The Witch
(comme film historique; mais A LA RIGUEUR comme film d'horreur)
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Thème
Nouvelle-Angleterre, 1630 : bannis par leur colonie en raison de leur comportement dévot excessif, William, son épouse Katherine et leurs enfants (l’aînée Thomasin, le cadet Caleb, les jumeaux Jonas et Mercy et le nourrisson Sam) s’installent à l’écart de la civilisation, près d’une forêt, dans un endroit sauvage. Une semaine plus tard, alors que Thomasin joue près de l’orée avec le bébé, celui-ci est enlevé. Par un loup ou par une sorcière à des fins de sacrifice rituel ? Les versions varient selon chacun. Au fil des jours, entre coupes du bois, chasse au gibier, récoltes qui s’abîment, jumeaux jouant avec le bouc noir Philippe qu’ils affirment entendre parler, prières et culpabilité religieuse… l’idée de la présence d’une sorcière s’insinue toujours plus dans la famille. Pire : les jumeaux laissent entendre que leur sœur aînée Thomasin aurait pactisé avec le Diable. Quand sa mère songe à se débarrasser d’elle, Thomassin prend réellement peur…
Points forts
- Sa splendeur picturale digne, de bout en bout, des plus grands tableaux des maîtres flamands de la même époque, son souci de la reconstitution sans qu’elle soit pesante et ses couleurs sombres tirant souvent sur un bleuté un peu sale pour restituer la froideur de la situation.
- Une approche historique exemplaire que l’on pourra aisément et utilement vérifier en se reportant au livre de Guy Bechtel La sorcellerie en Occident (Plon – 1997)
- Partant de cette approche, le rappel salutaire qu’entre puritanisme et superstitions, l’Occident connut en leur temps des hystéries mortifères n’ayant rien à envier en matière religieuse à celles d’aujourd’hui.
- Enfin, avec sa sorcière à cape rouge, ses allusions à la sexualité, la peur du loup et de l’envoûtement, la forêt, l’idée d’abandonner l’aînée, le discours tentateur du diable (qu’on entend sans voir) autour de la sensualité, des désirs et de l’ouverture au monde… c’est tout le glossaire des contes (et de leur analyse par Bettelheim) qui défile à travers les regards successifs de chacun des personnages, nous empêchant de savoir au bout du compte qui est sain d’esprit et qui ne l’est pas. Y compris dans le dénouement.
Quelques réserves
- Le côté démonstratif du Sabbat final servant à justifier de façon absolument inutile sa classification comme film d’horreur.
- Les envolées musicales redondantes avec les images et elles aussi destinées à jouer l’aspect horrifique.
Encore un mot...
Tiré de contes populaires et des minutes des procès pour sorcellerie du 17èmesiècle, et sans doute réminiscence de l’enfance du réalisateur dans le New Hampshire où il a grandi entouré de fermes abandonnées, de vieux cimetières au milieu des bois et de choses qui surgissent au milieu de la nuit… quel dommage de présenter un tel film dans la catégorie horreur! Malgré son succès américain friand du genre, il risque de se couper ici d’un public qu’il mérite et de décevoir les amateurs habitués aux massacres gores des zombies, serial killers et autres revenants.
Aussi, répétons-le, The Witchs’apparente davantage aux films historiques genre Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne (1982), La vallée perdue de James Clavell (1971), voire La chair et le sang de Paul Verhoeven qu’aux films d’épouvante. Il est vrai, le réalisateur inclut dans cette rubrique le “Psychose” de Hitchcock dont il revendique l’influence pour son atmosphère alors qu’aujourd’hui ce film entre plutôt chez nous dans la catégorie des “films policiers”. Voire des Hitchcock, appellation autosuffisante.
Une phrase
- "L’histoire de la Nouvelle Angleterre fait partie de mon inconscient et les histoires de sorcières et de sorcellerie constituent une bonne part de mon imaginaire d’enfant.’’. Robert Eggers.
- "En fait, la véritable horreur n’est pas tapie dans le noir, elle est bien au su et au vu de tous, intégrée dans notre société. Il est intéressant de la regarder en face pour la disséquer afin de mieux comprendre qu’elle vient de chacun d’entre nous, que le véritable danger est en nous, pas forcément en dehors”. Robert Eggers
L'auteur
Né en 1983 dans le New Hampshire mais vivant à Brooklyn, Robert Eggers commence sa carrière comme metteur en scène de théâtre classique et expérimental dans la banlieue de New York. Il passe ensuite à la réalisation à travers de nombreux courts-métrages de cinéma et des téléfilms tout en continuant ses activités théâtrales mais aussi chorégraphiques.
Avec The Witch, son 1er long-métrage, il met en scène le puritanisme et ses répercussions à une époque où les femmes étaient fréquemment considérées comme les symboles des forces occultes et du mal, comme c’est encore le cas dans certaines sociétés actuelles. Un choix critique osé pour un 1er long-métrage, mais judicieux puisque récompensé par le titre du Meilleur réalisateur dans la catégorie U.S. Dramatic au Festival de Sundance 2015.
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