Perfect days
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Thème
Hirayama, la cinquantaine avancée (Koji Yakusho), travaille à l’entretien des toilettes publiques de Shibuya, un des quartiers chics de Tokyo. Taiseux et solitaire, il semble se satisfaire de ce métier simple et répétitif, qu’il exerce dans le silence, avec une dignité jamais prise en défaut, une grande méticulosité et une admirable équanimité.
En dehors de le suivre dans sa routine quotidienne très millimétrée, qui lui fait sillonner les rues (impeccables) de la capitale japonaise, on va le voir s’adonner à sa passion pour la musique (surtout des « tubes » japonais ou anglo-saxons des années 70 dont Perfect Day de Lou Reed, qu’il écoute sur des cassettes hors d’âge), les livres et les arbres, qu’il ne se lasse pas de prendre en photo avec son vieil Olympus. Ce quotidien tranquille, qu’il partage parfois, dans ses heures de travail avec un collègue, pour sa part très bavard, ne sera troublé que le jour où sa nièce, en fugue, va débarquer chez lui et vouloir l’accompagner dans son quotidien, faisant ressurgir son passé…
Points forts
- Il fallait sans doute être Wim Wenders pour imaginer bâtir un film de fiction à partir de la proposition assez saugrenue que lui soumettait la ville de Tokyo : le tournage d’une série de courts-métrages (15 à 20 minutes chacun) sur les toilettes publiques de la ville. Toilettes certes conçues, par de grands architectes ou de designers du même acabit, mais quand même ! Quand il reçut cette offre, le cinéaste, qui rêvait de retourner au Japon, a tout de suite écarté l’idée de courts métrages - qui n’ont jamais fait partie de son vocabulaire - et il suggéra aux autorités tokyoïtes de se lancer dans un long métrage bâti autour d’un personnage qui permettrait de comprendre l’essence de la culture japonaise dans laquelle les toilettes (on y revenait!) occupent une place tout à fait différente de celle qu’on leur donne dans notre culture occidentale. Fort de l’aval japonais, le réalisateur prit l’avion pour Tokyo, rencontra Koji Yakusho, l’acteur dont il rêvait pour être l’antihéros de son film (et qui finalement le jouera) et, dans la foulée, proposa à Takuma Takasaki de co-écrire avec lui le scénario.
- Une des grandes forces du film est d’avoir fait de son personnage pivot un homme simple, taiseux et contemplatif, quelqu’un qui intrigue par son amour de la répétition, qui fascine par cette faculté qu’il a de trouver du beau et du bonheur dans les choses les plus simples et les plus naturelles (le soleil, l’ombre, la nature, la propreté, la douche quotidienne, etc..). Évidemment le rythme du film se calque sur celui de cet homme. Il est calme, paisible, sans à-coup. Ce qui laisse au spectateur le temps d’en absorber la beauté formelle et celle plus intime, plus intérieure du personnage principal.
- Et puis, il y a, enfin, l’interprétation à la fois rayonnante, modeste et intériorisée de Koji Yakusho. Sans aucun effet et presque aucun dialogue, ce grand acteur japonais hypnotise le spectateur par la précision tranquille de sa gestuelle et la faculté de son visage à pouvoir exprimer toutes les émotions.
Quelques réserves
A peine une minuscule baisse de régime dans les trente dernières minutes de ce film qui en compte quand même…cent-quarante-six !
Encore un mot...
L’histoire d’amour cinématographique de Wim Wenders pour le Japon ne date pas d’hier. Elle avait débuté en 1985 avec le tournage de Tokyo-Ga, un documentaire que le cinéaste allemand avait tourné en hommage à son immense confrère, le japonais Yasujiro Ozu. Perfect days qui sort aujourd’hui sur les écrans, est comme l’aboutissement magnifique de cette histoire. Bien que contemplatif et dépouillé à l’extrême, il est pourtant, paradoxalement, l’un des films les plus magnétiques de Wenders. La magie « zen » opère à fond. Le charme souriant et charismatique du principal interprète de ce récit aux allures de (calme) road-movie urbain, Koji Yakusho (Prix d’Interprétation masculine au dernier festival de Cannes), en démultiplie encore les effets.
Une phrase
« La vision de Wim Wenders n’est pas occidentale. Il a dû être japonais dans une vie antérieure. Il a capturé avec justesse et authenticité notre esprit, et surtout, il l’a compris. Il n’arrêtait pas de me poser plein de questions pour vérifier qu’il ne commettait pas d’erreur » ( Koji Yakusho, comédien- Le Journal du Dimanche)
L'auteur
Né à Düsseldorf en 1945, Wim Wenders est considéré comme un des pionniers majeurs du nouveau cinéma allemand dans les années 70. Il est aussi l’une des figures les plus importantes du cinéma contemporain.
Outre ses nombreux longs métrages primés ( L’État des choses, Lion d’or à Venise en 1982; Paris Texas, Palme d’or en 1984 du 37° Festival de Cannes, Les Ailes du désir, Prix de la mise en scène au 40° Festival de Cannes; Si loin, si proche, Grand Prix du Jury au 46° Festival de Cannes,…), son travail en tant que scénariste, réalisateur, producteur, photographe et auteur comprend une multitude de films documentaires novateurs dont Buena Vista Social Club, en 2000 ; Pina, en 2011; Le Sel de la Terre, en 2015 ; Le Pape François- Un homme de parole en 2018 et Anselm, un portrait d’Anselm Kiefer, sorti le 18 octobre dernier.
Perfect days est le 22° film de ce réalisateur éclectique et d’une curiosité insatiable. Longtemps professeur à l’Université des Beaux-arts de Hambourg, le cinéaste, âgé aujourd’hui de 78 ans, anime avec son épouse la Wim Wenders Stiftung, une fondation créée en 2012, qui gère et entretient son œuvre, et aussi, il soutient des jeunes talents dans le domaine de la narration.
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