Toril

Le monde paysan dépeint à travers un thriller, hors clichés et avec panache.
De
Laurent Teyssier
Avec
Vincent Rottiers, Bernard Blancan, Sabrina Ouazani, Tim Seyfi, Karim Leklou, Alexis Michalik
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Dans le Sud de la France, Philippe (Vincent Rottiers) se partage entre deux mondes, l’exploitation agricole familiale et un petit trafic de cannabis qu’il fait pousser, sous serre, à l’abri des regards. Un jour, son père, surendetté (Bernard Blancan), tente de se suicider. Il se rate, mais Philippe, bouleversé, décide de l’aider à sauver son entreprise. Pour trouver rapidement l’argent nécessaire à cette remise à flots, et parce que la culture du cannabis est  mille fois plus rentable que celle des  arbres fruitiers, il s’acoquine avec un gros trafiquant de drogue qui veut installer un vaste réseau de stupéfiants au cœur de la région. Evidemment, quand on met un doigt dans un tel engrenage, il est difficile d’en sortir…

Points forts

- L’ambition de ce film. Laurent Teyssier, qui ne cesse, depuis ses premières réalisations, de « dire » son attachement profond, viscéral même, au monde paysan, souhaitait, pour son premier long métrage, en dénoncer la rudesse, les difficultés économiques, l’isolement et la détresse. Il a choisi de le faire avec panache, à travers un film dont le genre ne suscite pas de  larmoiement, le thriller... Tout à la fièvre que génère un scénario de ce type,  le jeune réalisateur aurait pu se laisser emporter, perdre de vue son objectif premier et privilégier l’intrigue, au détriment de sa toile de fond. Ce n’est pas le cas : il ne dévie jamais. Résultat : on est à la fois captivé par l’histoire de ce garçon qui va se heurter, de plein fouet, au monde de la drogue - un monde très bien décrit -, et profondément ému par ce que le film révèle de la désespérance du milieu agricole.  

- L’interprétation. Une fois encore, Vincent Rottiers fascine dans son rôle de fils « taiseux », volontaire, entêté et pourtant si sensible. Et quelle photogénie ! il impressionne la pellicule comme peu y parviennent !… Bernard Blancan, prix d’interprétation à Cannes en 2006 pour « Indigènes », campe pour sa part, avec un engagement bouleversant, un père sombre, broyé par une vie de labeur et que seul l’amour pour les  légumes et les arbres fruitiers parvient à faire tenir encore debout.

- La beauté des images. Le Midi, la Camargue, les taureaux, les champs d’arbres fruitiers, tout est filmé avec magnificence.

- Le montage. Il est serré, rythmé, mais pas trop, surtout pas « clippé ». Les cinq premières minutes sont éblouissantes de virtuosité avec des plans montés  sur une bande-son qui tient lieu de dialogue. Cette séquence d’ouverture dit tout de l’atmosphère incandescente du film, campe son décor et son enjeu.

Quelques réserves

- Le titre. Certes il claque et situe l’action (le Sud), mais il peut  rester énigmatique pour les spectateurs qui ne savent pas qu’un toril est un enclos où on confine  les taureaux avant les corridas...

- La violence de deux des scènes du film. Pour les cœurs sensibles, elles sont, visuellement, difficilement supportables. Cela dit, ouf ! Comme elles ne durent pas longtemps, elles ne dénaturent pas le propos du film.   

Encore un mot...

Baigné dans  cette lumière du Sud qui peut aveugler et brûler les peaux, « Toril » est un film implacable comme une tragédie antique. Il emporte dès les premiers plans et réussit à tenir le spectateur en haleine jusqu’au bout, grâce à son sujet (le désarroi  du monde agricole), rarement abordé sur le grand écran, grâce à son scénario qui mélange habilement les codes du drame social et ceux du  thriller, grâce à son énergie et sa beauté formelle, grâce aussi à son interprétation. Oui, décidément Vincent Rottiers est un acteur magnifique. Bernard Blancan aussi.

Une phrase

« Pour « Toril », j’ai  pensé à « Le plus sauvage d’entre tous » de Martin Ritt et à « La Nuit nous appartient » de James Gray » - (Laurent Teyssier)

L'auteur

Né dans une famille d’agriculteurs de la région d’Avignon, Laurent Teyssier acquiert le goût du cinéma grâce à son père, un passionné du septième art. Une fois passé un bac technique, il part étudier le cinéma, d’abord à Montpellier, puis à Montréal, au Canada. Après des débuts professionnels  comme cadreur-monteur, il va exercer pendant dix ans la profession de chef-opérateur. C’est en 2009 qu’il s’essaye à la réalisation, avec « 8  et des poussières », un court-métrage qui sera distingué par de nombreux prix en France et à l’étranger, dont, en 2010, le Grand Prix du Jury au Festival Premiers Plans d’Angers, et Le Prix Spécial du Jury Unifrance à Cannes. Il signera ensuite deux autres courts métrages, « Creek Aymes » (2010) et « Beauduc » (2014), avant de se lancer, en 2015 dans le long, avec ce « Toril », dont il cosigne le scénario avec le complice de ses débuts, Guillaume Crosse, originaire pour sa part de Cavaillon. Les deux amis partagent un attachement commun à leur terre d’origine, le Sud, dont ils célèbrent dans ce « Toril », la lumière, la chaleur et l’atmosphère.

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