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Thème
En 1917, dans le Nord Est de la France, non loin de la ligne Hindenburg, deux jeunes soldats britanniques, Schofield (George Mac Kay) et Blake (Dean Charles Chapman), se voient confier une mission quasi impossible : porter à un officier de leur armée, derrière les lignes ennemis et pratiquement tout le temps à découvert, un message d’une importance cruciale, destiné à empêcher une attaque dévastatrice qui entraînerait la mort de 1600 soldats, dont le frère de Blake. Les deux poilus, qui ont 24 heures pour réussir, vont se lancer dans une terrifiante course contre la montre, à travers tranchées boueuses, charniers et paysages dévastés.
Points forts
– La forme, époustouflante de virtuosité. Quand il décide de faire ce film, en hommage à son grand-père, première classe dans l’armée britannique durant la guerre 14-18, Sam Mendes a une idée folle : donner l’illusion que son film a été réalisé en un seul plan. Il fait part de son projet à l’un des plus grands directeurs de photo du monde, Roger Deakins, qui accepte de relever le défi avec lui. Dans l’histoire du cinéma, il y a bien eu d’autres films tournés de cette façon là, L’Arche russe d’Alexandre Sokourov, La Corde d’Alfred Hitchcock, Birdman d’Alejandro Iñarritu, et bien d’autres encore, mais tous avaient des champs d’action limités. Mendes, lui, veut raconter un voyage tumultueux à travers des paysages d’apocalypse, celui de deux soldats, armés dérisoirement d’un fusil à baïonnette, contraints à un parcours d’enfer sous la mitraille de tirs ennemis… Le cinéaste va préparer son film pendant plus d’un an, calculant tout au millimètre et à la seconde près.
Après quatre mois de répétitions chronométrées, le tournage proprement dit peut commencer. Il va durer plus de deux mois. Certaines scènes sont recommencées jusqu’à cinquante fois, pour qu’au montage, tout s’emboite et donne l’impression d’un temps réel et d’une seule prise. Le résultat de ce travail, à la fois savant et minutieux, est là : sur le plan formel, 1917 est un film visuellement sans précédent. Il démarre sur un plan des deux soldats et ne va plus jamais les quitter, ce qui provoque chez le spectateur l’impression d’une immersion totale dans l’action.« Je voulais m’attacher aux pas de mes deux personnages, explique Mendes, et sentir leur souffle ».
– Évidemment, l’écriture a donné aussi du fil à retordre au cinéaste. Le scénario devait à la fois se soumettre à son futur traitement visuel, ne comporter aucune erreur historique et avoir le souffle d’une épopée… Il est tout cela, et même plus : il est affuté, efficace, et laisse de la place pour ce qui ne s’écrit qu’en images : l’élégance, la poésie, la peur, l’horreur.
– Sur le plan de l’interprétation, le réalisateur a fait aussi un pari fou : offrir les deux premiers rôles à des (presque) inconnus, et faire tenir les rôles secondaires à des vedettes confirmées comme Colin Firth et Benedict Cumberbatch. Cette démarche, en totale opposition avec la façon de faire habituelle du Star System, a marché. On vient voir le film pour son sujet, son contenu et sa saisissante beauté, et on découvre, bouche bée deux acteurs bouleversants, plus que formidables.
Quelques réserves
il n’y a pas de points faibles.
Encore un mot...
Avec ce film immersif, qui prend aux tripes, qui donne l’illusion d’avoir été tourné en temps réel et en un unique plan-séquence sublime d’intensité, de beauté et de réalisme, Sam Mendes a réussi un exploit qu’on aurait cru impossible après notamment, Dunkerque (de Christopher Nolan), Il faut sauver le soldat Ryan (de Steven Spielberg) et Les Sentiers de la gloire (de Stanley Kubrick) : renouveler le film de guerre.
Sorti il y a seulement trois semaines aux Etats Unis, 1917 a déjà rapporté plus de 40 millions de dollars au box office nord-américain et contre toute attente, a décroché deux trophées aux derniers Golden Globes, celui du meilleur film dramatique et celui du meilleur réalisateur. Ce double prix pourrait bien présager d’un triomphe pour ce film aux prochains Oscars décernés le 9 février prochain. Il ne sera pas nécessaire au public français d’attendre cette date pour découvrir 1917. Il sort cette semaine sur 500 écrans.
Une phrase
«La première fois que j’ai compris la réalité de la guerre, c’est quand mon grand-père m’a raconté son expérience de la Première Guerre mondiale. Le film ne relate pas son histoire, mais s’attache plutôt à évoquer son esprit : ce que ces hommes ont subi, leurs sacrifices, et leur foi en quelque chose qui les dépassait… Avec mon chef opérateur, Roger Deakins, nous avons discuté de notre envie de tourner de la manière la plus immersive possible. Nous avons conçu le film pour projeter le spectateur dans ce que nos deux jeunes héros ont vécu. C’est le projet le plus enthousiasmant de ma carrière » (Sam Mendes, réalisateur).
L'auteur
Après ses études à Cambridge, et avant de travailler essentiellement, comme depuis près de vingt ans dans le cinéma comme réalisateur et producteur, Sam Mendes, né Samuel Alexander Mendes le 1er août 1965 à Reading (Grande Bretagne), se tourne d’abord vers le théâtre. Il entre au Chichester Festival Theatre, puis à la Royal Shakespeare Company où il fait ses débuts de metteur en scène, en montant notamment Troïlus et Cressida et Richard III. En 1992, il devient le directeur artistique de la prestigieuse Donmar Warehouse de Londres où il crée, entre autres, La Ménagerie de verre, une adaptation scénique de Cabaret et la Chambre bleue, d’après Georges Simenon, avec Nicole Kidman.
