A vor également au cinéma cette semaine

• LE MARCHAND DE SABLE de STEVE ACHIEPO- AVEC MOUSSA MANSALY, AÏSSA MAÏGA, OPHÉLIE BAU…

Djo (Moussa Mansaly) est livreur de colis en banlieue parisienne. Après plusieurs années de prison, il mène désormais une vie sans histoires en habitant chez sa mère avec sa fille. Un jour, sa tante Félicité (Aïssa Maïga) débarque chez eux avec ses enfants. Fuyant le conflit en Côte d’Ivoire, elle souhaite offrir un meilleur avenir aux siens. Djo décide de l’aider et réussit à trouver un local à la famille. Mais sa rencontre avec Yvan (Benoît Magimel), un marchand de sommeil impitoyable, le fait basculer dans un terrible engrenage dont ni lui ni sa famille ne sortiront indemnes…

En 2016, Steve Achiepo se faisait remarquer en tant que comédien pour sa brillante performance de Youssouf Fofana, le chef du Gang des Barbares dans Tout, tout de suite de Richard Berry. Six ans plus tard, le voici derrière la caméra pour son premier film comme réalisateur. Le Marchand de sable est un thriller passionnant sur un sujet finalement assez peu représenté au cinéma : le mal-logement. Tendu et nerveux, ce long-métrage porté par un casting impeccable (mention spéciale à l’incroyable Moussa Mansaly) est accompagné par la Fondation Abbé Pierre, qui lutte contre les situations d’habitat indigne et les marchands de sommeil. Un film réussi et nécessaire.

 Recommandation : 4 cœurs

Antoine Le Fur 

• DOMINGO ET LA BRUME d’Ariel ESCALANTE MEZA- Avec Carlos UREÑA, SYLVIA SOSSA, Aris VINDAS…

Costa Rica, au cœur des montagnes tropicales. Domingo (Carlos Ureña), habite sur des terres convoitées par des entrepreneurs. Ces derniers comptent en effet construire une autoroute et rien ne peut les faire reculer. Alors que les habitants sont délogés les uns à la suite des autres, Domingo résiste malgré la pression. En effet, selon lui, ces terres ancestrales renfermeraient un secret mystique…

Présenté dans la section Un Certain Regard lors de la dernière édition du Festival de Cannes, Domingo et la brume est un film pour le moins singulier. Si la première partie ne manque pas d’intriguer avec une réalisation quasi expérimentale (à l’image de cette fameuse brume du titre qui hypnotise littéralement le spectateur), la suite n’est malheureusement pas à la hauteur. Certainement la faute à un scénario peu convaincant et presque grotesque dans son dénouement.  

Recommandation : 2 cœurs.

Antoine Le Fur

• L’ASTRONAUTE de Nicolas GIRAUD - Avec Nicolas GIRAUD, Mathieu KASSOVITZ, Hélène VINCENT…

Frustré d’avoir raté le concours qui lui aurait permis d’être astronaute, Jim, ingénieur chez Ariane Group, décide de réaliser quand même son rêve d’aller là-haut, loin par-dessus les nuages. Depuis huit ans, il construit donc, en douce, à ses heures perdues, une fusée, dans l’espoir d’être le premier voyageur spatial amateur de l’histoire. Mais il finit par comprendre qu’il ne pourra pas faire décoller son engin sans aide. Soutenu par sa grand-mère, il se fait épauler par quelques professionnels. Et…

On ne spoilera pas la fin de ce film incroyable et passionnant, entièrement conçu ( scénario, dialogues et réalisation) et joué aussi (L‘Astronaute, c’est lui !) par un seul et même homme : Nicolas Giraud. Créateur aussi têtu et obsédé que son héros, cet idéaliste réussit en 1H50 à nous rendre crédible, la réalisation d’un projet impossible. Difficile dans son film qui tient à la fois du rêve et de la réalité, de démêler ce qui relève, ou pas, de la fiction. Et d’ailleurs, on s’en fiche puisqu’il est impossible de résister à l’appel de cette aventure. On a beau avoir les pieds ancrés dans le sol, la tête s’envole vers le ciel et on se retrouve « le nez dans les étoiles », comme le chantait si bien Jacques Brel. On pleure, on rit, on tremble, on est sidéré. Et tout ça, (presque) sans effets spéciaux, selon un tempo parfait, avec des acteurs formidables: Nicolas Giraud, bien sûr, mais aussi Mathieu Kassovitz, Hélène Vincent, Bruno Lochet…Enthousiasmant et émouvant. 

