21 leçons pour le XXIème siècle
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Thème
Après Sapiens qui dessinait à grands traits l'anthropocène, c'est-à-dire la période de l'histoire où l'homme marque de son empreinte la destinée du monde, après Homo Déus où il raconte et met en garde contre les fulgurants progrès de l'intelligence artificielle et l'émergence de l'homme démiurge, dans ce dernier Opus, Yuval Noah Harari nous invite à penser le monde de demain au péril des bouleversements induits par les développements conjoints des technologies de l'information et des biotechnologies. Car, dit-il, le risque est grand de voir l'humanité manipulée par une élite puissante et des algorithmes inquisiteurs. Il faut donc considérer l'avenir avec un œil neuf, ce qu'il propose à travers ses 21 leçons.
La structure de l'ouvrage est simple : 5 thèmes - le défi technologique, le défi politique, désespoirs et espoirs, vérité, résilience. A l'intérieur de chaque thème, des sujets de réflexions développés à l'aune des décisions et comportements du passé, l'énoncé des enjeux et risques nouveaux, les mises en garde pour éviter les dérives d'un avenir devenu imprévisible.
Points forts
1- Ce livre balaie, avec un regard singulièrement analytique, tous les grands sujets de débat de nos sociétés modernes : le travail, la liberté, l'égalité, la communauté, la civilisation, le terrorisme, la religion, le nationalisme, l'immigration, l'ignorance, la justice, la laïcité, la "post vérité" (l'art de la manipulation et les fake news).
2- Sa capacité à éclairer les grands thèmes de société des enseignements de l'histoire, y compris la plus récente, demeure source d'étonnement et d'enrichissement. Il offre à ce titre un point de vue assez décentré et donc intellectuellement sain.
3- Bien sûr ce livre parcours les civilisations, les religions, les régimes politiques et les frontières. Il accorde une place importante à l'Europe, à la France, à l'Italie, à Israël, aux sources, enseignements et menaces du renouveau des conservatismes, nationalismes et populismes, des intégrismes, du Brexit, des renouveaux Russe et Chinois… Et démontre de façon assez convaincante en quoi nous constituons une communauté planétaire régies par les mêmes règles, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité.
4- Beaucoup d'exemples concrets alimentent les 4 premiers thèmes, issus d'événements historiques connus, du cinéma (Matrix, Black Mirror, Herr, Le Roi lion..), de la littérature profane (Shakespeare, Aldous Huxley, Harry Potter, Don Quichotte…) ou sacrée (La Bible, le Talmud, Le Coran, Le Mahâbhârata…). Les chapitres sur les relations de l'homme aux religions sont provocants mais intéressants. Les chapitres sur l'ignorance et la justice montrent bien comme il est difficile d'avoir une opinion juste, si l'on doit la considérer sans influence. Le dernier, baptisé résilience, est davantage une confession et une réflexion personnelle de l'auteur sur ses propres choix pour faire face positivement aux enjeux de l'avenir.
Quelques réserves
1- Yuval Noha Harari est parfois très sélectif dans le choix de ses arguments (qui n'en sont pas moins, dans leur grande majorité, de vraies matières à réflexion). Pour en donner une illustration très symbolique, le seul exemple donné de la compassion des prêtres vis-à-vis des minorités au cours de ces dernières décennies est le soutien donné par un prêtre américain au mouvement LGBT ! Ses affirmations péremptoires, voire dogmatiques, peuvent être lues comme le reflet d'une sensibilité écorchée ou comme positivement provocantes. Je penche quand même pour la première hypothèse.
2- De curieuses affirmations manifestement fausses. Modestement, j'en ai relevé au moins deux : dinosaures, pas plus que Neandertal, n'auraient transmis le moindre patrimoine génétique. Pourtant l'on sait aujourd'hui que les oiseaux et les sauriens en sont pour partie les descendants et que nous avons, selon nos origines, de 2 à 4 % du patrimoine génétique de l'homme de Neandertal…
3- Une vision extrêmement négative des décennies futures. Certes, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, il positivement difficile d'imaginer la société et l'emprise des technologies sur notre quotidien dans les 50 à 100 prochaines années. De là à penser que l'économie des datas va primer sur tout le reste et que dans ce domaine, le pire est toujours sûr…
Encore un mot...
Ce dernier ouvrage propose une réflexion pour répondre aux défis du 21ème siècle, pèse nos marges de liberté et nos zones d'influences, mêle le politique, le religieux, l'écologie, les technologies, le passé, la prospective, les courants de pensée émergents qui façonnent l'opinion et les décideurs.
