NOMADLAND
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Thème
A l’approche de sa soixantaine, Fern (Frances McDormand) n’a plus aucune attache. Son mari tant aimé est décédé, elle a perdu son emploi - l'usine où elle travaillait a fermé - et victime de la crise des subprimes, elle n’a pu garder sa maison. Pour survivre, cette battante malgré tout décide de prendre la route à bord de son vieux van - le seul bien qui lui reste - et de traverser l’Amérique espérant pouvoir enchaîner des petits boulots, au hasard de ses étapes. De parkings en campings plantés dans des paysages souvent grandioses, elle va croiser des gens qui ont adopté le même style de vie qu’elle, malgré les périls qu’il implique: le froid, la solitude, le déclassement et la précarité…
Points forts
– Plonger dans une réalité sociale avec une approche documentaire, mais la restituer sous la forme d’une fiction. Pour son troisième film, Chloé Zhao n’a pas voulu déroger à sa façon, unique, d’être une cinéaste. Pour la troisième fois, le résultat est sensationnel, qui offre un regard d’une humanité bouleversante, sur l’Amérique d’aujourd’hui. Une Amérique bien particulière souvent délaissée par le cinéma, qui est celle des laissés-pour-compte et des déclassés. Dans ses deux premiers films, la cinéaste avait posé sa caméra dans une réserve d’Indiens de l’Ouest américain. Une fois encore, c’est le Dakota du Sud qui l’inspire, mais pour ce Nomadland - transposé du livre de Jessica Bruder - elle nous propose de suivre une femme, Fern, à travers toute cette région de l’Amérique profonde.
– Quand le van de Fern roule, des paysages grandioses et d’une grande diversité défilent sous nos yeux, filmés magnifiquement par le compagnon de la réalisatrice, Joshua Richards, un chef op ultra doué. On pense alors à Terence Mallick.
Lorsque ce van s’arrête, c’est le plus souvent pour rencontrer des gens de la communauté des nomades américains. Impossible de rester de marbre face à leur acharnement à refuser de capituler devant la chienlit de leur vie, face aussi à ce réflexe qu’ils ont de ne jamais oublier de se tendre la main, malgré leur misère. Et pour cet aspect-là, si humaniste, du film, Ken Loach n’est pas loin.
- Pour ce nouvel opus, Chloé Zhao n’a pas dérogé à sa façon de faire habituelle, qui est de « travailler »avec des comédiens non professionnels. Elle a juste fait exception pour deux personnages, celui de l’homme qui va essayer, en vain, de re-sédentariser Fern, qu’elle a offert à l’immense David Strathairn, et celui de Fern, qu’elle a confié à Frances McDormand.
- Dire que cette dernière « porte » Nomadland relève de l’euphémisme tant la comédienne, par l’engagement, le naturel et l’authenticité de son jeu, insuffle à ce film une intensité et une poésie extraordinaires. La prestation de l’actrice (épouse, dans la vie de Joël Coen) est si exceptionnelle qu’elle lui a valu de décrocher le troisième Oscar de sa carrière, le premier ayant été obtenu en 1997 pour Fargo de Joël et Ethan Coen, et le deuxième, en 2017 pour 3 Billboards, les panneaux de la vengeance de Martin McDonagh.
Quelques réserves
Je n’en vois aucun.
Encore un mot...
C’est fou le pouvoir qu’ont certains réalisateurs : Il leur suffit de braquer leur caméra sur une seule personne et comme par magie, en arrière plan, c’est toute la classe sociale de cette personne qui est embrassée. Avec ces réalisateurs, le particulier accède à l’universel et c’est ce qui en fait des créateurs uniques.
Dans le monde, ils ne sont pas si nombreux à posséder cette faculté-là, et souvent, il leur a fallu un bon bout de temps et beaucoup d’expérience pour se l’approprier. C’est dire si Chloë Zhao est douée puisqu’en trois films, à 40 ans à peine, elle l’a déjà acquis. En suivant dans Nomadland une sexagénaire, que le malheur a boutée hors de la si sécurisante sédentarité, c’est toute la précarité de cette catégorie de gens - dont l’Amérique prospère n’aime pas trop se revendiquer - qu’elle nous fait toucher du doigt.