Recommandation : 4 cœurs

Dominique Poncet

• LA ROMANCIÈRE, LE FILM ET LE HEUREUX HASARD de HONG SANG-SOO- AVEC LEE HYE YOUNG, KIM MIN HEE, SEO YOUNG HWA…

Junhee (Hye-yeong Lee) est une célèbre romancière. Un beau jour, elle décide de rendre visite à une amie libraire perdue de vue. Peu de temps après, l’écrivaine croise la route d’un réalisateur et de son épouse, qui l’amène à rencontrer par la suite Kil Soo (Kim Min Hee), une jeune comédienne. Fascinée par cette dernière, Junhee lui propose de faire un film ensemble…

Comme le Beaujolais, voici venu la livraison annuelle du nouveau film de Hong Sang-Soo. Un nouveau cru qui promet de ravir les fans du réalisateur sud-coréen… et de laisser perplexes ceux qui n’auraient pas l’heur d’appartenir à cette catégorie. Bien sûr, il y a un charme indéniable dans la filmographie de cet héritier direct d’Eric Rohmer et ce nouveau film ne déroge pas à la règle. Mais à y regarder de plus près, le cru 2023 de Hong-Sang Soo, avec ses tirades sur l’art et ses longs plans fixes, finit plus par laisser de marbre que réellement nous enchanter.

Recommandation :  2 cœurs

Antoine Le Fur
 

• UN HOMME HEUREUX de TRISTAN SÉGUÉLA- Avec CATHERINE FROT, FABRICE LUCHINI, PHILIPPE KATERINE…

Jean (Fabrice Luchini) est le maire réac d’une petite ville du Nord. Alors que, secondé par un adjoint très dévoué (Philippe Katerine, irrésistible, comme d’habitude), il est en pleine campagne pour sa réélection, Edith, sa femme ( Catherine Frot) vient lui annoncer une nouvelle qui le désarçonne : du plus profond de son être, elle est, depuis toujours,  lui dit-elle, un homme, et maintenant que ses enfants sont grands, elle souhaite faire enfin sa transition. Quoi ? Edith, sa femme chérie, un homme? Pour Jean, c’est un cataclysme. Mais…

Pour son troisième film de cinéma, Tristan Séguéla (Docteur?)  s’attaque à un sujet délicat : celui de la transidentité. Bonne surprise, il a choisi de le traiter  sous l’angle d’une comédie légère, joyeuse, drolissime et surtout bienveillante, c’est-à-dire sans second degré, ni sarcasme. Son scénario est futé, ses dialogues, enlevés, et ses personnages, jamais caricaturaux. Et puis, le duo Catherine Frot-Fabrice Luchini, réuni pour la première fois fonctionne à merveille. Rire et émotion garantis.

Recommandation :  4 cœurs 

Dominique  Poncet

• ANIMALS de NABIL BEN YADIR- Avec SOUFIANE CHILAH, GIANNI GUETTAF, VINCENT OVERATH…

Brahim (Soufiane Chilah) a trente ans et fait la fierté de sa famille. Mais au fond de lui, il cache un secret : son homosexualité. Le jour de l’anniversaire de sa mère, alors que tous les siens sont réunis, Brahim se rend en ville où il fait la rencontre de quatre hommes. Il ne le sait pas encore mais sa vie vient de basculer…

Le 22 avril 2012, Ihsane Jarfi, Liégeois de 32 ans, était enlevé et assassiné par quatre hommes. Mobile de ces derniers ? Le jeune homme était homosexuel. Un crime abominable et le tout premier pour lequel la justice belge reconnaissait la circonstance aggravante d’homophobie. Près de onze ans après les faits, le cinéaste Nabil Ben Yadir (Les Barons, La Marche…) revient sur cette affaire qui a secoué la Belgique. Si dénoncer l’homophobie est une cause nécessaire, se vautrer dans la violence gratuite et la complaisance comme le fait Animals est une autre histoire. À la limite du supportable en raison des différentes scènes de torture (notamment celle, interminable, filmée au téléphone portable), le long-métrage prend littéralement le spectateur en otage. Un film qui ne s’oublie pas. Mais pas pour de bonnes raisons.

Recommandation : 1 cœur

Antoine Le Fur