Retour à Montauk
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Thème
Ecrivain, Max Zorn raconte (face public et spectateurs) l’agonie de son père et insiste sur l’importance d’agir en justesse avec sa vérité tant qu’il est temps. En fait, il lit un extrait de son dernier roman : l’histoire d’un échec amoureux, voici 17 ans. Prétendument fictif, ce dernier est en réalité autobiographique et Max manifeste la profonde nostalgie qui ne le quitte plus depuis. Alors qu’il se rend à une soirée avec sa compagne Clara et son attachée de presse Lindsey, il retrouve Walter, mécène et vieil ami d’enfance qui l’a initié à la littérature. Walter lui parle d’une certaine Rebecca, ex amie commune devenue avocate riche et réputée. Pour Max, cette dernière est surtout cette femme qu’il regrette d’avoir quittée. Grâce à son assistante Lindsey, il parvient à remonter jusqu’à elle. Non sans difficultés, il finit par obtenir d’elle de passer ensemble le samedi à Montauk, station balnéaire à 130 km de New York, liée à leur passé…
Points forts
“Qui es-tu ?” demandent Clara et Rebecca à Max en des situations et des moments différents. “Qu’attends-tu de moi ?” insiste même Clara. Ces interrogations, d’une apparente banalité, nourrissent le fond de cette histoire romantique en diable, nostalgique sans être désespérée, aboutissant, comme il se doit, au constat que nous sommes des solitudes, jouets du temps et des souvenirs.
Le quasi octogénaire allemand aboutit à cette conclusion en parcourant avec une subtilité et une délicatesse éblouissantes le fil d’Ariane qui longe ce labyrinthe que forment le corps, le cerveau et le cœur où naissent et se construisent nos souvenirs affectifs. Et c’est en tout point une leçon.
Ici tout se joue dans les gestes. On retiendra, par exemple, ce moment où, à Montauk, alors que se noue la décision finale, la douceur désespérée avec laquelle Rebecca (magnifique Nina Hoss) caresse la joue de Max (puissant Skasgard) de ses doigts émergeant de la manche de son pull en laine blanc. Un sublime instant de sensualité.
Dans cette trame opposant (rapprochant ?) un ténor de l’écrit et une virtuose du verbe, chacun accepte de vivre et redonner vie à ce qu’il sait par avance devoir échouer. Non pour se mentir ou se jouer de l’autre. Mais, reprenant l’ouverture du film, pour trouver “sa” vérité à partir du lien unissant ou séparant les mots et les actes, l’envie d’y croire et le constat de l’impossible, la part de la vaine nostalgie et de l’irrépressible désir. Bref, pour essayer d’être (enfin) authentique. Et la magie opère : peu à peu le récit se fait pénétrant, édifiant et finalement bouleversant.
Si nous avons cité deux comédiens, c’est l’ensemble des acteurs qui est à louer, y compris Nils Ariestrup dans son second rôle d’ami et de collectionneur pervers.
Et, last but not least, tout en se laissant étourdir par le vent omniprésent qui emporte mots et illusions, on admirera l’opposition entre les couleurs factices mais esthétiques de la vivante nuit new yorkaise et les blancs et bleus froids de la plage du souvenir perdu.
Quelques réserves
Un point faible qui révèle son entière qualité : ce film bouleverse d’autant plus intensément qu’on a vécu et peuplé sa vie de fantômes aimés, d’amours ratées, d’espérance de pouvoir recommencer…
Encore un mot...
Fidèle à lui-même, Volker Schlöndorff réussit ici la parfaite synthèse du film tout public alliant exigence de la réalisation et confiance en le spectateur. Plutôt qu’une ligne narrative et explicative qui le prendrait par la main, il l’invite à ouvrir grand les yeux et les oreilles et à décrypter par lui-même ce que chaque mouvement et chaque mot révèle et cache. De plus, loin de se contenter de jouer sur la nostalgie de l’échec amoureux en entremêlant fiction et réalité comme c’est souvent le cas dans ce genre de film, Barbet Schröder tisse une vérité globale en conjuguant la fiction écrite par le héros, la demi fiction née des réalités qu’il y a incluses, la réalité “réelle” de ce que les personnages sont devenus et la réalité à laquelle chacun aspire. Bref, si ce film d’une profonde humanité n’est pas encore un testament, il est déjà un bilan aussi bouleversant que largement positif.
Une phrase
“Il y a les actes qu’on a faits et qui ne s’effacent plus et ceux qu’on aurait dû faire, qu’on n’a pas faits et qu’on regrette”. (Max)
L'auteur
Né le 31 mars 1939 à Wiesbaden (Allemagne), Volker Schlöndorff, incontournable rénovateur du cinéma allemand des années 60 et 70 à l’instar d’un Reiner Werner Fassbinder, ardent défenseur du cinéma d’auteur européen, s’installe, adolescent, avec ses parents à Vannes (France). Elève au lycée Henri IV de Paris, il obtient le premier prix de philosophie du concours général puis sort diplômé de l’IDHEC et devient l’assistant d’Alain Resnais, Jean-Pierre Melville et Louis Malle, excusez du peu !
En 1971, il épouse l’actrice et réalisatrice Margarethe von Trotta (ils divorceront en 1991) avec qui il coréalise L’Honneur perdu de Katharina Blum en 1975, d’après le roman du prix Nobel de littérature allemand Heinrich Böll, féroce critique de l’Allemagne de l’époque.
Homme engagé, il tourne ensuite un documentaire sur la bande à Baader, de sinistre mémoire. Mais la consécration internationale, il la doit au triomphe planétaire de Le Tambour, adapté de l’autre Nobel allemand de littérature, Günter Grass, qui relate l’histoire d’un enfant refusant, à l’âge de 3 ans, de continuer à grandir sous l’Allemagne nazie. Le film obtient la palme d’or à Cannes en 1979.
Nous laisserons le soin au lecteur d’aller consulter la liste impressionnante et exemplaire des oeuvres de ce réalisateur sur les sites spécialisés depuis Les désarrois de l’élève Törless (1966) à ce Retour à Montauk via La mort d’un commis voyageur en 1985 (avec Dustin Hoffmann) etDiplomatie en 2014 (avec André Dussolier et Niels Ariestrup, déjà interprètes de la pièce de théâtre éponyme qu’il a adaptée).
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