Tout l'argent du monde
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Thème
C’est l’histoire vraie, d’un incroyable enlèvement…
En 1973, à Rome, la mafia calabraise kidnappe un jeune homme (Charlie Plummer). Il n’est pas n’importe qui. C’est Paul Getty, le petit fils de Jean-Paul Getty, l’industriel le plus riche du monde. Pour sa libération, les ravisseurs demandent une rançon de 17 millions de dollars. Un problème va surgir : le grand-père (Christopher Plummer) est aussi vertigineusement radin et sec de cœur qu’il est multimilliardaire. Il refuse donc de céder.
Un bras de fer s’engage alors entre Gail, la mère, fauchée, du jeune homme (Michelle Williams) et le magnat du pétrole, qui campe sur ses positions. Les tractations s’éternisant malgré l’entrée en scène du chef de la sécurité du vieux Getty (Mark Wahlberg), les kidnappeurs, aussi déterminés que brutaux, entament un chantage. Pour le jeune Paul Getty, il se solde par l’ablation d’une oreille. Cette mutilation fait la Une des journaux. Face au tollé international que déclenche cet acte odieux, le grand-père va finir par céder…
Points forts
- Avant même sa sortie, Tout l’argent du monde avait fait couler, à lui seul, beaucoup plus d’encre que tous les blockbusters de l’année. Pour un événement encore inédit dans le cinéma et n’ayant rien à voir avec la qualité du film : la substitution d’un acteur. La version première avait été tournée avec Kevin Spacey dans le rôle de Jean-Paul Getty. Six semaines avant sa diffusion mondiale, Ridley Scott annonçait qu’il allait remplacer cet acteur visé par des accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles, par Christopher Plummer… Cela semblait matériellement impossible… Dix jours de tournage et deux semaines de montage et d’effets spéciaux plus tard, moyennant 10 millions de dollars ajoutés aux quarante millions déjà dépensés, le nouveau film de Ridley Scott sortait, sans que quiconque puisse se douter de la substitution. L’exploit technique laisse pantois…
- Remplacer un comédien au pied levé est toujours un défi pour un interprète, surtout si ce comédien (en l’occurrence, donc, Kevin Spacey), est détenteur de deux Oscars et a été reconnu compter parmi les meilleurs du monde. A 88 ans, Christopher Plummer a relevé le gant. Incarnant avec une impassibilité de marbre ce monstre d’avarice, d’égoïsme, et de misanthropie qu’avait dû être J. Paul Getty, l’acteur canadien est tout simplement renversant. Pas un seul instant on se demande comment avait pu être celui qu’il remplace. Il marque le film. Il sera inoubliable.
- Les comédiens de la distribution initiale ne sont pas mal non plus. Et c’est un euphémisme ! Dans le rôle de la mère du jeune kidnappé, Michelle Williams est remarquable de détermination douloureuse. Mark Wahlberg a l’ambiguïté nécessaire de son rôle d’intermédiaire entre une femme blessée et un rapace impénétrable. Le jeune Charlie Plummer (simple homonymie avec Christopher) a la présence et le regard d’un Di Caprio jeune. Quant à Romain Duris, présent pour la première fois dans une superproduction américaine, il joue avec une aisance folle son personnage de ravisseur, qui seul contre tous ses impitoyables acolytes, va tomber dans la marmite de la compassion pour son prisonnier.
- Mis à part certaines séquences, notamment celles qui concernent la détention du jeune Getty (voir ci-dessous), le film est haletant de bout en bout (2h10), à la hauteur de l’intensité du drame qui se joua dans la vraie vie.
- Visuellement, c’est parfait, adroit et fluide. La photo est splendide, Du pur Ridley Scott.
Quelques réserves
Dommage : les scènes concernant les kidnappeurs patinent. Elles paraissent étirées. Sans doute parce que l’intérêt du film tient moins au récit de cet enlèvement, pourtant hors norme, qu’au portrait, passionnant, qu’il dresse de l’un de ses protagonistes, en l’occurrence, celui de J. Paul Getty, un monstre comme le capitalisme a su en générer.
Encore un mot...
Alien : Covenant, en mai, Tout l’argent du monde, en décembre… A 80 ans, Riddley Scott non seulement ne dételle pas, mais réussit la performance de sortir la même année deux films ambitieux, d’un univers et d’un propos pourtant très différents.
Le cinéaste britannique a réalisé Tout l’argent du monde selon sa recette habituelle : un scénario intense, une esthétique visuelle très chiadée et un casting béton… Les producteurs savent pourquoi ils peuvent lui accorder des budgets pharaoniques.
A cause de l’importante rallonge financière accordée pour le changement d’un de ses acteurs principaux, Riddley Scott va-t-il parvenir à rentabiliser son dernier opus ?
C’est probable. Tout l’argent du monde a tout pour attirer le spectateur : son scénario, inspiré d’un fait divers qui tint la planète en émoi, son casting, international, et surtout l’incroyable prouesse technique qui présida à sa réalisation.
A peine sorti sur les écrans, Tout l’argent du monde serait déjà en route pour les Oscars. C’est tout dire.
Une phrase
« Dès qu’il (Christopher Plummer) apparaitra à l’écran, vous cesserez immédiatement de vous demander à quoi aurait ressemblé la version avec Kevin Spacey » (critique de The Playlist).
L'auteur
Né le 30 novembre 1937 à South Shields en Grande Bretagne, Ridley Scott est un producteur et réalisateur adulé dans le monde entier.
