Quand vient l’automne

Un film provincial, délicieusement « chabrolien », porté par deux actrices à l’automne de leur vie … Vénéneux et flamboyant…
De
François Ozon
Mise en scène
Hélène Vincent, Josiane Balasko, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin, Sophie Guillemin…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Dans un petit village de Bourgogne, Michelle, une grand-mère en apparence bien sous tous rapports (Hélène Vincent) vit paisiblement sa  retraite, pas très loin de chez Marie-Claude, sa meilleure amie (Josiane Balasko). A la Toussaint, sa fille, Valérie (Ludivine Sagnier) débarque chez elle pour lui confier son fils Lucas  le temps des vacances. On va vite s’apercevoir que la mère et la fille ne s’entendent pas. Un déjeuner tourne mal. Michelle a servi des champignons qu’elle avait cueillis. Ils se révèlent toxiques, Valérie est emmenée à l’hôpital, la police déclenche une enquête : Michelle a -t-elle voulu empoisonner sa fille? Dans la maison de Marie-Claude, c’est un malaise d’un tout autre genre qui s’installe. Après de longs mois de prison, Vincent, le fils de Marie-Claude, a été libéré. Est-ce un ange ou un démon? Le jeune homme va subrepticement s’immiscer dans la vie de Michelle et de Valérie. Pour y faire quoi? Y découvrir quoi ?  

Points forts

  • L’intrigue : pendant les premières minutes elle paraît simple et claire, mais plus le film avance, plus, entre dévoilements et non-dits des  personnages, elle se complexifie, avec ce résultat  très « ozonien » de brouiller les pistes. Ce qui a démarré comme une comédie familiale vire au thriller, avec son lot de suspense et de rebondissements. L’ombre de Chabrol se profile, celle de  Simenon aussi.

  • La facture du film. Visuellement, Quand vient l’automne est un régal  : sa photo est magnifique ; sa mise en scène, d’une élégante simplicité, et son rythme, calme et mesuré,  comme calqué sur celui des pas des deux héroïnes, Michelle et Marie-Claude, deux grands-mères touchantes au passé pas si limpide que ça.

  • Le casting. Comme d’habitude avec le cinéaste de Huit femmes et de Potiche, il est parfait. Hélène Vincent exprime à la fois la dureté et l’humanité tendre de Michelle ; Josiane Balasko incarne avec une vérité bouleversante la culpabilité qui ronge Marie-Claude. A la fois écorché vif et inquiétant, Pierre Lottin  donne toute l’ambiguïté et la duplicité de Vincent. Quant à Ludivine Sagnier qu’on n’avait pas vue depuis 20 ans dans un film du cinéaste (Swimming pool), à la fois fragile et agressive, elle est sensationnelle dans son personnage de Valérie.

Quelques réserves

Dommage que l’ambiguïté des personnages, malicieusement  entretenue par l’écriture d’un scénario basé sur le non-dit, ne soit pas levée :  on sort du film, pourtant si subtil, avec une légère impression d’inachevé.  

Encore un mot...

Incroyable François Ozon ! On l’avait  quitté  au printemps 2023 sur une comédie policière très théâtralisée, menée tambour battant par deux actrices dans l’éclat du printemps de leur vie (Mon Crime, avec Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz) et on le retrouve, cet automne,  avec un thriller provincial réaliste, porté par deux actrices au déclin de la leur ! Bien que différents d’inspiration, de style et d’époque, ces deux films ont un point commun : ils sont construits autour de figures  de femmes. En cette époque #MeToo, opportuniste, François Ozon ? Ce serait méconnaître ce réalisateur éclectique qui depuis les années 2000  (Sous le sable, Huit femmes…) ne cesse de filmer les femmes de tous âges  et dans leur infinie complexité. Devant sa caméra, elles sont passionnantes, parfois même, jusque dans leur noirceur. Dans ce film d’une réalisation très soignée, elles flamboient sous ses couleurs automnales, et elles sont magnifiques, d’humanité et de mystère, servant ainsi admirablement une intrigue tout en étrangetés et faux-semblants.  

Une phrase

« J’ai eu envie de filmer des actrices de 70 et 80 ans qui portent leur âge et l’assument sans artifice. J’ai beaucoup repensé à Sous le Sable, quand je m’apprêtais à tourner avec Charlotte Rampling- qui n’avait alors que 50 ans- et que tout le monde me disait déjà : « Elle est trop vieille, ça n’intéressera personne! ».

(François Ozon, réalisateur).

L'auteur

Est-ce en réaction à la rigueur de sa stricte éducation catholique ? En tous cas, François Ozon est devenu l’un des cinéastes français les plus turbulents et les plus subversifs. Rien ne semble plus l’amuser que de bousculer les normes sociales et familiales. Autre particularité de cet ancien de la FEMIS, nommé six fois aux Césars du meilleur film et du meilleur réalisateur (sans jamais en remporter un) : il n’est pas du genre à repasser dans le même sillon. De Sitcom (1998)  à Tout s’est bien passé (2012), en passant notamment par Huit femmes (2001), Potiche (2010), Grâce à Dieu (2018), et Mon crime (2023), tous ses films surprennent par leur diversité.  Leurs points communs ? Ils alternent réalisme et artifices et jouent le plus souvent sur la confusion du vrai et du faux. En outre, presque toujours  truffés de citations visuelles (de Godard à Chabrol, en passant par Visconti, Almodovar, Billy Wilder, etc.), ils témoignent de l’incollable « cinéphilie » de leur  auteur Quand vient l’automne sort ce jour sur les écrans… Mais l’infatigable et prolifique  François Ozon  (23 films  en 25 ans de carrière) est déjà en train de mijoter son prochain film. Évidemment, dans le plus grand secret.

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