3000 ans après Ulysse
Éditions Edisens - 224 pages - 19€
Infos & réservation
Thème
En France, la politique aime la page blanche pour y laisser sa trace ; la géographie fournit la carte et la littérature prête sa boussole. Et pour qui ne croit pas en Dieu, la mythologie est un secours commode et un péché avouable. Et tant qu’à frapper à la porte de l’Olympe, Homère, c’est du sérieux. Sous le noble patronage de l’Odyssée, Jean Glavany, ancien ministre aujourd’hui conseiller général et toujours socialiste, publie donc un remake itératif de ce célèbre long voyage, le plus souvent seul et maître à bord de son périple.
Si l’ambition du titre est certaine, le contenu de l’ouvrage est plutôt spartiate sur l’épreuve du large, l’art pointu de la navigation, la silhouette troublante de ses côtes, l’âme rassasiée d’écume et d’étoiles. Ici c’est surtout au « bar des anglais », sur le pont supérieur, que la conversation travaille en accueillant des copains de passage dans le port de leur choix. On y rebat les idées « essentielles », on refait le monde – méditerranéen ou pas - à l’escale.
Points forts
S’associer à Homère, sans trop de droits d’auteur, se mettre dans son sillage, l’idée est louable pour un amateur capé de navigation à voile. A chaque appareillage, l’auteur emprunte au génial aveugle un bout de son chef-d'œuvre en guise de hors-d'œuvre. Dissertation « transverse » sur des objets géopolitiques, sociétaux, géographiques historiques ou politiques, M. Glavany a une idée maîtresse dans chaque port : pêle-mêle, le malheur apporté par les religions du Livre à l’opposé du paradis grec idéalisé de l’Olympe ; l’héroïsme de son père ; l’éternel conflit israélo-palestinien ; la République et les vrais républicains, dans son camp, cela va sans dire ; et Clémenceau, et la laïcité à la bonne franquette, et la culture corse, et la menace du plastique ; puis ses combats ministériels pour la pêche française.
Calquée sur la navigation d’Ulysse, notre héros concentre ici cinquante ans de souvenirs en mer. Il remercie souvent l’amitié très chère de ses « copains d’abord ». Dans quatorze pages du livre, côté gauche bien sûr, il n’oublie pas, avant de prendre un nouveau cap, de déclarer poétiquement sa flamme à cette mer-femme aimée.
Quelques réserves
Le plus difficile est de savoir, une fois lu, où ranger ce livre. Ni mémoires de marin, ni journal de voyage, ni roman de la civilisation de la Mare Nostrum, ni guide du routard amariné, ces randonnées salées et « sympa », comme dit Olivier de Kersauzon en 4ème de couverture, trouveront avec peine leur place en cabine malgré quelques beaux passages étroits.
Encore un mot...
« En Atlantique on calcule, alors qu’en Méditerranée on réagit » rappelle l’auteur. A 3000 ans de distance, pour y avoir expérimenté quelques navigations plus modestes et essuyé qu’une seule tempête, j’aurais choisi, à la barre d’un tel projet, un plus humble parrainage pour cette odyssée personnelle. Cette Méditerranée-là a beaucoup de certitudes mais manque à son profond mystère.
Une phrase
Combien de fois, en Méditerranée, ai-je senti la terre avant de la voir ?
On ne vivait pas, alors, ce que j’appelle un « déraillement civilisationnel ».
Cette mer tellement belle qu’elle rend fou et qu’elle tue.
(…) au début de l’histoire des ports était le vent.
Comme Ulysse en son temps : comprendre et savoir.
Les monothéismes, au fond, se fichent de la mer, ils se servent d’elle.
Cette étape est celle de l’esthétisme : la parole est à la beauté !
L'auteur
Après une longue carrière en politique, Jean Glavany, né en 1949, après des responsabilités nationales (chef de cabinet de F. Mitterrand, secrétaire d’état, ministre de l’agriculture et de la pêche, député socialiste pendant 25 ans) reste engagé, comme conseiller général, dans la vie publique tout en continuant à naviguer, sa passion. Il est l’auteur de plusieurs livres parmi lesquels : Sport et socialisme (1981), Mitterrand, Jospin et nous (1998), Le cap et la route (2005), La laïcité, un combat pour la paix (2011), La mer est toujours ronde (2014).
Ajouter un commentaire