SUR LES CHEMINS NOIRS

Adapter pour le cinéma un livre composé des « carnets » d’une traversée de la France à pied par un écrivain voyageur…le pari était osé. Il est réussi !
De
Denis Imbert
Avec
Jean Dujardin, Joséphine Japy, Izïa Higelin, Anny Duperey…
Notre recommandation
4/5

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Thème

Un soir d’ivresse en août 2014, Pierre, écrivain explorateur (Jean Dujardin) chute de plusieurs mètres en escaladant la façade d’un chalet à Chamonix. Cet accident le plonge dans le coma. Sur son lit d’hôpital, revenu à la vie, il se fait la promesse - malgré son corps cassé en plusieurs endroits et son visage paralysé - de traverser la France à pied, dès que possible, du Mercantour au Cotentin. Il espère que la nature qui l’inspire et l’apaise depuis toujours, lui permettra de se « retrouver ». A peine un an plus tard, bien qu’encore très amoché, il se met en marche. Son périple  de plus de 1300 km durera trois mois (d’août à novembre 2015). Ce voyage unique et hors du temps, qu’il consigne dans un carnet de bord intitulé Sur les Chemins noirs, va lui permettre d’aller à la rencontre de l’hyper-ruralité, de la beauté de la France et de sa renaissance, physique et morale.

Points forts

  • Quand il lit Sur les Chemins noirs de Sylvain Tesson, Denis Imbert est en « jachère », autrement dit, entre deux films. Touché par ce récit, fatigué par les trépidations de la vie urbaine, aspirant au calme de la nature, il décide d’adapter ce récit pour le cinéma. Principal écueil de  l’entreprise: comment « donner à voir », au plus grand nombre, un récit introspectif ? Mais  le cinéaste, qui vient du théâtre, a le sens du collectif  et du partage. En accord avec Sylvain Tesson, et avec la collaboration de Diastème, il décide de concevoir son film comme une « conversation entre un visage et un paysage »
  • Pour « éprouver » les sensations de l’écrivain-marcheur, le réalisateur part d’abord « repérer le parcours ». En voiture évidemment, mais aussi beaucoup à pied pour éprouver la difficulté du challenge, le bonheur des rencontres, la douceur du bivouac. En quelque sorte, il met ses pas dans ceux de Tesson. Toutes les scènes de son film seront réécrites en fonction de cette expérience préparatoire et des rencontres qu’elle a suscitées.
  • Il décide aussi de cadrer lui-même, car « sur un film comme ça, si l’on n’est pas proche avec la caméra de son acteur, il y a des choses qu’on ne peut pas lui dire, lui insuffler ». 
  • Au moment de choisir le comédien qui sera Pierre (l’écrivain voyageur du scénario), Jean Dujardin, qui a eu vent du projet et est un fervent amateur de randonnées pédestres, propose d’interpréter le romancier. Banco !  Sous son sac à dos, cramponné à ses bâtons de marche,  le comédien est extraordinaire, jouant « minimaliste » pour être au plus près  de ce récit, dit-il  « filmé à l’os ».

Quelques réserves

D’aucuns pourront peut-être objecter que le texte de Sylvain Tesson, dit en voix-off par Jean Dujardin, « sonne » par moments un peu trop « littéraire »…Ceux qui aiment l’écriture de Tesson balaieront cette remarque, seront au contraire comblés...

Encore un mot...

Porter à l’écran le récit de Sylvain Tesson, à la fois introspectif, philosophique et contemplatif  n’était pas facile. Mais Denis Imbert qui aime à la fois les mots et les images, les humains et la nature, le silence et le plaisir des belles conversations, et aussi (comme tout vrai cinéaste ), les challenges, a su mener son film avec maestria. Ce que Sylvain Tesson écrit de sa plume si concise, et si admirative sur les bienfaits, physiques et mentaux, que lui procure la marche en solitaire dans des régions peu arpentées, le réalisateur l’a traduit en images.

Pas d’effets mirobolants comme on en voit parfois sur le grand écran, mais la beauté des paysages traversés par le « marcheur »  toujours montrée du point de vue de ce dernier. Sans triche. C’est à la fois brut, magnifique, puissant  et… épuisant. Car la caméra de Denis Imbert ne quitte jamais le promeneur solitaire, qui cherche sa rédemption dans la beauté et dans l’effort qu’il faut produire pour aller la chercher. « Tu me tues, tu me fais du bien » avait écrit Marguerite Duras pour Hiroshima mon amour. Le contexte n’est pas le même, mais cette phrase de l’auteur de L’Amant éclaire merveilleusement ce film. Un film qui sort sur les écrans après une tournée d’avant-premières triomphales. Sublime et profond.

Une phrase

« L’idée principale est que c’est le personnage qui nous emmène quelque part. On est avec lui. C’est lui qui nous sort d’une séquence et on est toujours de son point de vue. C’est toujours lui qui regarde. Mon obsession était son visage. Je voulais toujours essayer de capter l’âme de l’acteur et du personnage. Dans  un tel environnement, l’expression est simple. Il ne faut pas chercher à créer de la mise en scène. Il faut juste trouver le bon cadre, et laisser faire le paysage » ( Denis Imbert, cinéaste).

L'auteur

C'est sur les planches que tout a commencé pour Denis Imbert, comme comédien au théâtre de la Passerelle, implanté à Limoges, sa ville natale. Sur le plateau, il rencontre notamment Philippe Duclos, puis Filip Forgeau qui vient de fonder « La Compagnie du Désordre. Ayant intégré la troupe, il joue beaucoup en province, mais aussi  au théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis, alors dirigé par Daniel Mesguich. En 1993, Filip Forgeau lui offre un rôle dans son film LIguane.  C‘est le déclic : il décide d’abandonner le métier d’acteur - dans lequel, trop timide et trop introverti, il n’arrive pas à s’épanouir pleinement - et de  se consacrer exclusivement au cinéma ! Pendant de longues années, il sera assistant-réalisateur. Il a trouvé sa voie. De nombreux réalisateurs le demandent, notamment Fabien Onteniente (pour People jet-set 2) , Jean Becker (pour Dialogue avec mon jardinier  et  La tête en friche), et Anne de Pétrini (Il reste du jambon ? ).

A partir de 2011, il co-réalise avec Eric Judor pour Canal+, les douze épisodes de « Platane ». En 2013, il rencontre Victoria Bedos qui est le co-auteur du scénario de La Famille Bélier. C’est un coup de foudre artistique réciproque : ils décident d’écrire en tandem. Après plusieurs tentatives infructueuses,  ils optent pour une auto-fiction autour de Victoria, et l’intitulent Vicky , pseudo sous lequel cette dernière a choisi de chanter en public. Au moment de porter le scénario à l’écran, Denis Imbert décide de passer seul derrière la caméra. Et en tant que réalisateur, il impose que sa co-scénariste (qui n’a encore jamais joué) interprète le rôle-titre.

En 2020,  c’est Mystère, avec Marie Gillain et Vincent Elbaz. Transposé d’une histoire vécue, ce film familial d’aventure connaît un joli succès public. 

Pour son troisième long métrage, Denis Imbert, grand amoureux de la nature, a choisi d’adapter un des best-sellers de Philippe Tesson, qui compte parmi ses  écrivains favoris.

Commentaires

Pierre Four
mar 23/04/2024 - 17:00

Cette histoire est d’abord très personnelle: Tesson , Imbert et Dujardin la font notre un peu malgré nous. Bravo!

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