Saint Georges
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Thème
Fidèle du saint portant son nom et vivant chez son père en raison de la crise économique, Jorge partage sa vie entre le club de boxe dirigé par ce dernier, son fils Nelson, l’usine dont la fermeture est programmée et l’espoir de reconquérir son ex-femme, Susana, mère de Nelson, qui l’a quitté, lassée par sa soumission à son père et ses manques d’ambition comme d’argent.
Sur ces entrefaites, Nelson lui révèle que Susana a décidé de retourner avec lui en son Brésil natal ainsi qu’avec son nouvel amant Walter.
Outrepassant sa docilité envers son père et le mépris de celui-ci pour Susanna, Jorge offre sa puissance musculaire à un établissement de recouvrement de dettes pour gagner de quoi faire changer d’avis la jeune femme…
Points forts
Le cinéma et la boxe ont toujours fait bon ménage. Il est vrai, le noble Art décline à l’envi esthétique, violence, suspense, magouilles, souffrance et rédemption. Mais ici, donnant sa puissance et sa douloureuse humanité au film, il s’agit moins de pénétrer l’univers de ce sport que celui du boxeur, héros de ce film sombre, tripal et éminemment prenant.
En effet, à travers le parcours de son personnage, Marco Martins brosse un pamphlet politique et sociologique aussi percutant qu’assumé dénonçant les méthodes des sociétés de recouvrement qui usaient de tous les moyens pour récupérer les créances dues aux banques, aux temps où la Troïka (Banque et Commission européenne et FMI) avait mis le Portugal sous tutelle (2010 à 2014).
Avec ses 20 kilos pris exprès pour le rôle, sa “gueule” et son personnage quasi mutique rappelant à la fois le De Niro interprète de Jake LaMotta dans le magnifiqueRaging Bull de Scorcese (1980) et Lino Ventura tout juste descendu des rings, Nuno Lopes campe un boxeur en tout point massif, impressionnant, qu’on croirait sorti d’une tragédie antique et qui va découvrir, au fil de ses missions, que les coups portés par la finance sont autrement plus lourds que ceux échangés lors d’un combat.
Avec ses lieux clos étouffants, sa ville sublimée par les images, le plus souvent de nuit à la façon d’un thriller, sa bande sonore nourrie de bruits quotidiens (voitures, cris, paroles, musiques liées, intégrées aux décors etc) en lieu et place des airs souvent jazzy des grands films du genre, le réalisateur crée une ambiance crépusculaire d’un esthétisme achevé.
Le mélange acteurs professionnels et amateurs est absolument parfait.
Et l’ambivalence de la fin laisse chacun libre de s’inventer l’avenir : triomphe de l’amour ou fuite de Jorge conscient que ses employeurs le rattraperont ?
Quelques réserves
Les spectateurs qu’indisposent les allusions, voire condamnations, d’une société prédominée par l’argent au détriment de l’humain, ainsi que le climat pesant, voire misérabiliste, imprégnant un film alors qu’on souhaite se divertir éviteront ce spectacle édifiant et réaliste.
Encore un mot...
Il aura fallu cinq années au réalisateur et à son scénariste pour accoucher (en pleine et entière acception métaphorique) de ce film fort, sans manières sur une époque dramatique et brutale qui ne toucha pas, c’est le moins qu’on puisse dire, le seul Portugal. L’encart final sur la situation actuelle des banques de recouvrement depuis la fin de la mise sous tutelle fait froid dans le dos et laisse à réfléchir.
Une phrase
“Les hommes ne mangent pas les hommes”. (Jorge)
L'auteur
Malgré nos recherches nous n’avons trouvé aucun élément probant sur ce Marco Martins. Nous nous contenterons donc de ces quelques précisions : né à Lisbonne en 1972, il suit des cours à New York et travaille avec, entre autres et - pardonnez du peu !- Wim Wenders, Pedro Costa et Manoel de Oliveira.
Après plusieurs courts métrages et documentaires, il réalise en 2005 Alice, son premier long métrage présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.
Saint Georges est son quatrième film de fiction en long-métrage.
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