A la fin des années 90, il décide de passer derrière la caméra et tourne American Beauty, qui se solde par un succès international et de nombreux prix, dont l’Oscar et le Golden Globe du meilleur réalisateur. En 2008, marié alors avec Kate Winslet, il la dirige dans Les Noces rebelles. En 2010, la Metro-Goldwyn-Meyer lui confie les manettes de Skyfall, le 23ème volet des aventures de James Bond. Son succès vaudra au cinéaste d’avoir la charge du volet suivant, 007 Spectre, qui sort en France en 2015.
Tout récemment, ce créateur éclectique est retourné au théâtre pour mettre en scène à Londres The Lehman Trilogy. Multi-récompensé, le spectacle sera donné à Broadway en mars 2O20, Broadway où cet infatigable britannique a reçu cette année un Tony Award pour sa mise en scène de The Ferryman. Depuis 2017, ce jeune quinquagénaire est marié à Alison Balsom dont il a eu une petite fille.
Et aussi
– « Marche avec les loups » de et avec Jean-Michel Bertrand.
Comment les jeunes loups quittent-t-ils le territoire qui les a vus naître ? De quelle façon arrivent-ils à en conquérir de nouveaux? Deux années durant, le documentariste Jean Michel Bertrand a mené l’enquête. Il a suivi de jeunes louveteaux séparés de leur meute. Son périple l’a mené d’une vallée des Alpes jusqu’à une cabane perdue au fin fond d’une forêt jurassienne.
Porté par des images d’une beauté qui coupe le souffle, un « filmage » au plus près des animaux (pas seulement des loups) et un commentaire dit à la première personne (comme dans La vallée des loups, le précédent opus du cinéaste), Marche avec les loups captive. Conçu comme un road movie, il constitue à la fois une passionnante aventure animalière, une déclaration d’amour à la nature et un plaidoyer pour la préservation de celle-ci, de plus en plus malmenée par l’homme. Passionnant, émouvant, drôle, burlesque aussi par moments, Marche avec les loups est un peu la version « canidée » de La Marche de l’Empereur.
Recommandation : excellent.
– « Selfie » de Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet, Cyril Gelblat & Vianney Lebasque. Avec Blanche Gardin, Manu Payet, Elsa Zylberstein…
Qui, aujourd’hui, parvient à échapper à une utilisation compulsive de ces petits bijoux électroniques que sont les smartphones ? La réponse est : personne, ou presque ! Ce qui différencie les utilisateurs, c’est le degré d’emprise que ces petites machines ont sur eux. Plus il est élevé, plus il peut entraîner de drôles de comportements, du plus ubuesque au plus cynique, du plus désopilant au plus toxique. Ce sont ces comportements qu’épingle avec humour et finesse cette comédie pile dans l’air du temps. Cinq histoires s’y entremêlent. Signées par cinq réalisateurs différents, elles font intervenir des personnages qui se croisent et se passent le relais, un peu selon le principe de La Ronde de Schnitzler. Le coup d’envoi des festivités débute par une séquence d’un humour aussi noir que grinçant sur un couple ( Blanche Gardin et Maxence Tual), enthousiasmant de naïveté cynique, qui tient un blog en images sur leur fils atteint d’une maladie orpheline, dans l’espoir d’atteindre le nombre de followers qui leur permettrait d’être invité à l’avant-première de Star Wars à Hollywood !
Suivent quatre autres sketchs (presque) aussi réjouissants, dont une irrésistible parodie de comédie romantique due à Marc Fitoussi, où une prof de français coincée et tatillonne (Elsa Zylberstein, formidable de drôlerie) va donner des leçons d’orthographe à un humoriste à la mode (Max Boublil, pas mal non plus), avant de finir par succomber à ses charmes. Aussi inventif que savoureux, Selfie, sous-titré « de l’influence du numérique sur les honnêtes gens » s’inscrit dans la lignée des comédies à l’italienne… la férocité en moins.
Recommandation : excellent
– « Je ne rêve que de vous » de Laurent Heynemann. Avec Elsa Zylberstein, Hippolyte Girardot, Emilie Dequenne, Philippe Torreton, Jérôme Deschamps…
Dans la France occupée, une femme, Jeanne Reichenbach, dite Janot, va quitter mari et enfant pour celui qu’elle aime depuis l’adolescence, un homme de vingt-sept ans son aîné et qui n’est autre que Léon Blum. L’homme politique est condamné par le Régime de Vichy à être enfermé dans une dépendance du camp de Buchenwald ? Qu’à cela ne tienne, Jeanne l’intrépide va traverser l’Europe pour le rejoindre, avec le cran d’une femme à qui l’amour donne des ailes…
Après 18 ans d’absence, le réalisateur Laurent Heynemann a choisi de revenir sur le grand écran avec une histoire d’amour méconnue du grand public, celle qui, dans les années 40, lia l’une des plus grandes figures du socialisme français à une jeune femme appartenant à la haute bourgeoisie juive et dont il fera son épouse. Si l’intrigue est originale, Je ne rêve que de vous souffre du formalisme de sa mise en scène et d’une direction d’acteurs incertaine. Toutefois, Hippolyte Girardot arrive à camper un Léon Blum formidable de tendresse et d’humanité ; Philippe Torreton, un implacable Pierre Laval et Jérôme Deschamps, un savoureux Georges Mandel. En belle-fille de Léon Blum, Emilie Dequenne impose, comme d’habitude, la vérité de son jeu. Pour les amateurs de biopics.
Recommandation : bon.
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