Au long de ces pages, les exemples choisis par Yuval Noah Harari sont souvent pertinents mais ses partis pris sont parfois contestables. Des leçons, certes, il nous en donne, et même un peu trop. De cet humanisme qui aspire à l'Universel, il nous donne les fondements et les raisons de militer pour nous protéger de l'économie mondialisée et des paradis annoncés par le développement de "l'infotech" et des "biotech". Mais voilà le paradoxe. Si nous ne regrettons pas d'avoir reçus les "leçons", les réponses sont vagues : demain, "rien n'est stable" et "la certitude c'est le changement". Donc, restons en "veille", bienveillants, compatissants et tolérants. Intéressant, agaçant et fertile, Yuval Noah Harari se montre, dans cette publication, quand même meilleur historien que prophète.
A celles et ceux qui recherchent une lecture dynamisante de notre passé comme ferment pour embrasser l'avenir avec optimisme, lisez "C'est une chose étrange à la fin que le Monde", de Jean d'Ormesson ! C'est un bon contrepoint !!
Une phrase
Ou plutôt deux:
- "Chacun de ces trois problèmes - guerre nucléaire, effondrement écologique et disruption technologique - suffit à menacer l'avenir de la civilisation humaine. Au total, ils forment une crise existentielle sans précédent, d'autant qu'ils sont susceptibles de se renforcer et de s'aggraver mutuellement." P 140
- "L'humanité est confrontée à des révolutions sans précédent, tous nos vieux récits s'émiettent et aucun récit n'est jusqu'ici apparu pour les remplacer. Comment nous préparer, nous et nos enfants, à ce monde de transformations inédites et d'incertitudes radicales ? Un bébé qui nait aujourd'hui […. ] que devrions nous [lui] enseigner pour l'aider à survivre et à s'épanouir dans le monde de 2050 ou du XXIIème siècle ? De quel genre de compétences aura-t-il besoin ? […] Hélas personne ne sachant de quoi le monde aura l'air en 2050 - pour ne pas parler de 2100 - ces questions demeurent sans réponses. […] dès lors que la technologie nous permet d'intervenir dans le corps, le cerveau et les esprits, nous ne pouvons plus être sûrs de rien, y compris de ce qui semblait fixe et éternel." P 279
L'auteur
Docteur en histoire, diplômé d'Oxford, Yuval Noah Harari est professeur à l'université hébraïque de Jérusalem. Il balaie l'histoire de l'humanité d'un œil singulièrement transversal et novateur. C'est aussi un spécialiste de l'histoire militaire, sujet sur lequel il a largement publié depuis le début des années 2000. Première édition en hébreux en 2011, Sapiens lui a valu, entre autres, en 2012, le prix Polonsky pour la créativité et l’originalité des ouvrages de Sciences Humaines. Publié en 30 langues, c'est un incontestable best seller. Homo Déus, une brève histoire de l'avenir, a été publié en 2017.
Commentaires
Merci de cette critique détaillée et qui s’efforce d’être objective .
les gouvernants de France n'ont pas pris LA mesure de l'effet FaceBook
réactions immédiates et violentes! de quoi sera fait 2019?pas la peine d'attendre 2050...........merci pour cette bonne critique.
Très etonnee de voir qu'il s'agit d un succès planetaire. L'auteur parle beaucoup mais rien de très scientifique , des idées mais souvent
inintéressant et même déprimant .... décue de voir que Barack Obama ou Bill Gates le recommandent
Bonjour a tous
J"ai demarre la lecture de ce livre bien vendu ou succes de librairie (best seller)
j'en suis a la page 42/337
Et je m'interroge deja :
Aurais-je l'envie d'aller au bout ?
Aussi je me suis dit qu'il devait exister des critiques en ligne pour m'eclairer
Merci "Culture Tops" de cette possibilite
bonne journee amis lecteurs
Harari évoque le risque désormais global de tout conflit nucléaire, ce qui est une évidence pour tout quidam qui a constaté les seuls dégâts des deux « bombinettes » de 1945 au Japon.
Ce qu'il omet de préciser, c'est la raison fondamentale qui fait que nous est épargné tout conflit majeur ou mondial depuis cette date :
Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse. Jean GIRAUDOUX (1882-1944)
Le privilège des grands, c’était de voir les catastrophes d’une terrasse ; aujourd’hui, celui d’un profond sous-sol, à la rigueur, avec un périscope blindé — enterrés vivants dans leur bunker.
La guerre disparaît dans sa forme totale dès que ceux-là en mesure de la déclarer estiment pouvoir être aussi exposés que ceux qu’ils auraient envoyés la faire à leur place… N’est-ce pas, Joffre !?
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