Paris la Blanche

Une belle histoire d'amour, dans un contexte attachant
De
Lidia Terki
Avec
Tassadit Mandi, Zahir Bouzezar, Karole Rocher, Sebastien Houbani, Dan Herzberg, Marie Denarnaud
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Séparée de Nour, son mari, émigré en France depuis 48 ans, sans nouvelles de lui depuis 4 sinon à travers l’argent qu’il n’a jamais cessé d’envoyer par l’intermédiaire du frère de celle-ci, vivant à Marseille, Rekia (70 ans) quitte sa Kabylie natale pour Paris, afin de le retrouver et de le ramener au pays. 

Hélas, le frère de Rékia n’a plus, lui non plus, d’infos depuis trois ans. A Paris, Rekia apprend que Nour a quitté son foyer de travailleurs du XXème arrondissement sans laisser d’adresse. 

Epuisée, affamée, elle s’écroule dans la rue. Steve, Syrien, vient à son secours et lui présente Tara, qui tient un café. Commence alors une chaîne de solidarité qui va mener Rekia jusqu’à un foyer d’immigrés de la proche banlieue parisienne…

Points forts

Il émane de cette itinérance, sans méchants ni rebondissements factices, un climat éminemment féminin par sa douceur, sa pudeur et la tendresse de son regard envers tous les personnages croisés.  

Au passage, cette touchante histoire d’amour défiant le temps et les lieux nous rappelle sans donner de leçon de morale ce que la France doit à ses immigrés.

Plus subtilement, il oppose aux chantiers qui envahissent et “horizontalisent” l’espace (même si les grues et les tours sont verticales) des valeurs d’amour, de persévérance et de fidélité qui, elles, élèvent l’être humain.

De plus, loin de tout dialogue pompeux, imprégné de pathos ou explicatif, le sentiment passe d’abord par les regards, les sourires, les gestes et le silence. Ainsi, on ne saura rien de ce qui a amené Nour à rester en France mais on comprend pourquoi il ne retournera pas au pays. Pour autant, remplir cette ellipse ne relève pas d’une faiblesse scénaristique mais bien d’une fenêtre laissée ouverte au spectateur qui s’y exercera selon son propre vécu.

Enfin, même si cette quête peut apparaître simpliste, l’humanisme affiché n’empêche pas les allusions à la guerre et aux marchands de sommeil, ce qui rend ce film attachant malgré certaines faiblesses.

Quelques réserves

Le film s’apparente à un conte. C’est sa force et sa limite. Ou on y entre et on en accepte la forme comme le fond …ou il laisse insensible et il paraîtra ennuyeux, lourd d’invraisemblances et de facilités d’écriture, notamment lors de certaines répliques pouvant laisser l’impression d’avoir été écrites à l’emporte-pièce.

Encore un mot...

“Le film parle de cet espoir qu’ont tous ces gens, qui peut être un leurre, parfois un sacrifice qui dure toute une vie. Ces personnes qui quittent leur pays, leur famille, leurs parents, leurs enfants pour aller travailler ailleurs ; je ne pense pas qu’elles le font de gaieté de coeur… Je voulais le dire et aussi raconter une histoire d’amour, en hommage à celle qu’ont partagé mes parents. La mère de Lidia Terki était française et son père Kabyle (ndlr)”. Lidia Terki.

Rajoutons que le thème des chibanis (littéralement “cheveux blancs”), qui désigne la première génération d’immigrés algériens de l’après-guerre, n’a quasiment jamais été traité, ni à la télévision ni au cinéma. Une jolie occasion de faire leur connaissance

Une phrase

- un échange:

        “- La France n’a pas été très propre” (un passager du ferry à Rekia)

        “- Personne n’est propre pendant une guerre” (Rekia au passager).

 - une phrase:

         - “ A ceux qui cherchent l’espoir au-delà des mers” (Dédicace du film).

L'auteur

Venue au grand écran pour avoir découvert à douze ans L’Aventure de Madame Muir, de Mankiewicz, au Cinéma de minuit, Lidia Terki entame des cours de Droit, ses parents ne trouvant pas opportun qu’elle suive des études de cinéma. Elle les interrompt quand elle rencontre Jean Rabasse, alors chef décorateur pour Decouflé ainsi que sur les films de Jeunet et Caro. En effet, le comptable de celui-ci, qui travaille dans la boîte de films institutionnels où elle est commerciale, lui suggère un jour d’aller à Nantes où Agnès Varda tourne Jacquot de Nantes. Lidia Terki a 20 ans, elle lâche tout et devient stagiaire déco. Elle enchaîne divers petits boulots à tous les postes, travaille chez Elzévir Films ne rêvant que d’une chose : réaliser son premier court. 

L’occasion se présente au détour d’un film prévu pour être réalisé en Belgique. En effet, le matériel devant arriver le vendredi et le tournage débuter le lundi, Caroline Adrian, productrice de télévision, l’invite à profiter de ce week-end de latence pour l’utiliser. Et comme ledit tournage aura lieu dans un mois, Lidia Terki use de ce délai pour écrire l’histoire d’une fille agoraphobe qui, coincée sur son balcon, ne sait pas quoi faire de sa vie, ayant peur de sortir. Le film remporte deux prix au festival de Pantin. 

S’ensuit un deuxième court métrage, en Corse et, trois ans plus tard, La Mirador, l’histoire d’une gamine de treize ans fascinée par son frère qui se drogue. 

Paris la Blanche est son premier long-métrage.

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