Sa marque de fabrique ? Les films à grand spectacle et budget y afférant.
Frère ainé du réalisateur aujourd’hui décédé, Tony Scott, avec lequel il fonda, en 1995, la société de production Scott Free Productions, Ridley Scott possède aujourd’hui une filmographie impressionnante. Parmi ses œuvres les plus connues Gladiator (2000), Hannibal (2001), Robin des Bois (2010) ou encore Exodus : Gods and Kings ( 2014 ).
C’est surtout dans le genre spatial-science-fiction qu’il s’est distingué. C’est d’abord Alien qui, en 1979, le révèle au grand public. Suivront, entre autres, en 1982, Blade Runner, devenu un classique de la SF et en 2015, Seul sur Mars, qui sera son plus grand succès.
Multi-récompensé, ce cinéaste prolifique a reçu, en 2003, l’insigne de Knight Bachelor (Chevalier) pour services rendus au cinéma britannique. Il est ainsi devenu Sir Ridley Scott.
Et aussi
1 « L’ECHANGE DES PRINCESSES » DE MARC DUGAIN
Nous sommes en 1721. Le roi Louis XV, qui n’a alors que onze ans, est encore placé sous l’autorité du Régent Philippe d’Orléans. Pour que l’enfant, déjà fragilisé par une série de deuils personnels, puisse gouverner un pays enfin pacifié après des années de guerres meurtrières et ruineuses, le Régent décide de le marier à une infante d’Espagne, la petite Anna Maria Victoria, alors âgée de quatre ans. En échange, ce même Régent va proposer sa propre fille au Roi d’Espagne, en vue d’une union avec le fils de ce dernier, Don Luis…
Cet échange de princesses, historiquement vrai, avait été l’objet d’un livre de Chantal Thomas. C’est ce livre dont s’est emparé Marc Dugain.
Dire d’emblée la splendeur des images, qui saisit, dès la première scène, et émerveillera jusqu’à la dernière, un croisement de carrosses dans une campagne désolée, noyée sous une brume de petit matin…
Dire immédiatement après, l’intelligence et l’habileté avec lesquelles Marc Dugain nous fait revivre cet épisode méconnu de l’Histoire de France, qui sous les magnificences de son apparat, va se solder par un effroyable gâchis humain. Le désastre n’épargnera aucun de ses acteurs: la destitution, dans le meilleur des cas, pour les uns; la mort, dans le pire, pour les autres. Marc Dugain relate ce fiasco avec une aisance scénaristique époustouflante. Il va montrer comment des enfants vont ployer, puis se briser, sous leur charge princière, dévoiler aussi comment les compromissions induites par le jeu politique vont amener des adultes à perdre leur âme.
Ce film fascinant et cruel est porté par une distribution de haute volée. D’Anamaria Varttolomei, qui incarne avec tant de vivacité la si indomptable fille du Régent, à Catherine Mouchet qui offre sa douceur humaniste et sa précision aigue à madame de Ventadour, en passant par Andréa Ferreol qui compose une nostalgique et compassionnelle Princesse Palatine, tous les comédiens seraient à citer. Eblouissant !
RECOMMANDATION : EXCELLENT
2 « HEARTSTONE » de GUDMUNDUR ARNAR GUOMUNDSSON
En Islande, dans un village isolé de pêcheurs, deux adolescents, Thor (Baldur Einarsson) et Christian (Bloer Hinriksson), vivent une amitié tourmentée. Ils sont inséparables et pourtant n’ont pas les mêmes aspirations. Le premier voudrait bien conquérir le cœur d’une fille, mais il est desservi par son physique, encore trop proche de celui d’un enfant. Le second, empêtré au contraire dans un corps musculeux et costaud, ne rêve que d’une chose : la réciprocité des sentiments qu’il éprouve pour son copain. Leur été va se dérouler entre disputes et complicité, connivence et incompréhension, cruauté et sentimentalisme…
Heartstone (en français, cœur de pierre) est un film magnifique sur cet âge si ingrat où l’on se cherche, entre abandons et rebellions, souvent sans oser formuler ses désirs, ni assumer qui on pense être vraiment. Son sujet s’accorde magnifiquement à ces paysages d’Islande, à la fois si âpres, si désolés et si rugueux.
Inspiré à son réalisateur par une histoire personnelle, ce film a reçu neuf récompenses aux Edda Awards, l’équivalent Islandais des Césars. C’est dire sa force, sa justesse et l’émotion qu’il suscite.
RECOMMANDATION : EXCELLENT
3 « THE WEDDING PLAN » DE RAMA BURSHTEIN
A trente jours de son mariage, Michal, une jeune femme juive très pratiquante, se retrouve larguée par son fiancé. Le motif est de taille : il ne l’aime pas. L’ex-future épousée ne se démonte pas. Elle va continuer les préparatifs de sa noce, comme si de rien n’était, avec la conviction qu’elle va d’ici le jour J, trouver l’homme de sa vie…
Cette comédie romantique, due à la réalisatrice américano-israélienne Rama Burshtein, et qui paradoxalement se déroule dans un milieu orthodoxe, se regarde comme un conte de fées contemporain. Elle touche d’autant plus qu’elle est portée par une actrice délicieuse, aussi naïve que déterminée, Noa Koler. C’est le premier grand rôle de cette comédienne israélienne au cinéma. Ce ne devrait pas être le dernier.
RECOMMANDATION : BON
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