Courageux, émouvant, poétique, exsudant l’humanisme à chacun de ses plans, Nomadland a valu à Chloé Zhao d’être la première cinéaste chinoise à recevoir l’Oscar de la réalisation. Une récompense, parmi une pluie d’autres recueillies, à juste titre, dans le monde entier.
Une phrase
« Mon objectif n’était pas de livrer un commentaire social sur ce que le capitalisme américain a de mauvais, cela ne m’intéressait pas… Ce que je voulais c’était entrer dans ce monde et explorer une identité américaine unique, celle du vrai nomade » (Chloé Zhao, réalisatrice).
L'auteur
Née en 1982 dans le Pékin de la Chine communiste, Chloé Zhao s’est installée à New York il y a une quinzaine d’années. Après avoir fait des études de sciences politiques au Mount Holyoke College, puis étudié le cinéma avec Spike Lee à l’Université de New York, elle devient réalisatrice par le court métrage. Elle en tourne quatre dont, en 2010, Daughters, Grand Prix au festival de Palm Springs, avant de se lancer en 2014 dans le long, avec Les Chansons que mes frères m’ont apprises. En 2017, c’est The Rider, qui raconte le retour à la vie d’un jeune cavalier, brusquement privé de sa passion pour le rodéo à cause d’un accident. Pour ce film qu’elle a des difficultés à financer, la jeune cinéaste (qui, depuis ses débuts, écrit et monte ses films) ajoute une autre corde à son arc : elle se fait productrice.
Bien que entièrement tourné avec des comédiens amateurs,The Rider connaît un succès mondial. Le festival de Deauville, notamment, lui décerne son Grand Prix.
En deux films, tous deux d’une époustouflante beauté formelle, Chloé Zhao - qui a conservé la nationalité chinoise - est devenue une icône du cinéma indépendant américain ! Sous sa casquette de productrice, Frances McDormand vient lui proposer d’adapter, pour le tourner, Nomadland, le livre de Jessica Bruder. La cinéaste qui a elle-même souvent sillonné l’Amérique en van, accepte. Elle y voit l’opportunité de poursuivre son exploration des déclassés de l’Amérique. Elle y met toutefois une condition: que Frances McDormand endosse le rôle de Fern. Excellent choix puisque Nomadland va récolter, entre autres récompenses, le Lion d’Or à Venise, et trois Oscars : Meilleur Film, Meilleure Réalisation et Meilleure actrice (pour Frances McDormand).
Et aussi
– LE DISCOURS de Laurent TIRARD – Avec Benjamin LAVERNHE, Julia PIATON, Kyan KHOJANDI, François MOREL…
Coincé à un repas de famille entre ses parents qui radotent, et sa soeur et son futur beau-frère qui se regardent dans le blanc des yeux, Adrien attend que Sonia réponde à son SMS et mette « fin » à la pause qu’elle lui fait subir depuis un mois. Mais elle ne répond pas. Alors qu’il a l'œil rivé sur son portable dans l’attente de son texto, Ludo, le futur époux de sa sœur, lui demande de faire un « petit » discours pour leur mariage… L’angoisse d’Adrien vire à la panique. Mais finalement, et si ce discours était la meilleure chose qui puisse arriver à ce grand flippé ?
Après des films à gros budget (Asterix et Obelix au service de sa majesté, Le Petit Nicolas, Le Retour du héros, etc.), le réalisateur Laurent Tirard cherchait à revenir à un film aux ambitions financières plus modestes. Et voilà qu’il tombe sur Le Discours, un roman très ludique de Fabcaro (Zaï zaï zaï zaï) dont l’action se passe essentiellement dans la tête de son héros. Ni une ni deux, le cinéaste en écrit une adaptation, trouve une troupe d’acteurs du tonnerre (dont Julia Piaton, Kyan Khojandi, Sara Giraudeau et François Morel), et il demande à Benjamin Lavernhe (Le Sens de la fête, Mon Inconnu, Antoinette dans les Cévennes, etc.) d’endosser le rôle du héros. Ça tombe pile, le Sociétaire de la Comédie Française excelle dans le burlesque et dans la comédie ! Le résultat est ce film tour à tour grinçant, hilarant, et touchant.
