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Et aussi
- Dumb Money de Craig Gillespie - Avec Paul Dano, Pete Davidson, Vincent D'Onofrio…
Youtubeur passionné et suivi, Keith Gill ( Paul Dano) s’obstine à placer ses économies dans GameStop, une entreprise quasi en faillite sur laquelle pas un des milliardaires de Wall Street ne miserait même un seul… kopeck. Grâce à une force de conviction peu commune, Keith parvient pourtant à persuader des milliers d’internautes de le suivre. Le résultat espéré arrive : les actions décollent et les nouveaux actionnaires se mettent à engranger les dollars. Pas pour longtemps : paniqués, les requins de Wall Street réagissent. Hors de question pour eux de se laisser dépouiller par un geek étranger au sérail.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Dumb money réalisé par l’Australien Craig Gillespie (Moi, Tanya et Cruella) n’est pas une fiction rocambolesque comme savent en inventer les scénaristes hollywoodiens. Il est inspiré d’une histoire vraie qui, en son temps (dans les années 2020), fit la une des médias américains. Une histoire tellement dérangeante qu’elle avait fini par mener ses principaux protagonistes jusqu’à la Cour Suprême américaine. Transposée à l’écran par Gillespie, cette histoire a donné lieu à une comédie corrosive, irrésistible et rocambolesque, portée qui plus est par un casting impeccable, en tête duquel Paul Dano (Little Miss Sunshine et The Fabelmans). Attention : pour l’apprécier dans toute sa saveur, mieux vaut avoir des notions de Bourse.
Recommandation : 3 cœurs
Dominique Poncet
- Edouard Louis ou la transformation de François Callat. Documentaire.
Issu d’un milieu sous-prolétaire, Edouard Louis est devenu l’un des romanciers français les plus doués de sa génération. Véritable transfuge de classe, l’auteur d’En finir avec Eddy Bellegueule engage chacun de nous à faire de la transformation permanente un nouveau mode d’existence…
François Caillat est un réalisateur fascinant. Auteur de films à la frontière du documentaire et de l’essai, il s’est régulièrement intéressé à des écrivains et des penseurs. Après Jean-Marie Gustave Le Clézio, Michel Foucault ou encore Julia Kristeva, le voici dressant un portrait du jeune prodige Edouard Louis. Edouard Louis ou la transformation est un film passionnant dans son discours. Il reprend les principaux thèmes traités dans l’œuvre de l’auteur d’En finir avec Eddy Bellegueule : la notion de transfuge de classe, le prolétariat, la distinction entre Paris et le reste de la France. Dommage que le documentaire, assez riche dans le fond, soit très pauvre dans sa forme, faisant plus songer à un reportage de France 3 régions qu’à une œuvre cinématographique digne de ce nom.
Recommandation : 3 cœurs
Antoine Le Fur
- Cesária Évora, la diva aux pieds nus de Ana Sofia Fonseca- Documentaire.
Née en 1941 à Mindelo dans une famille pauvre, orpheline de son père musicien à l’âge de sept ans, placée alors dans un institut tenu par des bonnes sœurs qu’elle ne portera pas dans son coeur, mais qui lui apprendront néanmoins le chant en chœur, Cesária Évora n’avait rien pour accéder au statut de chanteuse iconique. Rien, sinon, sa voix veloutée et émouvante, un fichu caractère qui ne lui faisait pas faire ce dont elle n’avait pas envie, et aussi - qui était une qualité à double tranchant - une générosité sans fond. Jusqu’à sa notoriété, le chemin fut long pour la chanteuse, puisqu’elle attendit 51 ans pour l’acquérir avec une chanson qui bouleversa le monde entier, Sodade. 51 ans : un âge où il est quasi impossible de changer. La gloire ne métamorphosa donc pas celle qui était devenue la Diva du Cap-Vert. Elle continua de (trop) boire, de marcher pieds nus, d’afficher, avec une fermeté inébranlable, sa profonde liberté, et aussi d’offrir l’argent qu’elle gagnait à ceux qui étaient dans le besoin…
Incroyablement, personne n’avait encore consacré de documentaire à cette grande dame, décédée d’une insuffisance respiratoire il y a plus de 10 ans (en 2011). Voici donc enfin le premier. Proposé par la portugaise d’origine Cap-verdienne Ana Sofia Fonseca, il dresse un portrait intime, et donc sans fard, de cette interprète légendaire, racontant, avec des images inédites d’entretiens, de répétitions et de concerts, son difficile parcours jusqu’à son triomphe qui lui permit de faire connaître sa musique à travers le monde. Magnifique, passionnant et bouleversant.
