Vive la crise
Infos & réservation
Thème
Une comédie de politique fiction, à la fois salutaire, humaniste et libertaire…
Nous sommes en mai 2025. Marine Le Pen vient de démissionner de la Présidence de la République. Tandis qu’un nouvel homme politique « ni centre droit, ni centre gauche, ni centrifuge » se démène pour être élu, le pays exhibe ses plaies, ses manques et ses absurdités bureaucratiques. Ce sont des machines qui décident du licenciement des salariés; les sans domiciles fixes ont envahi les rues; les débats démocratiques sont tombés dans les oubliettes; et tout se commande depuis un grand barnum appelé « Centre de climatisation nationale ».
Un jour, sans aucun autre motif que « la faute-à-pas-de-chance-la-roue-a-tourné », un cadre de ce consortium (Jean-Marie Bigard) s’en fait licencier. N’osant pas rentrer chez lui où, pourtant, une femme amoureuse l’attend (Florence Thomassin), il s’en va errer de bar en bar, et finit par rencontrer une sorte de clodo aussi alcoolo que céleste, qui se fait appeler Montaigne. Ce dernier est en réalité agrégé de philo mais, plutôt que l’enseignement, il a choisi la bohême…
Les deux nouveaux copains vont déclencher un sacré foutoir social, d’autant qu’ils vont être rejoints par une ribambelle d’autres marginaux…
Points forts
- Premier point fort de ce film OVNI, joyeusement anar et qui plaide pour un droit au bonheur et à (bien) vivre ensemble, sa liberté de ton. Quand on n’a pas d’argent, nous dit le scénario, il suffit d’avoir des idées, de la générosité, du cœur, pas trop d’ambition et un net penchant pour la rigolade. C’est totalement irréaliste, et même, par moments, surréaliste, mais, c’est surtout très roboratif pour celui qui accepte de remiser pendant une heure trente-deux, son esprit de sérieux.
- Deuxième atout, la distribution, qui est très inattendue.
Bedaine en avant, composant un Montaigne à la fois philosophe, hédoniste, gourmand, et facétieux, Jean-Claude Dreyfus est dans une forme de jeu olympique.
Tout comme Jean-Marie Bigard, formidable de désarroi, de tendresse, de colère et de drôlerie. A le regarder jouer à ce niveau d’interprétation là, sans une once de cette vulgarité dont certains prétendent qu’elle est le sel de ses sketches, on se demande pourquoi les cinéastes le font si peu jouer ailleurs que dans ses sentiers si souvent rebattus de la grosse rigolade.
Autour de cet épatant et inédit tandem, tous les autres acteurs seraient à citer : Rufus, bouleversant dans son personnage de vieux timide qui retombe amoureux, Florence Thomassin, d’une sensualité et d’une sincérité désarmantes, et encore Michel Aumont, Dominique Pinon, etc… des grands de la scène, qu’on voit trop rarement à l’écran, ici au meilleur d’eux-mêmes, parce qu’ils s’amusent comme des gamins.
Quelques réserves
Evidemment, ce film est un peu, beaucoup, passionnément, foutraque, irrévérencieux, potache et immoral.
Il est aussi un peu réalisé à la « va-comme-je-te-pousse », mais il faut dire que ces points faibles font partie intégrante de son charme, proche de celui de l’ironique et tonitruant Jean-Pierre Mocky.
Encore un mot...
En ces périodes de crise sociale et de repli sur soi, comment ne pas recommander ce film à la fois joyeux, rebelle et inclassable ? Non seulement Il fait fonctionner les zygomatiques mais en plus, sous ses allures de conte drôlatique et « bordélique », il trimballe une belle humanité, plaide, mine de rien en faveur de la tolérance et alerte sur les désastres des régimes ultra-libéraux. Pas mal, pour un film tourné sans autre prétention que celle de divertir. Et puis quelle bande d’acteurs !
Mais attention, émaillé de plaisanteries parfois lourdingues et tourné sans recherche formelle, Vive la Crise ! est loin de frôler le chef d’œuvre ! En l’occurrence, cela n’a aucune importance. Parce qu’elle sort des idées reçues, du formatage habituel des comédies et de la « bien-pensance » à la mode, c’est une comédie qui fait un bien fou.
Une phrase
« J’ai rassemblé plusieurs idées qui me trottaient depuis longtemps dans la tête, avec comme dénominateur commun la rencontre de personnages marginalisés par le système, singuliers et attachants, tous profondément humains, retrouvant le goût des autres, le bonheur de partager les innombrables richesses naturelles et culturelles que nous offre le monde ».
( Jean-François Davy, réalisateur).
L'auteur
Jean-François Davy est sans doute l’un des hommes les plus anticonformistes du cinéma français, un créateur aussi, qui échappe à toute tentative de classement. On le croit réalisateur, il se fait producteur de films tournés par d’autres, on le pense en train d’écrire un porno, il trime sur une comédie grand public. Les seules constantes de ce touche à tout sont, dans le désordre, les femmes, le cinéma et un goût très prononcé pour la bohême.
Né à Paris en 1945, Jean-François Davy se découvre très jeune une passion pour le septième art. Avec sa patrouille de scouts, il réalise à quinze ans son premier court-métrage. Son bac philo en poche, il n’arrêtera plus de tourner. En 1965, il se fait engager comme assistant par Luc Moullet, apprend toutes les ficelles du métier, et se lie d’amitié avec Claude Melki, qui va l’aider à monter, en 1966, son premier long, L’Attentat. Après deux années de service militaire dans la coopération au Burkina Faso, le jeune Jean-François rentre à Paris et se remet à tourner, dans l’indifférence générale. Le succès arrive, enfin, en 1971, avec Le Seuil du vide. Presque dans la foulée, ce sera Exhibition. Ce film en forme de portrait de l’actrice porno Claudine Beccarie fera 3 millions et demi d’entrées. Ce sera la plus grande réussite de Davy, qui connaît, depuis, une carrière en dents de scie, que ce soit en tant que réalisateur ou producteur. Bides ou succès, cet artiste libertaire a toujours tout affronté avec la même apparente désinvolture. Mais il a déclaré que si ce Vive la Crise ne marchait pas, il rendrait définitivement son tablier de cinéaste. Ce qui serait vraiment dommage pour le vent de liberté qu’il a toujours fait souffler sur les écrans.
Ajouter un commentaire