A voir également au cinéma cette semaine

• Maya, donne moi un titre de Michel Gondry - Animation. 

Occupé par sa carrière, le cinéaste Michel Gondry est bien souvent éloigné de sa fille Maya. Pour continuer malgré tout à garder un lien avec elle, au-delà des kilomètres, le réalisateur lui demande chaque soir : « Maya, donne-moi un titre ». À partir de là, il lui a concocté un film d’animation, fait de bric et de broc, dont elle est l’héroïne…

Petit par sa durée (1h01), le nouveau film de Michel Gondry n’en est pas pour autant mineur dans sa filmographie. Les thèmes incontournables de son œuvre (le bricolage, la poésie…) se retrouvent dans ce joli film d’animation, d’une inventivité incroyable. En prime, une très belle déclaration d’amour d’un père à sa famille. Une singulière proposition cinématographique, idéale pour initier en douceur les plus jeunes (dès trois ans) au septième art.

Recommandation : 4 cœurs

Antoine Le Fur

• Et maintenant de Lucien Jean-Baptiste - Avec Isabelle Nanty, Gérard Darmon, Lucien Jean-Baptiste, Zabou Breitman…

Alain, 59 ans (Lucien Jean-Baptiste) se voit brutalement licencié de sa société. Pour autant, et au grand étonnement de sa femme (Zabou Breitman), pas question pour lui d’envisager une retraite. Trop âgé pour retrouver un emploi salarié, il décide de monter sa boîte. Un marché lui semble porteur : celui de la garde d’enfants. Il va embarquer dans son improbable projet Véronique, son ancienne collègue bloquée depuis des années dans la dépression (Isabelle Nanty) et Jean-Pierre Savarin, un animateur de jeu télévisé en pleine panade financière (Gérard Darmon). Une façon pour lui, indomptable optimiste, de vérifier l’adage : « tout seul, on va plus vite, mais à trois, on va plus loin »…Enfin, quand tout va bien !

On le sait depuis Ma première étoile, Lucien Jean-Baptiste, grand fan de comédies sociales,  n’a pas son pareil pour écrire et filmer des histoires irrésistibles de drôlerie et de peps, portées par des « bras cassés » qui croient,  dur comme fer, qu’ils vont « redémarrer» envers et contre tout. Et maintenant, son dixième film, est évidemment de cette trempe, qui raconte, sur des dialogues ciselés et des rythmes antillais, les pérégrinations ubuesques de chômeurs vieillissant pour se sortir du pétrin. On y rit beaucoup, parfois les larmes aux yeux, et on en sort bardé d’optimisme. 

Recommandation : 3 cœurs

Dominique Poncet

• All We Imagine as Light de Payal Kapadia - Avec Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam…

 Prabha (Kani Kusruti) est infirmière à Mumbaï. Sans nouvelles de son mari depuis plusieurs années, elle se refuse à toute vie sentimentale. Sa jeune colocataire, Anu (Divya Prabha), fréquente de son côté un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Un séjour dans un village côtier va amener ces deux femmes à entrevoir la promesse d’une liberté nouvelle…

C’était une surprise. Lors du dernier Festival de Cannes, All We Imagine as Light de la réalisatrice indienne Payal Kapadia (Œil d’or du meilleur documentaire à Cannes en 2021 pour Toute une Nuit sans Savoir) remportait le Grand Prix, déjouant un certain nombre de pronostics qui prédisaient d’autres films à cette place si élevée du palmarès. Une récompense méritée puisque la cinéaste pose un regard juste et sans concession sur l’Inde, pays enfermé entre tradition et modernité. Bien sûr, la mise en scène est irréprochable et les deux comédiennes principales sont épatantes en héroïnes empêchées dans leurs désirs. Mais reste ce sentiment de voir surtout un film «de festival» où rien ne dépasse, avec de nombreuses longueurs et où l’émotion semble aux abonnés absents. En somme, un film parfait pour Cannes ou tout autre grand rassemblement à destination de cinéphiles venus du monde entier. Sorti de ce contexte, c’est hélas tout de suite moins évident.

