Spotlight
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Thème
Ceci est une histoire vraie. Au début des années 2000 à Boston, le nouveau patron du « Boston Globe », Marty Baron (Liev Schreiber) décide de secouer la torpeur d’une petite équipe de journalistes d’investigation surnommée Spotlight et dirigée par Walter “Robby” Robinson (Michael Keaton). Baron a l’intuition que le sujet des prêtres pédophiles laissé en jachère par ses prédécesseurs peut intéresser un lectorat à 52% catholique. Les réticences sont fortes dans l’establishment local. Le spectateur va vite s’apercevoir que la Justice et la police ne souhaitent pas affronter l’Eglise. Quant au cardinal Law, l’archevêque de Boston qui finira par être démissionné par Jean-Paul II, il fait barrage de son corps pour que rien ne bouge.
Les journalistes se lancent alors dans une passionnante enquête de police qui va durer plusieurs semaines. Dès le départ, ils se rendent compte que les avocats des deux parties, prêtres et victimes, s’entendent pour indemniser sous la table, au mépris de toute légalité. Ainsi aucune affaire n’arrive au tribunal. Les journalistes ne sont qu’au début de la pelote qu’il vont dérouler jusqu’à l’écœurement : ils découvriront que pas moins de 70 prêtres sont en cause dans ce diocèse, des prêtres qui exercent impunément depuis des années, le cardinal se contentant de les changer de paroisse à chaque « incartade ». Le crime est presque parfait…
Points forts
- L’action va crescendo comme dans un bon thriller – c’est ce qu’on pourrait dire si le sujet n’était pas aussi dramatique. On voit bien que le réalisateur lorgne du côté des « Hommes du Président » pour la réalisation de son film : grande salle de rédaction, reporters surchauffés, hommes de pouvoir traqués. Tout se passe entre une rédaction fébrile, un palais de justice cadenassé, les luxueux salons feutrés du cardinal et les pauvres maisons des victimes qui attendent depuis plus dix ans que justice leur soit rendue. Leurs partisans, membres d’associations d’aides aux victimes, les appellent « les survivants » par opposition à ceux qui se sont suicidés. Ils se croient quelques dizaines et vont découvrir, après la publication de la série d’articles du « Boston Globe », qu’ils sont des centaines en Amérique, des dizaines de milliers de par le monde.
- La force du film est de s’en prendre à un système qui engendre ces crimes pour les couvrir ensuite (notamment l'éducation non mixte et le célibat) et non à des hommes, même si le cardinal Law est fustigé sur la place publique. Un psychiatre américain, qui a suivi depuis longtemps des prêtres coupables, explique aux policiers, pardon aux journalistes, que, parmi les 52 % des prêtres qui ont une relation sexuelle, 7% l’ont avec des enfants. Ceux-là sont des prédateurs : ils choisissent des enfants fragiles, qui par exemple ont perdu un de leur parent, et pour lesquels le prêtre qui va les aider est le représentant de Dieu ; une fois le premier acte commis, les petits n’osent rien dire, et cela peut durer des années.
Quelques réserves
- Thomas Mc Carthy n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour exposer l’enquête de la cellule d’investigation. On a l’impression que le journaliste Mike Rezendes (Mark Ruffalo) va gravir l’Everest ou s’attaquer au monstre du Loch Ness représenté par une Eglise tentaculaire. « Elle a l’éternité pour elle », dit un avocat des victimes.
- Difficile aussi d’éviter le pathos. Chaque rencontre avec des victimes est un chemin de croix pour la journaliste Sacha Pfeiffer (Rachel McAdams), qui pleure en interviewant les « survivants ». Conclusion : un peu de légèreté et d’humour n’auraient pas nui.
Encore un mot...
- C’est en février 2002 que le scandale des abus sexuels commis par des prêtres américains éclate dans le diocèse de Boston grâce ou à cause du « Boston Globe ». Le 13 décembre 2002, le cardinal Law démissionne. En 2004, une étude du John Jay College of Criminal Justice de New York établit à 4400 le nombre de prêtres accusés d’abus sur des mineurs aux Etats-Unis, entre 1950 et 2002.
- Il y a eu plusieurs films et téléfilms sur cette question. Citons « La mala educacion » (2004) de Pedro Almodovar, assez léger sur la question, « Doute » (2008) de Christian Shanley avec Philip Seymour Hoffman dans le rôle du père Brendan Flynn, et « Le silence des Eglises » (2013) d’Edwin Baily avec Robin Renucci dans le rôle du père André Vincy. Et surtout le poignant documentaire américain d’Amy Berg, « Délivrez-nous du mal » (2006), sur l’affaire du père Oliver O’ Grady, auteur de viols sur des dizaines d’enfants, des années 1970 aux années 1990, en Californie, sans qu’aucun membre de l’Eglise intervienne, sinon pour obliger le prêtre à changer de paroisse quand des parents se plaignaient auprès de l'évêque. La réalisatrice a même rencontré le violeur repenti en Irlande, son pays d'origine, après qu’il ait été expulsé des Etats-Unis. C’est « Spotlight » en vrai.
Une phrase
« J’ai grandi dans le catholicisme, si bien que je connais bien l’institution, et que j’ai du respect et de l’admiration pour elle. Dans ce film, il ne s’agit pas d’éreinter l’Eglise, mais de se poser la question de savoir comment un tel phénomène peut se produire. L’Eglise s’est rendue coupable – et continue de le faire dans une certaine mesure – de violence institutionnelle, non seulement en comptant des violeurs d’enfants dans ses rangs, mais en étouffant leurs crimes. Comment ces actes épouvantables ont-ils pu être perpétrés pendant des décennies sans que quiconque ne proteste ? » Tom McCarthy
L'auteur
Figure du cinéma indépendant américain, Ton McCarthy, 49 ans, a poursuivi une triple carrière. Acteur: dans « Good night and good luck », de George Clooney, et dans « Mémoires de nos pères », de Clint Eastwood, parmi d’autres films moins spectaculaires. Scénariste : il a co-écrit « Là haut », film d’animation produit par Pixar et « Le cinquième pouvoir ». Réalisateur : « The station agent » (2003), « The visitor » (2008), « Les Winners » (2011).
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