Recommandation : Excellent.
- 200 MÈTRES de Ameen NAYFEH – Avec Ali SULIMAN, Anna UNTERBERGER…
Mustapha, père de famille palestinien habite à 200 mètres des siens, mais de l’autre côté du mur qu’Israël a construit en 2002. Petits signes échangés au-dessus de ce mur, chansons et mots d’amour partagées par téléphone…la famille résiste comme elle peut pour conserver, malgré tout, un semblant de vie normale. Un incident grave vient bousculer cet équilibre précaire. Le fils de Mustapha s’est blessé. Pour aller le retrouver, Mustapha va faire appel à des passeurs et se lancer dans une périlleuse odyssée à travers les checkpoints qui empêchent la libre circulation dans cette région du monde.
Pour son premier film, le réalisateur palestinien Ameen Nayfef a eu besoin de raconter sa vie, si difficile, d’homme « entravé». Il a choisi de le faire par le biais de ce thriller qui dénote chez lui, un sens insensé du suspense et des situations. Du scénario à la direction d’acteur, tout est parfaitement maîtrisé dans son film. Ce dernier n’est pas celui d’un va-t-en-guerre, c’est celui d’un cinéaste dont on devine qu’il a lu Kafka, et vu, avec profit, les films de son compatriote Elia Suleiman. C’est dire sa qualité !
Recommandation : Excellent.
– L’OUBLI QUE NOUS SERONS de Fernando TRUEBA – Avec Javier CÁMARA, Patricia TAMAYO, Juan Pablo URREGO…
Dans le Medellin des années 80 gangréné par la violence des politiques et des trafiquants de drogue, le docteur Hector Abad Gomez, un médecin humaniste, se bat tous les jours, inlassablement, pour aider ses concitoyens à sortir de la misère. Malgré les menaces, ce père dévoué de six enfants refuse d’être réduit au silence. Pour beaucoup de monde, et notamment des organisations armées, il va devenir l’homme à abattre. Évidemment un jour vient, où il est assassiné…
Adapté du livre éponyme - devenu culte en Colombie - que le fils de ce martyr des Droits de l’homme écrivit en hommage à son père (tué par balles le 25 août 1987), ce film, signé Fernando Trueba (dont Belle Epoque est un des films notables) est à la fois le portrait d’un homme exceptionnel, une chronique familiale et l’histoire d’un pays marqué par la violence. Si L’oubli que nous serons manque par moments d’un peu de rythme, il est impeccablement scénarisé et dialogué. Il émeut sans jamais tomber dans le mélo et il est servi par un immense acteur, Javier Cámera. Édifiant, passionnant, poignant.
Recommandation : Excellent.
– LE PÈRE DE NAFI de Mamadou DIA – Avec Alassane SY, Saikou LO, Aïcha TALLA…
Dans un petit village du Sénégal, deux frères s’affrontent à propos du mariage de leurs enfants. Ils ont des visions de l’Islam diamétralement opposées : modérée, et tolérante pour l’un ; radicale, politique et guerrière pour l’autre. Loin des diatribes de leurs parents, le cousin et la cousine rêvent, eux, de partir en amoureux étudier à Dakar et de vivre avec leur époque. Devant la menace extrémiste, ils vont pourtant devoir trouver un chemin pour s’émanciper des conflits des adultes.
Ce n’est pas souvent que le cinéma africain fait irruption sur nos écrans. Alors quand cela arrive, il ne faut pas rater l’évènement. Il le faut d’autant moins qu’en l’occurrence Le Père de Nafi a un propos courageux et brûlant : il dénonce la barbarie de l’islam politique.
Sélectionné dans un grand nombre de festivals, Le Père de Nafi - dont l’image est magnifique et les dialogues soignés - a notamment été récompensé à Locarno où il a été sacré meilleur premier film et a reçu le Léopard d’or de la section « Cinéastes du présent ». On reparlera sûrement de son réalisateur, le Sénégalais Mamadou Dia.
Recommandation : Bon.
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