Bienvenue dans la décadence. Quand l’Occident est victime de son succès
Traducteur Peggy Sastre
336 pages
23 €
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Thème
Depuis le XVIIIème siècle, le monde vit une époque de progrès et de croissance. La vie dans les pays occidentaux aujourd’hui, ne ressemble en rien à ce qu’elle était cent ans auparavant, encore moins au début du siècle des Lumières. Avec cet essai, qu’il sous-titre Quand l’Occident est victime de son succès, Ross Douthat expose les raisons pour lesquelles il pense que le monde est entré dans un état stationnaire, la croissance, l’innovation s’essoufflant au fil des années. Il analyse les conséquences de cette stagnation sur les sociétés occidentales et sur les Etats Unis, objet principal de sa réflexion. Enfin il tente d’imaginer les sorties possibles de cet état stationnaire.
Points forts
A l’appui de sa théorie, Douthat invoque quatre causes essentielles qui retiennent effectivement l’attention:
La stagnation: l’économie s’essouffle, la croissance ralentit et tend vers zéro; les grandes inventions scientifiques structurantes se raréfient; malgré internet et l’intelligence artificielle, la vie quotidienne aujourd’hui est assez similaire à ce qu’elle était quarante ans plus tôt.
La stérilité: les sociétés développées ne font plus d’enfants; la population décroît.
La sclérose: toute réforme est impossible, la complexité augmente et une multitude de lobbies défend les situations acquises;
La répétition: la culture, les débats politiques ou “de société“ demeurent les mêmes que dans les années 1970.
Certes, tout ce qu’il avance n’est pas vérité d’évangile, mais ce sont à l’évidence des bases de réflexion capitales sur des questions existentielles pour l’avenir des sociétés occidentales.
A mi-chemin de 1984 et d’Huxley, Douthat tire de ses prémisses la vision d’une société occidentale mollassonne où les citoyens sont finalement dévertébrés, soumis à une dictature insidieuse à travers Internet; les (r)évolutions brutales sont peu probables, même du fait de l’immigration ou de la Chine dont il décrit les faiblesses. Au fond, c'est un état dont les citoyens s’accommodent fort bien, de peur qu’un mouvement brutal ne les entraîne vers le pire.
Quelques réserves
Fortement influencés par le catholicisme affirmé de leur auteur, les scénarios de sortie de la stagnation sont moins convaincants que les analyses qui les précèdent.
Enfin certaines assertions de Ross Douthat, pourtant appuyées sur des statistiques, vont tellement à rebours des idées reçues que le lecteur peut s’en étonner: ainsi le développement de la pornographie sur internet serait à l’origine d’une baisse des crimes sexuels, comme les jeux vidéos violents entraîneraient une baisse de la violence habituelle.
Encore un mot...
Une passionnante réflexion sur l’avenir de nos sociétés occidentales, traduite avec maestria par Peggy Sastre. On peut ne pas être d’accord avec les thèses de Ross Douthat, mais par leur cohérence et leur force démonstrative, elles fournissent au lecteur, et un champ de réflexion et de discussion, et un jeu de clés pour comprendre le monde dans lequel il vit.
Une phrase
« … la destruction s’avère fréquemment le châtiment inattendu d’une ambition prométhéenne .
En gardant ce péril à l’esprit, on pourrait même plaider en faveur d’une décadence durable, non pas comme une chute ou fin décevante, mais comme une issue heureuse voyant l’être humain enfin parvenir à un équilibre salutaire entre le malheur de la misère et les dangers de la croissance pour elle-même. De ce point de vue, la stagnation actuelle des pays riches, malgré tous ses mécontentements, serait en réalité le meilleur moyen d’équilibrer les besoins matériels de l’humanité et sa tendance à l’autodestruction. » Page 253
L'auteur
Brillant diplômé de Harvard, Ross Douthat est l’alibi conservateur (?) des chroniqueurs du New York Times. Il a été rédacteur en chef du très intellectuel The Atlantic, vénérable magazine fondé avant la Guerre de Sécession. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la société américaine et la religion (Le pape François et l’avenir du catholicisme). Converti au catholicisme, il accorde manifestement une place éminente aux aspects religieux dans ses réflexions.
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