Agir entre les lignes. Sociétés militaires privées : Wagner, Blackwater, Mozart et les autres
Parution le 16 mars 2023
208 pages
21 €
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Thème
En publiant ce livre, mûri par plusieurs années d’un riche parcours à l’international comme dans les sphères étatiques, Peer De Jong, ne se doutait sans doute pas combien les évènements viendraient à sa rescousse. Ils ont mis la conflictualité croissante et l’emploi de sociétés militaires privées (SMP ou ESSD : entreprises de sûreté et de sécurité de défense) comme Wagner en Ukraine et en Afrique au premier rang d’une actualité qui n’a encore pas dévoilé tous ses dangers.
Son propos vise à ouvrir un débat sur la place et le rôle possible - voire souhaitable - que ce type d’organisation tient à l’international et pourrait jouer en France, dans un contexte international et guerrier effervescent, pour contribuer, aux côtés des forces armées et des organisations internationales, à la stabilité du monde.
Points forts
L’auteur dresse un tableau synthétique de l’histoire récente du mercenariat et de son évolution vers les ESSD. Ce modèle, « impensé » et tenu à distance avec suspicion en France où le marché, étroit et concurrentiel, exporte à perte ses compétences humaines, a connu un essor important à l’étranger comme à l’international (ONU, UE, UA, OTAN), grâce à sous-traitance de missions et de marchés de sécurité étatiques et privés, tant dans les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Royaume Uni) qu’en Russie et aujourd’hui en Chine et en Turquie. Si les turpitudes du groupe Wagner ont nourri les antennes des chaînes d’information continue avant celle des faits divers avec la disparition mystérieuse de Prigojine, son fondateur, probablement commanditée par Vladimir Poutine, il n’en demeure pas moins que leur existence et leur besoin n’ont pas été fondamentalement remis en cause à l’occasion de leur reprise en main par le pouvoir russe.
Dans son essai solide, documenté et argumenté, Peer de Jong milite, à partir d’études de cas des principales SMP et de nombreux exemples observés ou vécus, à l’aune des difficultés croissantes de recrutement, de réduction de format des armées, de l’hostilité montante des régimes et des populations, notamment en Afrique, vis-à-vis de la présence lourde d’armées étrangères sur leur sol et de leurs modes d’actions directs et visibles, pour un emploi plus systématique des compétences d’anciens experts militaires et pour un retour global sur investissement national. Une vision stratégique ouverte et une place davantage reconnue et coordonnée des ESSD dans l’audit, la formation de dirigeants et d’unités militaires locales et le soutien logistique, soit en appui des unités militaires partenaires soit même en substitution d’elles, privilégieraient selon lui une posture de soft power, améliorerait l’image et réduirait le coût global et l’empreinte d’une présence et d’une assistance régaliennes dépassées et en « peau de chagrin » alors que la politique étrangère française est en pleine « désinfluence ».
Quelques réserves
La critique du modèle « tout régalien » français ne manque pas de pertinence mais ce plaidoyer « pro domo » en faveur de l’émergence d’un authentique écosystème d’ESSD françaises se heurte frontalement à la vision malthusienne et à la pesanteur politique, juridique et culturelle française y compris et surtout dans les états-majors parisiens et au Quai d’Orsay. L’inclusion de cette composante duale privée dans notre système régalien ne peut s’envisager que dans une dynamique volontariste, cohérente avec une stratégie française d’ensemble rénovée - financement compris - qui ne se résume pas, comme aujourd’hui au « Livre blanc », le dictionnaire épisodique sombre de toutes les hypothèses dangereuses, et à la gesticulation militarisée d’une impuissance française de plus en plus bavarde et de moins en moins indépendante
Encore un mot...
Cet ouvrage apporte un éclairage original sur les questions de sécurité internationale et constitue une bonne entrée en matière sur la question des ESSD dans leur zone d’action géostratégique, à la frontière de l’influence, de la défense et de l’économie.
Une phrase
- “« Donc, pas de compétition avec les Américains. Nous avons besoin d’eux ». Le silence règne. « Donc on ne fait rien. Ce sont nos alliés. On les laisse ». Fin de réunion. « Fin de partie, plutôt », me dis-je en sortant de la salle.” (p. 38)
- « Je suis presque constamment en Afrique mais je n’ai pas vu Wagner » (p. 102).
L'auteur
Ancien colonel des Troupes de Marine (armée de Terre), Peer De Jong connaît une retraite active : consultant Défense à la télévision (TF1, LCI), cofondateur et codirigeant de l’Institut Thémiis, professeur à l’EGE (Ecole de guerre économique) et l’ICP. Breveté de l’Ecole supérieure de guerre, docteur en Sciences Politiques, ancien aide de camp de deux présidents de la République (Vous n’oublierez rien, Colonel – éditions Tallandier, 2017), il a ensuite commandé le 3e RIMA avant de quitter l’institution militaire et de devenir entrepreneur, ambassadeur officieux des savoirs faires opérationnels français. Avant de conclure sur les vertus retrouvées des unités sahariennes, Agir entre les lignes résume sa vision de la géostratégie et du rôle des sociétés militaires privées.
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