Voyage à travers le Cinéma Français
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Thème
De Jean Renoir à Claude Sautet, en passant par Jacques Becker et Max Ophüls, quarante années de cinéma français décryptées, décodées, racontées avec clarté, amour et respect, en une quinzaine de chapitres associant la vie de Bertrand Tavernier à ses découvertes cinématographiques.
Points forts
L’homme est un conteur hors pair, qui vous embarque à coups de confidences personnelles, d’anecdotes savoureuses, de remarques pointues, à la fois didactiques, passionnantes, amusantes et éclairantes.
Placé d’entrée sous les auspices de la lumière et du spectacle en souvenir des feux d’artifice qu’il suivit, enfant, depuis les toits de Lyon libéré, il tient son pari de nous tenir plus de trois heures attentifs grâce à un ton à la fois ludique et savant, passant indifféremment du Noir et Blanc à la couleur, nous indiquant, presque “au passage” comment un changement de cadrage, de musique, de jeu, fût-il discret, recèle un pas en avant extraordinaire pour le 7ème Art, que ce soit en soulignant l’épure de Becker, le rythme à travers le mouvement de Renoir, le sens de la camera et l’intérêt pour les dialogues de Jean Gabin.
Contrairement à beaucoup d’œuvres du genre, il n’oublie pas ce que le cinéma doit aux décorateurs (Trauner qui imposa l’immeuble de 5 étages de Le jour se lève), aux chefs op’ comme Marcel Weiss (Cet homme est dangereux), aux musiciens, comparant les bandes originales des films US plutôt “classiques et orchestrales”… aux musiques des films français axés sur la prééminence d’un instrument (harmonica de Touchez pas au grisby, trompette de Un ascenseur pour l’échafaud…) par ailleurs souvent inspirées des harmonies de Mahler, Bruckner, Kurt Weil.
Il sait aussi modérer ses admirations comme pour Jean Renoir dont il regrette le double dérapage quand il écrivit deux lettres de dénonciation au Ministère de la Propagande en 1941 avant de fuir aux USA, ce qui fit dire à Gabin qu’il était un réalisateur exceptionnel mais une ordure sur le plan humain.
Tout comme il n’hésite pas à nous confier, de façon circonstanciée, en quoi, selon lui, Jean-Pierre Melville était un immense liseur et adaptateur mais “pas un bon scénariste”.
Quelques réserves
Tous les goûts étant dans la nature, ceux inhérents au style : choix subjectifs, sympathie ou pas envers le réalisateur.
De même, il s’adresse essentiellement aux amoureux du cinéma et risque fort d’être principalement apprécié des plus de 50 ans.
Enfin, mais c’est le jeu, la sensation de trop peu accompagnant chaque extrait.
Encore un mot...
On a rarement aussi bien associé l’analyse pointue et le spectacle populaire. Chaque spectateur revivra, à un moment ou à un autre, un moment de sa vie au fil des extraits. Car tous ces films, nous les avons croisés et appréciés soit sur grand écran soit à la télévision. Ils appartiennent à notre existence, notre chair, notre mémoire. Au finale, son Voyage personnel nous concerne tous. On en ressort euphorique et pensif, instruit et amusé, convaincu que le cinéma est, dès lors qu’il s’en donne l’intention, un Art qui doit être aimé avant d’être consommé. Et on en redemande malgré sa longueur.
Une phrase
“Je voudrais que ce film soit un acte de gratitude envers tous ceux, cinéastes, scénaristes, acteurs et musiciens qui ont surgi dans ma vie. La mémoire réchauffe : ce film, c’est un peu de charbon pour les nuits d’hiver.” Bertrand Tavernier
L'auteur
Faut-il encore présenter Bertrand Tavernier ? Né en 1941 à Lyon, réalisateur, scénariste, producteur et écrivain français, président de l'Institut Lumière, ayant quasiment perdu un œil, enfant, du fait des privations de la guerre, son cinéma est imprégné de l’héritage parental. En effet, son père René, écrivain et résistant, a caché chez lui Aragon tout en publiant clandestinement ses poèmes dans la revueConfluences qu’il dirigeait, aux côtés de ceux d’Eluard et de Michaux. Romancière et scénariste, sa mère Tiffany, est, quant à elle, partie faire de l’humanitaire en Inde à l’âge de 17 ans.
Capable, en fils prodigue, de lutter pour des artistes oubliés comme Jean Aurenche et Edmond T. Gréville ou le musicien Maurice Jaubert, il n’a épargné, au long de sa carrière fructueuse et éclectique, aucune injustice politique, sociale, économique… sans pour autant oublier le plaisir des spectateurs en restant fidèle à un cinéma narratif et populaire. C’est ainsi qu’avec un succès public quasi constant, il a, entre autre, questionné, dès son premier long-métrage (1974, déjà !), la relation filiale avec un Philippe Noiret, qui deviendra son acteur fétiche, se découvrant un fils assassin dans L’horloger de St Paul, s’est réjoui de l’arrivée de la Révolution Française l’année suivante dans le somptueux Que la Fête commence !, a donné en 1976 un de ses plus beaux rôles à Michel Galabru, en en faisant un criminel victime d’un juge duplice, dans Le Juge et l’Assassin, a produit La Question de Laurent Haynemann sur la torture durant la Guerre d’Algérie en 1977, dénoncé avant la lettre la télé-réalité avec La mort en direct, où celle de la sublime Romy Schneider était filmée à l’insu de cette dernière, dénoncé le colonialisme à travers le réjouissant Coup de torchonen 1981, s’est intéressé aux combattants oubliés de 1919 dans l’âpre Capitaine Conan (1996) et, récemment, a adapté en 2013 une décapante comédie politique à partir de la BD Quai d’Orsay.
Ne déparant pas à sa ligne de conduite, film mémoriel et patrimonial, Voyage à travers le cinéma français est placé à l’aune d’un prologue cosigné avec J.L. Godard : “Nous sommes les enfants de la libération de la Cinémathèque”.
Notons enfin que ce passionné de cinéma français n’en est pas moins attiré par le cinéma nord-américain comme le démontrent, notamment, son Dans la brume électrique en 2009, oppressant polar se déroulant dans la Louisiane profonde, et son amour pour le jazz : Autour de Minuit (1986), avec le saxophoniste ténor Dexter Gordon.
Commentaires
Merci pour ce merveilleux article qui donne des ailes pour aller voir ce film.
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