Personal Shopper
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Thème
Une jeune Américaine, Maureen (Kristen Stewart), vient séjourner à Paris dans un but précis : entrer en contact avec son frère jumeau, décédé. Atteints tous deux d’une malformation cardiaque, ils s’étaient promis que le premier qui mourrait ferait un signe au survivant. Voilà pourquoi Maureen est aux aguets tout en sillonnant Paris et ses boutiques de mode pour alimenter la garde robe d’une star. Pour financer son séjour, elle est en effet « personal shopper ». Elle va tenter une expérience. Elle qui se dit médium et reçoit d’étranges messages sur son portable va habiter la demeure isolée où son frère a vécu. Frissons garantis.
Points forts
En général, c’est plutôt le cinéma américain qui fait surgir les fantômes sur grand écran, soit sur le mode burlesque, soit dans une veine spiritualiste et humaniste, l’histoire du compagnon ou de la compagne qui veut rester encore un moment auprès du vivant meurtri par le deuil. Les Américains n’ont pas nos préventions cartésiennes quand ils évoquent l’au-delà. Assayas serait plutôt dans cette seconde catégorie, spiritualiste, et pendant une partie du film, on trouve le pari gonflé d’évoquer ainsi le monde des disparus comme s’il était admis sans discussion que l’au-delà existe. C’est sans doute ce qui a dérouté le public cannois, volontiers mécréant, qui a sifflé ce film en mai dernier, ce qui n’a pas empêché Assayas d’obtenir le prix de la mise en scène.
En fait, ceci dit à l’attention des cinéphiles sourcilleux, Assayas a tenté et réussi un film de genre. Mais c’est un peu dommage de placer dans une catégorie restrictive un long métrage qui convoque entre autre un Victor Hugo addict aux tables tournantes, parce que, comme l’héroïne de « Personal shopper », il ne se résolvait pas à la disparition de sa fille chérie. Car ce qui sous-tend ce film, c’est notre rapport à la mort, grand mystère que l’homme doit affronter, chacun à son tour. Le film aurait pu d’ailleurs s’appeler « Les vivants et les morts », si le titre n’avait pas déjà été pris.
Enfin il y a la belle Kristen Stewart déjà bien présente dans le film précédent d’Assayas, « Sills Maria », pour lequel elle avait obtenu en 2015 le César du meilleur second rôle féminin. Grâce au cinéaste français, elle a donc échappé aux vampires de la série « Twilight » pour plonger dans une histoire qui a été écrite, selon ce qu’en dit Assayas, en pensant à elle dans le rôle d’une jeune fille triste absolument décalée dans le monde très superficiel de la mode parisienne.
Quelques réserves
Ce film déconcertera dans un premier temps les esprits forts et rationnels. On leur conseille alors, s’ils se déplacent pour le voir, d’aller jusqu’au bout car la clé se trouve à la dernière image où le réel reprend ses droits, ce qui n’est pas plus mal, mais décevra peut-être les partisans de l’au-delà…
Les détracteurs ont déploré que l’intrigue soit faible voire squelettique, réduite au soi-disant dialogue entre la vivante et le mort. Ce n’est pas notre sentiment car Assayas distille de la curiosité pour son histoire. Mais la critique est recevable.
Encore un mot...
Le saviez-vous ? La vogue des tables tournantes, venue des États-Unis, est arrivée en France au début des années 1850. C’est l’écrivaine Delphine de Girardin qui initie Victor Hugo au spiritisme. Dans la soirée du 11 septembre 1853, sa fille Léopoldine, morte noyée plusieurs années auparavant, se manifeste lors d’une séance. Impressionné, le poète dialoguera ensuite avec les grands esprits du passé, d’égal à égal en quelque sorte. Les minutes de ces dialogues ont été recueillies dans un ouvrage que Victor Hugo a choisi de ne pas publier de son vivant, « Le Livre des tables » (collection Folio classique). On y retrouve l’esprit grandiose du poète.
Le film d’Assayas fait également allusion à Hilma af Klint (1862-1944), médium et pionnière de l’art abstrait redécouverte dans les années 1980 et pleinement reconnue à travers une vaste rétrospective du Musée d’Art Moderne de Stockholm en 2013.
« Personal Shopper » nous emporte ainsi loin de notre quotidien plus ou moins prosaïque.
Une phrase
- « Dans le cinéma américain, des acteurs de la notoriété de Kristen Stewart se retrouvent dans des films où, même pour un simple gros plan, il y a dix-huit camions, une rue entièrement bloquée, des types qui aboient dans tous les sens dans leur talkie-walkie ». Olivier Assayas
- « C’est une expérience unique pour une actrice américaine de se retrouver intégrée dans l’univers des films d’auteur français. Aux Etats-Unis, le cinéma comme art n’occupe qu’une toute petite place dans l’industrie. En France, il y a la volonté de prendre des risques ». Kristen Stewart
L'auteur
Titulaire d’une licence et d’une maîtrise de Lettres modernes, ancien critique aux « Cahiers du cinéma », Olivier Assayas, 61 ans, est le plus littéraire des cinéastes français, après la disparition d’Eric Rohmer et de Jacques Rivette. Il a d’ailleurs adapté au cinéma le roman de Jacques Chardonne, « Les Destinées sentimentales », sorti en 2000, pour en faire un grand film romanesque à la manière d’un « Autant en emporte le vent », avec Emmanuelle Béart et Charles Berling. Dans cette veine qui est celle d’une saga familiale française, on citera aussi « L’heure d’été » (2007), avec Juliette Binoche, sorte de douce et discrète chronique nostalgique sur la vie qui passe (« Ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui passons », écrit François Weyergans dans « Trois jours chez ma mère).
Intelligent et éclectique, Assayas peut aussi bien faire un film sur la drogue comme « Clean » (2004) ou sur les vampires et le Kung Fu comme « Irma Vep » (1996).
Il a aussi réalisé pour Canal + un feuilleton sur le terroriste Carlos, qui est sorti en 2010 en version raccourci au cinéma, 2 h 20 tout de même, sous le titre « Le prix du chacal ».
En 2014, on avait pu voir le superbe « Sills Maria », avec Juliette Binoche et, déjà, Kristen Stewart.
« Personal schopper », son nouveau film, il l’a écrit spécialement pour la jeune actrice américaine, ravie de quitter les vampires de « Twilight » et ses six chapitres, « Fascination, « Tentation », « Hésitation », « Révélation » 1 et 2, pour se frotter pour la deuxième fois au cinéma d’auteur français.
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