Monsieur Aznavour

Un Tahar Rahim bluffant dans le biopic du créateur de La Bohême…
De
Mehdi Idir et Grand Corps Malade
Avec
Tahar Rahim, Bastien Bouillon, Marie-Julie Baup…
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

 Timide, petit, chétif et voix voilée, Charles Aznavourian, fils de réfugiés arméniens, artistes et fauchés, n’a rien pour réussir dans le seul métier qu’il veut exercer, celui de chanteur. Rien, sauf une volonté de fer et une ambition démesurée qui vont balayer tous ses handicaps. A force de travail, de persévérance, de sacrifices et de… talent, il va devenir, sous le nom de Charles Aznavour,  un monument de la chanson .

C’est son parcours de l’enfance à l’âge mûr que retrace ce biopic : sa première montée sur scène (à l’Ecole du spectacle), ses bides, ses rencontres professionnelles (de Piaf à Sinatra  en passant par Pierre Roche, son complice de scène pendant plusieurs années), ses premières amours, ses premiers succès, puis ses premiers triomphes, son mariage, les grandes étapes de ses tournées internationales, les ratages aussi dans sa vie privée, son caractère, pas toujours facile, … Heurs et malheurs, tout s'enchaîne dans ce film exhaustif sur l’une des carrières les plus glorieuses qu’ait jamais connue la chanson française.

Points forts

  • Le titre du film : Monsieur Aznavour. D’emblée, il annonce honnêtement la couleur. On comprend qu’on va voir un film respectueux vis-à -vis du chanteur : ni à charge, ni non plus à décharge.

  • La forme du film. Partir de rien, sans aucun atout, ni physique, ni financier, ni relationnel et arriver, étape par étape, au sommet…Avec le recul, la vie d’Aznavour a tout du conte de fées. Mais le choix des réalisateurs d’avoir découpé son biopic en chapitres, rythmés par ses titres les plus célèbres et reconstituant chronologiquement  les faits et rencontres les plus marquants de sa carrière, dénote chez eux une volonté de « vérité ». Si visuellement, le film évoque le « pop up » par ses décors somptueux, presque théâtraux et sa mise en scène,  spectaculaire, dans sa structure et sa relation, simple, des faits et des dialogues, il relève plutôt du documentaire. 

  • Tahar Rahim. Comment ne pas être époustouflé par la prestation du comédien dans l’incarnation de l’auteur de La Bohême. Le plus formidable est la distance qu’il a réussi à tenir entre lui et son personnage. Voix, diction, phrasé, gestuelle, il a tout d’Aznavour. Enfin, presque tout, parce qu’on perçoit qu'au-delà des apparences, le comédien joue avec sa propre sensibilité et sa vérité d’artiste, lui qui est aussi un enfant d’immigré ayant rêvé d’un métier qu’il croyait lui être inaccessible. Il nous bluffe et nous émeut tout à la fois.

Quelques réserves

Les uns loueront le parti-pris de ce biopic qui reconstitue, linéairement, la carrière du chanteur. Les autres déploreront cette proposition qui l’enferme dans un académisme formel, prétendront-ils, un peu réducteur.

Encore un mot...

Même si Grand Corps Malade et Medhi Idir avaient su mettre des atouts majeurs dans leurs manches - la validation de leur projet par Aznavour en personne avant sa disparition en 2018, une solide expérience en matière de scénario et de réalisation, un casting haut de gamme et l’assurance de disposer d’un budget à la hauteur de leur ambition -, il leur a fallu un culot fou pour s’attaquer à la vie de ce  monstre sacré français.

N’en déplaise à ceux qui font la fine bouche devant le classicisme de leur réalisation et leur relation, sagement chronologique, de la vie du chanteur, le résultat de leur travail est passionnant. Porté par un Tahar Rahim exceptionnel et entouré d’autres formidables comédiens dont Bastien  Bouillon, tout en charme en Pierre Roche et Marie-Julie Baup, impressionnante de gouaille en Edith Piaf, Monsieur Aznavour réussit à  retracer la carrière d’un artiste à la capacité de travail et aux dons prodigieux, sans mièvrerie ni éloges excessifs.L‘occasion de vérifier une fois encore que « Nobody is perfect »!

Une phrase

« Il ne s’agissait pas d’imiter Charles Aznavour, sous peine de tomber dans le burlesque. L’idée était que lui et moi, nous nous rencontrions à mi-parcours…A force de l’écouter parler, je me suis mis à adopter son phrasé. C’est ce qui m’est venu le plus rapidement…C’est le chant qui m’a pris le plus de temps: entre six et huit heures par semaine pendant six mois, puis, pendant le tournage, j’ai continué à prendre des cours le soir. Même chose pour le piano…Il n’était pas question que je sois doublé dans les séquences musicales ». ( Tahar Rahim, comédien).

L'auteur

 L’un, désormais connu sous le nom de Grand Corps Malade, est né Fabien Marsaud. au Blanc-Mesnil  en 1971. L’autre, Mehdi Idir, né à Saint-Denis en 1979, se fait  aujourd’hui appeler parfois Minos. Le premier, qui se destinait au basket, eut la malchance de plonger, à 20 ans, dans une piscine dont le niveau d’eau était insuffisant et en ressortit tétraplégique, d’où le surnom qu’il s’attribua  lorsqu’il décida d’écrire et de « slamer ». Le second, champion de hip hop, se tourna vers la réalisation et aussi l’écriture, à l’aube de sa trentaine.

C’est en 2006 que tous les deux se rencontrent et commencent à travailler à quatre mains. En 2017, après un court métrage, inspiré par l’un et tourné par l’autre, ils écrivent et co-réalisent Patients, tiré de la vie du plus âgé des deuxLe film est vu par plus d’un million de personnes et reçoit deux nominations aux Césars. En 2019, les deux compères  se retrouvent pour La Vie scolaire, qui s’inspire de leurs vies de collégiens dans le 93. Dans leur besace commune, déjà à cette époque, ce projet de biopic sur Aznavour, que le chanteur, encore vivant, adoube. Sa réalisation prendra cinq ans. Le temps de peaufiner le scénario, de trouver l’argent nécessaire à sa réalisation (20 millions d’euros) et de réunir les interprètes les plus adéquats.

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