Wolf and Sheep
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Thème
Dans un village perdu au fin fond des montagnes afghanes, chacun reprend ses occupations après l’enterrement du père du jeune Qodrat : discussions pour les hommes, confection des galettes de crottin qui serviront à la cuisson du pain et préparation du repas pour les femmes. Les enfants, eux conduisent ovins et caprins sur les hauteurs, filles d’un côté jouant aux mariées, commentant les dernières nouvelles du village et fumant en cachette ou se faisant peur à coups de superstitions comme celle de la protectrice Fée verte et des intrusions nocturnes du Loup Kashmir… Garçons de l’autre, fabriquant leurs frondes pour chasser les loups et s’entraînant à tirer après avoir choisi leurs cailloux.
Ostracisée, car réputée maudite, Seqida, 11 ans, se rapproche de Qodrat dont la mère envisage de se remarier. Mais la guerre rôde autour de cette petite communauté coupée du monde qui vit ses heurs et malheurs au rythme de ses traditions millénaires…
Points forts
- La première qualité de cette chronique, c’est bien évidemment de nous venir d’Afghanistan et de nous en montrer un visage bien éloigné de ce que nous en transmettent les infos depuis le 11 septembre 2001. On y retrouve le dépaysement via ses paysages grandioses et l’âpreté de la vie de ses habitants, rappelant ceux décrits par Kessel dans “Les cavaliers” (1967). Ici, c’est le bêlement des troupeaux, le cri des loups, le quotidien rituellique des habitants (une trentaine d’âmes, enfants compris) qui rythment l’existence.
On doit cette authenticité quasi documentaire au fait que Sharbanoo Sadat (26 ans) a vécu sur place 7 ans et extrait son récit de ses souvenirs personnels ainsi que du journal intime de son meilleur ami de l’époque.
- L’autre qualité, c’est sa mise en image : lumière crue, splendeur de certains plans comme celui -sublime !- de cet homme que le hurlement d’un loup sort de sa prière devant sa lampe à pétrole à la nuit tombante. Et quand le retour à la modernité survient, on se souvient en une fraction de seconde du shtetl d’Anatevka (Un Violon sur le Toit) que le laitier Tevye doit précipitamment quitter avec les habitants pour échapper au pogrom annoncé… On s’en trouve saisi. La claque est violente. Et le message devient planétaire.
Quelques réserves
Comme l’auteur de ces lignes le souligne souvent au sujet de ce style d’œuvre, il faut accepter son “non rythme” qui épouse celui du milieu rural, et pas seulement afghan. C’est le prix à payer pour s’en approprier la profondeur et ressentir le poids et le hors temps des traditions qu’on peut littérairement rapprocher de ceux duMatteo Falcone de Prosper Mérimé ou de Regain de Jean Giono.
C’est ce même souci de prévention qui fait inscrire dans cette rubrique quelques maladresses vénielles de réalisation.
Encore un mot...
Découvrir un jeune talent et des contrées méconnues voire inconnues est toujours un privilège. Ce dernier demande une forme d’exigence notamment de nous sortir de nos zones de confort. Parfois, c’est un risque que l’on regrette d’avoir pris, ici ça débouche sur un spectacle beau à tous égards, y compris avec ses imperfections. Encore une fois, Shahrbanoo n’a que 26 ans et elle travaille dans des conditions qui méritent qu’on l’encourage tout en lui tirant notre chapeau.
Une phrase
“Ma volonté de faire le portrait d’un Afghanistan complexe me distingue de mes compatriotes cinéastes, mais cela ne me gêne plus. Je veux débarrasser mon pays des clichés et montrer à quel point sa culture est riche, au moyen d’images encore inédites”. (Shahrbanoo Sadat)
L'auteur
Née à Téhéran en 1990 (elle a donc 26 ans !), scénariste et réalisatrice, Shahrbanoo Sadat vit à Kaboul où, à partir de 2009, elle étudie la réalisation au documentaire à “l’Atelier Varan”. Elle réalise alors son tout premier court-métrage, A Smile for life. Elle étudie parallèlement le cinéma à l’Université de Kaboul et travaille comme productrice pour Tolo TV.
En 2011, sort son premier court-métrage de fiction, Vice Versa One, sélectionné d’emblée à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes.
En 2013, elle crée sa société de production “Wolf Pictures”, toujours à Kaboul et co-réalise un moyen-métrage autour de l’identité, Not At Home, sélectionné au IFFR – Festival international du film de Rotterdam, en 2014. Après un dernier court, Who wants to be the wolf ?, elle produit et réalise ce premier long-métrage de fiction, Wolf and Sheep, dont elle avait développé le projet à la Cinéfondation, résidence du Festival de Cannes, en 2010. Elle avait alors 20 ans et était la plus jeune auteure jamais sélectionnée dans cette résidence.
Wolf and Sheep a reçu le Prix international des cinémas d’Art et essai – Cicae.
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