Recommandation : 3 cœurs

Antoine Le Fur

• Drone de Simon Bouisson - Avec Marion Barbeau, Eugénie Derouand, Stefan Crepon…

Étudiante en architecture, Emilie (Marion Barbeau, impeccable) gagne sa vie en étant  secrètement« camgirl » sur Internet. Alors qu’elle travaille sur un projet de réhabilitation de bâtiments désaffectés, elle remarque qu’un drone l’observe à la fenêtre de son appartement. Elle le croit d’abord protecteur, mais constatant qu’il la suit et scrute chacun de ses mouvements, elle finit par se sentir menacée et dépouillée de son intimité. Qui télécommande le drone? Dans quel but?

Pour son premier film, Simon Bouisson (scénariste réalisateur de la série Stalk) a fait preuve d’audace : pour dénoncer l’accroissement du voyeurisme et l’exhibitionnisme de notre société d’aujourd’hui, il a écrit un scénario sur des missions qu’on pourrait, dans un futur proche, assigner aux drones : l’espionnage de particuliers, et il l’a tourné presque entièrement  à partir de ces petits engins volants. Le résultat : un film immersif d’une étonnante efficacité et qui fait froid dans le dos. Dommage que le scénario ne soit pas toujours à la hauteur de la réussite visuelle de ce premier film, qui mérite néanmoins le détour. 

Recommandation : 3 coeurs

Dominique Poncet

• Joker : Folie à Deux de Todd Phillips - Avec Joaquin Phoenix, Lady Gaga,  Brendan Gleeson…

Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) est interné dans un asile psychiatrique depuis les meurtres qu’il a commis sous les traits du Joker. À quelques jours de son procès, sa vie prend toutefois un tournant inattendu lorsqu’il fait connaissance de la mystérieuse Harley Quinn (Lady Gaga), pensionnaire du même établissement, dont il tombe fou amoureux. Ce n’est que le début de ce qui sera alors une véritable folie à deux…

En 2019, Joker de Todd Phillips remportait le Lion d’Or à Venise. Une surprise, tant l’univers des super-héros ou en l’occurrence des super-vilains semble assez éloigné des honneurs des grands festivals de cinéma. Mais le premier volet des aventures du grand ennemi de Batman n’était justement pas un blockbuster calibré uniquement pour les fans de science-fiction. Devant son succès critique et public, une suite a été mise en chantier. La voici aujourd’hui en salles. Malheureusement, comme on pouvait un peu s’y attendre, Joker : Folie à Deux déçoit. Trop long (on sent bien passer les 2h20), scénario paresseux qui tente de réinventer le genre du film de procès, Lady Gaga sous-employée en tant que comédienne et qui passe le plus clair de son temps à chanter et danser… Hésitant entre plusieurs registres (la comédie musicale, le drame, le film d’action…), Joker : Folie à Deux est assez oubliable. On se souviendra pendant longtemps du premier volet. Moins de celui-ci.

 Recommandation : 2 cœurs

Antoine Le Fur

• The Outrun de Nora Fingscheidt - Avec Saoirse Ronan, Paapa Essieu, Stephen Dillane…

Étudiante (paumée) en biologie à Londres, Rona (Saoirse Ronan) est tombée dans un alcoolisme sévère. Pour essayer de s’en sortir, elle retourne chez ses parents, dans les Orcades, un archipel situé au nord de l’Écosse et entreprend une cure de désintoxication. Cure qui va s’avérer chaotique et épuisante, moralement et physiquement…

C’est à l’initiative de la comédienne irlandaise Saoirse Ronan que The Outrun, tiré du récit autobiographique de l’écossaise Amy Liptrot, doit d’avoir été porté à l’écran. Pour ce faire, la comédienne, qui pressentait qu’elle tenait là un rôle à la démesure de son talent, s’est même faite coproductrice . Avec un goût très sûr, elle est allée chercher pour la diriger, l’allemande Nora Fingscheidt révélée en 2022 pour son déchirant Benni. Le résultat est ce long-métrage puissant, impressionnant, bâti sur des flashback, qui mêle archives et séquences animées, et dans lequel l’initiatrice du projet (actrice, entre autres dans Reviens-moi, Lady Bird, Budapest hôtel) livre une prestation phénoménale, entre rage et désespoir, qui devrait logiquement lui valoir une nomination aux Oscars.  

Recommandation : 4 coeurs

Dominique Poncet