Un Amour impossible

Passionnant, sauf la fin.
De
Catherine Corsini
Avec
Virginie Efira, Niels Schneider, Estelle Lescure…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

A la fin des années 50 à Châteauroux, Rachel (Virginie Efira), modeste secrétaire, rencontre Philippe, un grand bourgeois cultivé ( Niels Schneider). De leur liaison passionnelle nait une petite fille, Chantal. Malgré cette naissance, Philippe, pour ne pas « trahir » sa classe sociale, va obstinément refuser d’épouser Rachel, qui va donc se voir contrainte d’élever, seule, sa fille. Au bout de dix ans d’un combat acharné, cette mère, célibataire contre son gré, parviendra quand même à ce que Philippe donne son nom à sa fille. Il la prendra dès lors avec lui pour de courts séjours. Le début d’un long calvaire pour elle, puisque son père en profitera chaque fois pour abuser d’elle. Ses rapports avec sa mère, qui ne soupçonne rien, en seront faussés.

Points forts

Cinéaste féministe engagée, Catherine Corsini a le chic pour dégoter des sujets dont elle tire des films captivants. Parce qu’il raconte, sur trente ans, à la fois les amours impossibles entre une femme simple et un homme pervers, la relation incestueuse que ce dernier entretiendra avec leur fille, et les rapports difficiles qu’à la suite de son insupportable traumatisme, cette fille entretiendra avec sa mère, Un amour impossible, le roman autobiographique de Christine Angot, semblait avoir été écrit pour que la cinéaste des Ambitieux le porte à l’écran.

 Jusqu’à ses deux tiers, le scénario est formidable, qui mêle adroitement histoire d’amour unilatérale et chronique sociale. A travers ce parcours d’une femme malheureuse mais combattante, qui va vite devenir une mère aimante et responsable, on perçoit les difficultés de la France provinciale de l’après-guerre, empêtrée dans ses préjugés et ses diktats moraux. C’est passionnant.

D’autant plus que les deux comédiens en charge des rôles principaux sont tout bonnement sensationnels. Niels Schneider, qui joue avec une froide retenue, son personnage d’amant manipulateur et père incestueux; et Virginie Efira, qui bouleverse en mère courageuse et amoureuse brisée.

La caméra de Catherine Corsini les suit d’une façon, certes assez classique, mais efficace, sans mélo, ni pathos, transposition fidèle de l’écriture, à la pointe sèche de Christine Angot.

Quelques réserves

C’est au dernier tiers du film que cette belle narration se gâte un peu. Contrairement au roman, où Christine Angot raconte crûment l’inceste, Catherine Corsini choisit de n’en rien montrer. Pour compenser, la cinéaste fait parler ses personnages. Jusque là d’une sobriété exemplaire, le film bascule, devient bavard et maladroit. C’est dommage.

Encore un mot...

Produit par une femme, écrit par deux femmes d’après le livre d’une femme, réalisé par une femme qui retrace le destin de deux femmes… Au lendemain de l’affaire Weinstein, le nouveau film de Catherine Corsini réjouira sûrement les passionaria qui luttent contre la domination masculine. Il serait dommage qu’il n’intéresse que ces militantes, ou les seuls admirateurs de Christine Angot. Car cet Amour Impossible, bien que racontant une histoire datée puisqu’ayant existé, a quelque chose d’intemporel dans sa façon de dire les ravages de l’inceste paternel, jusque dans la destruction des rapports mère-enfant.

Une phrase

« Avec ma coscénariste Laurette Polmans, nous avons pris la matière du livre à bras le corps, puis défini trois grands segments : l’histoire d’amour entre Rachel et Philippe, la solitude d’une femme qui prend des coups, se relève… et élève seule sa fille, et enfin la révélation de l’inceste que la mère n’a pas vu, et qui en vient à tout corrompre, jusqu’à la relation entre la mère et la fille » (Catherine Corsini, réalisatrice).

L'auteur

Née à Dreux en 1956, Catherine Corsini commence par rêver d’être comédienne. Dès son arrivée à Paris, elle s’inscrit donc au Conservatoire dont elle passe avec succès le Concours. Très vite pourtant, elle se détourne de l’interprétation pour se lancer dans l’écriture et la réalisation. En 1988,  après trois courts-métrages, tous primés, elle se lance dans le long, avec Poker, un film noir interprété par Caroline Cellier et Pierre Arditi. Après un court détour par le petit écran, elle revient au cinéma en 1994 avec les Amoureux qui explore les relations ambiguës d’un frère et une sœur. En 1999, elle change de registre et s’essaie à la comédie avec La Nouvelle Eve. Après ce film qui la fait connaître du grand public, elle tournera plus régulièrement. Vont s’enchainer, ou presque, La Répétition (2001), Mariées mais pas trop (2003), les Ambitieux (2006), Partir (2009), Trois Mondes(2012) et la Belle Saison (2015).

Un amour impossible est le dixième long métrage de cette réalisatrice, qui par ailleurs milite activement, notamment pour les droits de la femme, contre le racisme et les violences conjugales.

