Sur quel pied danser
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Thème
Débauchée au terme de sa période d’essai dans une grande surface, en quête d’un CDI, Julie (25 ans) répond à l’offre d’emploi de l’usine de chaussures de luxe Couture, sise à Romans. A peine accueillie par la rude Françoise, chef des ouvrières, celles-ci déclenchent un mouvement de grève, inquiètes d’un plan social décidé depuis Paris par l’actionnaire principal, visiblement à l’insu du directeur Félicien Couture, fils du fondateur. Julie se retrouve tiraillée entre devoir de solidarité, volonté de signer son CDI et attirance pour le chauffeur-livreur Samy dont le rêve est, pour sa part, de partir aux USA…
Points forts
- Une vraie comédie musicale, dont les chansons servent l’intrigue et non l’inverse comme souvent avec les musicalsfrançais du spectacle vivant.
- Ce spectacle 100% français démontre la capacité du cinéma hexagonal à traiter du social avec légèreté sans sacrifier le fond.
- Sur la forme, les chorégraphies participent pleinement de l’action comme les paroles éclairent parfaitement les psychologies. La bossa du big boss est un modèle d’intégration de la partie chantée et dansée au récit. Nous sommes bel et bien entre Jacques Demy pour l’élégance (Une chambre en ville version optimiste) et le duo Boublil/Schönberg (Les Misérables) pour la construction musicale et le fond : langage quotidien, un thème musical par personnage, milieu social comme élément à part entière du récit.
- Pour espérée qu’elle soit, la fin positive s’avère finalement plus subversive que “happy end”.
- Au finale, la qualité de l’ensemble est enthousiasmante, abordant, sans jamais être démonstrative, ennuyeuse ou moralisante, le sens à donner au travail, les rapports de force, la réalité économique, la vie, les rêves… et la prise de conscience “politique” (au sens étymologique) d’une jeunesse anxieuse de son avenir. Un vrai feel good movie, quoi !
Quelques réserves
- La comédie musicale a ses réfractaires viscéraux que nous ne tenterons pas de convaincre.
- Elle risque d’être comparée aux chefs d’œuvres du genre, notamment US. Ce serait une injustice. Elle ne vise pas la même catégorie...
- La chorégraphie est un peu répétitive, notamment lorsqu’elle accompagne les moments de déplacement.
- Les paroles sont en français, donc compréhensibles. Or le fait qu’elles s’inscrivent dans le film (et non comme une création indépendante) peut parfois surprendre par leur enchaînement, leur thème et leur vocabulaire très réaliste. N’oublions pas, alors, que le charme des CM étrangères repose souvent sur notre compréhension nulle ou approximative de la langue pratiquée et que la lecture des sous-titres distancie le spectateur du texte de la chanson, rendant anecdotique le sens des paroles. Aussi, avant de juger celles du film de Calori et Testut, nous invitons les spectateurs à traduire une chanson d’un des modèles du genre tel Chantons sous la pluie ou My Fair Lady et à chanter dessus. Ils découvriront que les paroles de Sur quel pied danser n’ont pas de quoi faire honte à leurs auteurs.
Encore un mot...
“Nous ne prétendons en aucun cas exposer un modèle clé-en-main pour sauver une usine menacée de délocalisation. Les délocalisations sont souvent des drames pour tous les acteurs concernés, et il ne faut pas interpréter le ton fantaisiste du film comme une désinvolture de notre part. Nous ne sommes pas là pour donner des solutions, mais pour raconter une histoire particulière avec des personnages particuliers.” Les réalisateurs.
Sans forcer le trait, leur “solution” rappelle finement l’expérience des Lip hier et celle, toujours d’actualité, des ouvrières de chezPilpa (marque devenue La Belle Aude) à Carcassonne, qui ont relancé leur usine de glaces après le départ de l’actionnaire américain et dont la réussite a fait passer leur effectif de 15 personnes à 40, ainsi que l’expose le très beau documentaire de Gilles Perez Nous ouvriers (2016), diffusé récemment sur FR3 et disponible en DVD.
Une phrase
“Ce n’est jamais un travail qu’on te propose, mais un job”. Julie.
L'auteur
- Paul Calori : né le 28 août 1978, il étudie les Lettres et le cinéma à l’Ecole Normale Supérieure de Paris de 1999 à 2001 puis intègre le département réalisation de la Fémis en 2002. Il crée et dirige la galerie l’Œil du Vingtième en 2012.
- Kostia Testut : élevé entre Paris, Dakar et Arcueil, diplômé d’une maîtrise de sciences de l’information à l’Université Sorbonne-Nouvelle Paris-III, il poursuit ses études à la Fémis, au sein du département scénario dont il sort diplômé en 2006. Son tuteur de dernière année n’est autre que Jean-Claude Carrière ! En 2012, il obtient son CAP de projectionniste. Engagé au Cinéma Le Brady (Paris X), il y reste près de 3 ans.
En 2007, alors qu’ils sont tous deux à la Fémis, Paul Calori et Kostia Testut écrivent et réalisent Le silence des machinesproduit par Arte et sélectionné au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand.
Sur quel pied danser en reprend l’intrigue et la forme musicale, devenant leur premier long-métrage, lequel fait les honneurs de la 30e édition du Festival du film de Cabourg en 2016.
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