Nocturnal Animals
Infos & réservation
Thème
Galeriste cotée à Los Angeles, Susan Morrow dont la vie conjugale avec Hutton, son mari, est emplie de frustrations par manque d’intimité, reçoit un livre de son ex, Edward Sheffield : Nocturnal Animals, surnom qu’il lui avait donné car elle souffre d’insomnie.
Dans ce thriller violent, le héros, Tony Hastings, voit sa vie basculer quand sa femme et sa fille sont enlevées, de nuit, sur une route de campagne texane par un trio emmené par Ray Marcus. Susan reconnaît en Tony son ex Edward et une évidente allusion à leurs deux ans de mariage. Lors d’un appel téléphonique, elle comprend que son mari la trompe. Dès lors, elle se laisse submerger par les souvenirs et les fantasmes que suscite en elle la lecture de Nocturnal Animals…
Points forts
- Sur le plan esthétique, c’est une totale réussite : les tons glacés, géométriques et bleutés reflétant l’univers de Susan tranchent sublimement avec la chaleur des ocres, orangés et rouges de celui de Tony, le double romanesque d’Edward, en proie à un Texas pulsionnel et violent.
- Les cadrages sont impressionnants de maîtrise pour suggérer l’état d’esprit des personnages.
- Les trois récits - fiction du roman, réalités du passé et du présent - sont très accessibles et subtilement soulignés à travers les objets (le canapé rouge, la voiture de Susan)…
Quelques réserves
Un artiste, aussi sensible soit-il et star par ailleurs, peut-il être en même temps un parfait scénariste, adaptateur, réalisateur et dialoguiste au cinéma ? Rarissimes sont les exemples. Et Tom Ford, pour talentueux metteur en image qu’il soit, ne semble pas en relever tant il échoue à nous entraîner dans la vertigineuse confusion des sentiments qu’autorisent les mots d’un roman. Pour instiller en nous le trouble de Susan à la lecture de Nocturnal Animals, et non l’imposer comme il le fait à coups de gros plans, avec musique, et d’expressions ad hoc du visage de la comédienne, il aurait fallu davantage de ruptures récitatives et d’interpénétration des histoires. Quitter le schéma traditionnel du flash-back ou de la logique narrative. Oser perdre parallèlement le spectateur en lui-même sans pour autant l’égarer vis-à-vis du récit. A l’instar d’un Michel Gondry (La science des rêves), Spike Jonze (Dans la peau de John Malkovitch) voire Charlie Kaufmann (Anomalisa, CT du 03/02/2016). Reste un beau spectacle qui a le mérite de donner l’envie de se plonger dans le livre.
Encore un mot...
« Le scénario est l’expression parfaite de ce que j’ai en tête. Je trouve généralement en glanant des images qui correspondent à mes protagonistes et leur univers. Que ce soient des photos d’intérieurs, de maisons, ou de gens qui fréquentent les différents univers inhérents à chaque personnage, elles sont pleines de détails que j’intègre systématiquement et qui forment une matière presque palpable dans la construction de leurs caractères. ». Tom Ford. (Selon le dossier de presse, il confie également s’attacher à des sonorités et des visuels spécifiques qu’il tient à intégrer).
Cette confidence de Tom Ford est édifiante. Tout est originellement pensé au seul service de l’image et à partir du visuel et du sonore. Rien ne procède des ressorts psychologiques pour justifier les entrelacs de la trame. Le résultat est donc parfaitement à l’aune de ses intentions et en harmonie avec notre temps : il faut faire beau et susciter de l’émotion (nous écrivons bien émotion et non sentiments). A chacun d’en faire son miel ou pas selon ses priorités de spectateur.
Une phrase
“C’est le règne du médiocre”. Susan.
L'auteur
Né en 1961 à Austin, Texas, de parents agents immobiliers, mais ayant passé une grande partie de son enfance au Nouveau-Mexique, Tom Ford part, adolescent, à New York où il commence des études d’histoire de l’art avant de se spécialiser dans l’architecture à la Parsons School Of Design de New York, puis à Paris.
Devenu un des stylistes de mode les plus prolifiques de sa génération, notamment au sein des maisons Gucci et Yves Saint-Laurent, il crée sa propre marque en 2005 : Tom Ford, modernisant le glamour tout en l’élevant au rang d’art à part entière (tel le fameux porno chic qui a séduit les stars comme Madonna et Gwyneth Paltrow).
Visionnaire en son domaine, acclamé et récompensé dans le monde entier, il remporte cinq fois le prix du Conseil des créateurs de mode américains (équivalent des Oscars), quatre prix VH1/Vogue Fashion et est nommé Désigner GQ de l’année en 2001. Il s’approprie aussi le Geoffrey Beene Lifetime Achievement Award en 2014 pour l’ensemble de sa carrière et le Menswear Designer de l’année en 2015.
En 2009, avec sa maison de production, Fade To Black, fondée 4 ans plus tôt, il produit, co-écrit et réalise son premier film, adapté du roman éponyme de Christopher Isherwood : A single Man. Outre que le film rafle une multitude de prix prestigieux dans les festivals du monde entier, il permet à Colin Firth de remporter celui de la meilleure interprétation masculine à Venise ainsi qu’aux Baftas et aux Golden Globes mais aussi d’être cité aux Oscars. Nocturnal Animals est son second long-métrage.
Ajouter un commentaire