Recommandation : 3 cœurs
D. Poncet
- Le temps d’aimer de Katell Quillévéré- Avec Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Hélios Karyo…
À la Libération, Madeleine (Anaïs Demoustier) se retrouve tondue pour avoir eu une relation avec un officier allemand. De cette liaison est né un petit garçon, Daniel (Hélios Karyo). Quelque temps plus tard, devenue serveuse dans un hôtel-restaurant en bord de mer, elle fait la rencontre de François (Vincent Lacoste), un étudiant cultivé et raffiné. Entre eux, l’attirance est immédiate. Madeleine voit en cette nouvelle idylle l’occasion de tirer un trait sur son passé scandaleux. Quant à François, cette romance est également pour lui le moyen de s’assurer une couverture dans une France encore bien puritaine…
Présenté dans la section Cannes Première lors du dernier festival de Cannes, le nouveau film de Katell Quillévéré (Suzanne, Réparer les vivants…) est éminemment personnel puisque la réalisatrice s’inspire ni plus ni moins que de l’histoire de sa grand-mère. Si le long-métrage ne manque pas de romanesque en étirant le récit sur plus de vingt ans, il accuse tout de fois de sérieux problèmes de rythme dans sa seconde partie. L’intensité du début se dilue petit à petit et le spectateur reste quelque peu sur sa fin. Heureusement, l’extraordinaire alchimie du tandem Anaïs Demoustier / Vincent Lacoste vient réparer la casse d’un film dont on se dit qu’il aurait pu mieux faire.
Recommandation : 3 cœurs
A. Le Fur
- Conann de Bertrand Mandico- Avec Christa Theret, Elina Löwensohn, Julia Riedler…
Dans un lieu imaginaire et effrayant entre Limbes et Enfers, une étrange créature, un bipède féminin à tête de chien appelé Rainer (Elina Löwencohn), va aider Conann, une vieille femme amnésique, morte depuis peu, à retrouver la mémoire, pour qu’elle se confronte à la cruelle barbare qu’elle fut, de façon crescendo, au cours de ses six réincarnations, chacune d’elles ayant assassinée celle qui la précédait. Un cycle monstrueux entamé à l’âge de 15 ans où, alors esclave de Sanja, Conann fut forcée de tuer puis de manger sa mère, ce qui, selon Rainer déjà présent, la condamnait à devenir « la plus barbare des barbares ». Un cycle que le spectateur est évidemment convié à revivre visuellement avec l’effrayante héroïne.
Avec ce très dérangeant Conann, qui dresse le portrait d’une guerrière féroce et sanguinaire (l’alter ego féminin fantasmé du Barbare Conan, né en 1932 sous la plume de Robert E. Howard et interprété au cinéma en 1982 par Arnold Schwarzenegger), Bertrand Mandico clôt une trilogie entamée avec Les Garçons sauvages (Prix Louis Delluc du 1er film en 2017) et After Blue/ Paradis Sale (Prix FIPRESCI à Locarno en 2021). Présenté lors du dernier festival de Cannes, cet opus semble très attendu par les fans du cinéaste. Ils ne devraient pas en sortir déçus, tant Mandico a profité de la monstruosité de son scénario (qui se clôt sur un festin anthropophage !) pour pousser encore plus loin la radicalité de son style si particulier, si jusqu’au-boutiste, si onirique, si fantasmagorique et si horrifique. Faut-il préciser qu’on déconseille ce Conann aux âmes sensibles !
Recommandation : 3 cœurs
Dominique Poncet
- La Tresse de Laetitia Colombani- Avec Kim Raver, Fotini Peluso, Mia Maelzer…
En Inde, Smita (Mia Maelzer) est une Intouchable et rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable. En Italie, Giulia (Fotini Peluso) travaille dans l’atelier de son père et découvre que l’entreprise familiale est ruinée le jour où ce dernier a un accident. Au Canada, Sarah (Kim Raver) est une brillante avocate dont la vie bascule le jour où on lui diagnostique un cancer. Sans le savoir, ces trois femmes qui ne se connaissent pas vont se retrouver liées par ce qu’elles ont de plus intime…
Avant d’être un film, La Tresse a été un vrai phénomène de librairie. Il était donc assez logique que le livre soit adapté au cinéma. Et qui mieux que Laetitia Colombani, autrice de l’ouvrage, pour s’en charger ? Mélodrame assumé, le film bénéficie d’un scénario assez habile qui tient le spectateur en haleine tout du long. Véritable ode féminine plus que féministe, La Tresse vaut également pour son épatant trio de comédiennes (Mia Maelzer, Fotini Peluso, Kim Raver). Une des plus belles histoires à voir sur grand écran en cette fin d’année.
Recommandation : 4 cœurs
Antoine Le Fur
- Les filles vont bien d’Itsaso Arana -Avec Barbara Lennie, Irene Escolar, Itziar Manero…
En plein été, cinq filles se retrouvent dans une maison à la campagne pour répéter une pièce de théâtre. Protégées de la chaleur écrasante par l’épaisseur des murs de cette demeure, elles partagent leurs savoirs sur l’amitié, le jeu, l’amour, la solitude et la mort, avec l’espoir de creuser leur amitié et de progresser dans leur art. Les interrogations fusent : comment interpréter ce qu’on n’a jamais éprouvé ? Comment, au contraire, jouer ce qu’on a déjà vécu en restant à distance pour ne pas s'abîmer ? L’ambiance est à la bienveillance. Les filles discutent dans des costumes du XVII° siècle où se déroule la pièce. La musique de Bach accompagne leurs échanges…
Comment rester indifférent au charme que dégage ce premier film de la comédienne espagnole Itsaso Arana (interprète du rôle-titre d’Eva en août, sorti en 2020, et dont elle était la co-scénariste) ? Gracieux, vrai et mélancolique, il parle du métier d’acteur avec naturel, sans affêterie ni intellectualisme. Même si son propos s’effiloche vers la fin, on se dit qu’on vient de découvrir une cinéaste au talent prometteur.
Recommandation : 2 cœurs
D. Poncet
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