Et aussi

Un homme pressé d’Hervé Mimran - Avec Fabrice Luchini, Leïla Bekhti, Igor Gotesman…

Dirigeant d’une grande entreprise automobile, Alain vit à cent à l’heure, sans se soucier des autres. Un jour, il est victime d’un accident vasculaire cérébral qui le stoppe net dans sa course après le temps, et provoque chez lui de graves troubles de la parole et de la mémoire. Il va devoir tout réapprendre, notamment parler et se diriger. Entre alors en jeu, une orthophoniste grâce à laquelle il va tenter de se reconstituer. Sa rééducation va faire de lui un autre homme, notamment un père attentif…

Inspirée de la vie d’un ancien patron de Peugeot, cette comédie humaniste tourne un peu en rond. Mais la minceur du scénario est  largement compensée par le plaisir qu’on éprouve à regarder et à écouter Fabrice Lucchini. Voir ce maitre de l’éloquence parler verlan, bredouiller, chercher ses mots, les disloquer, les employer à mauvais escient est un régal, d’autant plus jubilatoire que c’est l’excellente, intense et « drolissime » Leïla Bekhti qui lui donne la réplique. Par instants, dans la cocasserie des rapports entre soignant et handicapé, on pense à un remake des Intouchables. Ce qui n’est pas un mince compliment !   

Recommandation : EXCELLENT 

 

Kursk de Thomas Vinterberg - Avec  Matthias Schoenaerts, Léa Seydoux…

C’est un film qui reconstitue un vrai drame, celui du sous-marin nucléaire russe Koursk qui, en août 2000, à la suite de deux explosions encore inexpliquées, envoya à la mort, dans la mer de Barents, tout son équipage. Sur les 118 personnes qui périrent, on sait aujourd’hui que 23 auraient pu être sauvées si la Russie n’avait pas obstinément refusé toute aide internationale pendant neuf interminables jours. On a beau connaître la fin de cette tragédie, on est fasciné par la façon dont Thomas Vinterberg relate le calvaire des hommes qui réussirent à survivre pendant plusieurs jours dans ce tombeau d’acier, espérant en vain des secours de leur pays, alors en pleine guerre froide avec l’Occident. 

Kursk aurait pu n’être qu’un (formidable) film catastrophe. Il est beaucoup plus que cela, car au delà de ses images impressionnantes et de ses  spectaculaires effets spéciaux, il réussit à se concentrer sur l’humain. On est donc à la fois captivé et ému, d’autant plus qu’en « patron » des marins, Matthias Schoenaerts, est sensationnel d’investissement, de sincérité, de justesse de jeu.

Recommandation : EXCELLENT

 

Heureux comme Lazzaro d’Alice Rohrwacher - Avec Adriano Tardiolo, Alba Rohrwacher, Luca Chikovani…

Jeune  paysan simple d’esprit mais d’une bonté exceptionnelle, Lazzaro vit à l’Inviolata, un hameau resté à l’écart du monde. Il est un peu l’homme à tout faire des habitants de ce hameau, qui eux mêmes vivent comme les serfs  des siècles passés, exploités qu’ils sont, sans s’en rendre compte, par la propriétaire du lieu, la marquise Alfonsina de Luna.

Un été, Lazzaro se lie avec Tancredi, le fils de la marquise. Son amitié  et son admiration pour lui auront une telle force qu’elles lui feront traverser le temps et le transporteront, en ville, dans le monde moderne. Le tendre et naïf Lazzaro va découvrir le mensonge, la pauvreté, le vol et la violence…

En forme de conte, ce film, singulier, poétique, formellement très beau, qui aurait pu avoir pour parrains Fellini ou Pasolini, avait été sélectionné, pour la compétition cannoise. Il en était reparti, à juste titre, avec le prix du scénario.   

Recommandation : EXCELLENT

 

Sale temps à l’hôtel El Royale de Drew Goddard - Avec Jeff Bridges, Cynthia Erivo, Dakota Johnson, Jon Hamm…

Situé au bord du lac Tahoé, aux confins de la Californie et du Névada, l’hôtel El Royale, autrefois louche et luxueux, est devenu miteux. Désormais déserté, il constitue un repaire idéal pour ceux et celles qui n’ont pas la conscience tranquille et cherchent à se planquer. Une nuit, sept personnes, dont une chanteuse, une femme fatale, et un braqueur de banque y débarquent. Elles ne se connaissent pas, mais ont toutes quelque chose à se reprocher. Ils auront une nuit pour se racheter, avant de prendre un aller simple pour l’enfer...

 Concernant l’intrigue, on n’en dira pas plus. Mais sachez que ce polar en trompe-l’œil est porté par un récit dingo, une réalisation à la fois pleine de trouvailles et volontairement très lente (on a ainsi le temps de déguster chaque plan !), et surtout une distribution cinq étoiles. Voir Jeff Bridges en prêtre alcoolo, Dakota Johnson en flingueuse invétérée, ou encore Chris Hemsworth en hippie paumé est un délice.

Avec ce polar  très réussi, superbement vintage, Drew Goddard, révélé il y a six ans par son génial La Cabane dans les bois, confirme qu’il a sa place parmi les plus grands.  

Recommandation : EXCELLENT.

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