Sarah Bernhardt, la Divine

Dans le rôle de celle pour laquelle Jean Cocteau inventa le terme de « Monstre Sacré », Sandrine Kiberlain fait des étincelles. César en vue pour la comédienne?…
De
Guillaume Nicloux
Avec
Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Amira Casar, Laurent Stocker (de la Comédie Française)…
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Paris 1915. Atteinte d’une tuberculose osseuse qui lui « dévore » le  genou droit et la menace de septicémie, Sarah Bernhardt, l’actrice française la plus connue et adulée du monde, doit se résoudre à se faire amputer. Alors âgée de 75 ans, elle parvient à en plaisanter et à rassurer les amis qui l’entourent… Bien sûr, la « Divine » s’en sort et revient vivre chez elle. Parmi ses visiteurs, le jeune Sacha Guitry. Il va la faire parler de la liaison qu’elle eut vingt ans plus tôt avec son père Lucien, à une époque où, libre, moderne, talentueuse et extravagante, elle, l’Actrice avec un A majuscule, était au faîte de sa gloire… Elle racontera à Sacha  les sales coups que son père lui avait joués, la poussant par deux fois au suicide.  Sarah la flamboyante avait donc aussi des fragilités….

Points forts

  • La singularité du projet. Même si, assez étonnamment d’ailleurs, il n’y avait encore jamais eu de « biopic » français sur celle qui fut le premier « monstre sacré » du monde et qui, encore aujourd’hui, reste une icône, il était hors de question pour Guillaume Nicloux de retracer sagement sa carrière sur grand écran. Guidé par le scénario de Nathalie Leuthreau, le cinéaste a choisi de dresser un portrait psychologique de la grande Sarah, et ce, à travers deux périodes clés de sa vie : celle de l’acmé de sa carrière (l’année 1896) où elle est au firmament de tout ce qui la compose (son excentricité, sa démesure, sa liberté, sa modernité, son extravagance, son impertinence, mais aussi aussi, soigneusement dissimulées, ses fragilités, …) et celle où, pour ne pas mourir, elle doit se faire amputer d’une jambe, en  jouant les bravaches. Cela suffit ? En tous cas, cela  a suffi à la réinventer…

  • Le choix de l’interprète. Trouver une actrice capable de jouer toutes les facettes de la “Divine” sans pour autant la copier, aurait pu relever de la gageure. Dès le départ du projet, il y a cinq ans, Guillaume Nicloux n’en a vu qu’une : Sandrine Kiberlain. La comédienne a  d’emblée accepté le défi. « Je ne voulais surtout pas imiter Sarah Bernhardt dit-elle. Avec Guillaume Nicloux, on s’est demandé s’il fallait rendre sa vérité en copiant son jeu et ses intonations, ou s’il fallait se l’approprier autrement. On a choisi la deuxième voie : rendre l’émotion et la puissance qu’elle procurait ». Sandrine Kiberlain ne s’est pas trompée. La Sarah Bernhardt qu’elle propose est tout simplement fascinante. Saluons au passage ce petit rire qu’elle a inventé et qui ponctue presque toutes ses répliques  : il semble  exprimer à la fois la folie et l’impertinence gouailleuse de la tragédienne qu’elle (ré) incarne. 

  • La beauté des décors et des costumes. Tout chatoie dans ce film magnifiquement cadré et éclairé (la photo est signée Yves Cape). On ne devine pas qu’il a été tourné en cinq petites semaines avec un budget modeste.

  • La richesse du générique. Il offre parmi la crème des comédiens français, dont Laurent Lafitte (formidable dans son personnage de Lucien Guitry), Pauline Etienne, Laurent Stocker, Grégoire Leprince-Ringuet, Clément Hervieu-Léger, Sébastien Pouderoux…

  • L’énergie musicale du film, offerte par les nombreux compositeurs qui l’accompagnent (Reynaldo Hahn, Ravel, Debussy, Chopin, Schubert)

Quelques réserves

On pourra regretter qu’on voit très peu Sarah Bernhardt dans son rôle d’actrice. 

Encore un mot...

Même s’il n’est pas question à propos de ce long-métrage -visuellement très réussi- de parler de chef-d’oeuvre, au moins pourra-t-on  reconnaître à son auteur Guillaume Nicloux (Dans la peau  de Blanche Houellebecq) d’avoir réussi à cerner une artiste hors norme, dans sa singularité, ses exigences, ses faiblesses et surtout sa liberté, annonciatrice des révolutions féministes du monde d’aujourd’hui. Comment, en outre, ne pas savoir gré  au cinéaste d’avoir offert à Sandrine Kiberlain un rôle à la mesure de son immense talent. Un rôle qui pourrait -devrait- valoir à la comédienne au moins une nomination aux Césars.

Une phrase

« J’ai toujours un fond d’anarchisme punk qui me conduit à m’intéresser à des figures rebelles et à contre-courant, nourries  au « ni Dieu, ni maître ». Sarah Bernhardt fait partie de ces personnages vampires, capables de vous aspirer par leur présence, leurs exigences, leurs contradictions, leur générosité et leur démesure ».(Guillaume Nicloux, cinéaste)

L'auteur

C’est au théâtre que Guillaume Nicloux, né à Melun en 1966, a débuté. Ayant obtenu une bourse  du Centre National des lettres, il crée sa compagnie, La Troupe, écrit plusieurs pièces de théâtres et met en scène Georges Arnaud, Maurice Pons et Copi…

En 1988, âgé de 22 ans, il démarre un cycle filmique dont les scénarios sont rédigés selon un principe d’écriture automatique.

En 1990, définitivement semble-t-il, happé par le cinéma, il réalise son premier long métrage Les enfants volants. Il tournera  ensuite, à un rythme soutenu, une quinzaine de films avec une prédilection pour le fantastique ( Le Concile de pierreLa tour) et le policier ( Le PoulpeUne affaire privéeCette femme là…). L’année dernière, La Petite, un film avec un Fabrice Luchini aussi sobre qu’émouvant dans un rôle de grand-père, a eu l’honneur  d’ouvrir le Festival du film francophone d’Angoulême. Ce Sarah Bernhardt, la Divine qui sort demain a été choisi cette année pour en faire la clôture. Arrivant  sur les écrans auréolé d’une critique élogieuse, il devrait logiquement être le plus grand succès du cinéaste. A noter aussi que parallèlement ce dernier se fait aussi régulièrement romancier. Parmi ses ouvrages: Zoocity, C’est juste une ballade américaine et Jack Mongoly…

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