auteur à être parfois redondant.
L’histoire bretonne est de longue mémoire, complexe, entremêlée, tiraillée entre Nord et Sud, Est et Ouest, habitée d’une foi populaire en un christianisme teinté de croyances païennes, fracturée par les alliances inconstantes, des conflits féodaux, des soumissions mal digérées.
L’exception bretonne se réduit au fil du temps, les effets bénéfiques parfois, ou dévastateurs souvent de la tutelle française et l’abandon de son tropisme brittonique, l’émigration massive, l’absence d’unité régionale et d’une capitale unique l’ont même empêchée de faire valoir sans contestation son périmètre d’hier et d’aujourd’hui.
En outre, le langage familier, parfois véhément, assumé par l’auteur, fatigue le sujet et déconcerte le lecteur. La recette qui mélange du « kouign amann historique » et le « far breton socio-économique » passe mal en bouche tant les arguments sur les responsabilités et la supériorité bretonne : ressources, saints, politiques, entrepreneurs, bacheliers, … manquent souvent de développements, de liens et de consistance.
Encore un mot...
La thèse de ce sympathique livre d’humeur ne m’a pas convaincu que l’histoire de la Bretagne, même mal connue et insuffisamment enseignée, avait été réellement confisquée.
La connotation « populiste, canal historique » de l’ouvrage, une sorte « d’histoire de la Bretagne pour les nuls », exacerbe l’idée que si « les hommes ne savent pas l’histoire qu’ils font », ils doivent à tout le moins s’accorder dans la durée sur la vocation de leur territoire et leur ambition commune pour écrire l’histoire qu’ils méritent.
Et, même inaboutie, l’histoire bretonne ne manque pas de grandeur.
Je continuerai donc, avec bonheur, à en fréquenter la magnifique géographie et à aimer sa population talentueuse.
Une phrase
« Le lien vassalique qui attachait le duché de Bretagne au royaume de France n’était pas absolu. Le duc, en son duché, pouvait ainsi agir à sa guise, ou presque… ».
L'auteur
Frédéric Morvan est professeur agrégé d’histoire, docteur en histoire de la Bretagne et président du Centre d’histoire de Bretagne / Kreizenn Istor Breizh. Il a déjà publié six livres.
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