
Mickey 17
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Thème
En 2054, dirigée depuis un vaisseau spatial par Kenneth Marshall - un politicien raté devenu un cynique industriel (Mark Ruffalo) - une entreprise d’exploration interplanétaire tente d’implanter des humains sur Niflheim, une planète de glace occupée jusqu’alors par de drôles de bestioles surnommées les « rampants ». Pour mener à bien son projet, cette entreprise a besoin de cobayes prêts à se reproduire pour peupler cette planète inhospitalière et en chasser ses occupants. Trentenaire endetté poursuivi par des mafieux, Mickey Barnes (Robert Pattinson) est un candidat idéal. En signant pour l’aventure, il accepte même de devenir un « remplaçable », c’est-à-dire qu’il s’engage à mourir à chaque fois que son « employeur » le jugera nécessaire.
En contrepartie, on lui assure qu’il « renaîtra » dans une autre version identique de lui-même, grâce à une machine géante qui le réimprimera, corps et cerveau, après chaque décès. Quand le film commence, Mickey en est à sa dix-septième version. Le hic est qu’un couac inexplicable va faire que, lorsque Mickey 18 va apparaître, Mickey 17 ne sera pas mort. Or, une des règles du vaisseau exige qu’on supprime définitivement deux sujets semblables. Les faux jumeaux vont entamer une lutte sans merci contre cette loi imposée par l’impitoyable Kenneth Marshall…
Points forts
La singularité du projet. Pour traiter encore une fois des thèmes chers à ses préoccupations (le capitalisme, le libéralisme et leurs conséquences : les injustices sociales, la déshumanisation du monde du travail, etc..), Bong Joon-ho est retourné à son genre de prédilection : la fable de science-fiction. Celle-ci, comme les précédentes, impeccablement écrite, il la raconte, avec son incroyable virtuosité et, comme à son habitude, une belle multiplicité de tons (loufoquerie, satire, ironie, poésie, cynisme, férocité…). Du grand art.
La subtilité du scénario. Bien que dernier se passe en 2054, il évoque en fait moins le monde de demain que celui d’aujourd’hui. Sa charge sociale s’adresse notamment clairement à l’Amérique de Trump et à celle d’Elon Musk. Elle n’en paraît au spectateur d’aujourd’hui que plus lisible et férocement drôle.
Le casting. Dans les rôles de Mickey 17 et Mickey 18, Robert Pattinson (qui fut le premier choix du réalisateur) intègre avec une telle précision et une telle intelligence l’univers très graphique du réalisateur qu’il prouve, une fois encore qu’il est un immense acteur. Drapé dans les habits de l’horrible Kenneth Marshall, Mark Ruffalo fait pour sa part merveille dans un contre-emploi. C’est plaisir de le voir se délecter à (sur-) jouer les salauds.
Quelques réserves
-On peut s’interroger sur le bien fondé de la présence de certains personnages, dont celui de Timo, par ailleurs formidablement interprété par Steven Yeun. On se demande dans quelle mesure ces personnages servent l’intrigue et la font avancer.
Encore un mot...
Comment faire pour enchaîner, après un film qui a reçu une avalanche de prix dont une Palme d’Or à l’unanimité, deux Bafta et quatre Oscars dont le plus convoité, celui du meilleur film? …Les fans de Parasite auront dû attendre six ans le retour sur grand écran du cultissime Bong Joon-ho. Après quelques péripéties avec Warner, entre autres pour des histoires de grèves à Hollywood, mais aussi de montage et de final cut, le surdoué sud-coréen revient donc enfin dans les salles, avec ce film de science-fiction. Si Mickey 17 n’a pas la perfection de Parasite, il est pourtant bigrement passionnant avec son personnage central réduit à une sorte de chair à canon mis à la disposition des expériences d’un homme qui pourrait être un cousin éloigné, en plus sadique encore, du docteur Folamour de Kübrick ; un personnage qui plus est corvéable à merci, puisque condamné à revivre indéfiniment dans des versions successives, grâce aux méchantes équipes du sieur Marshall. Médusant et sidérant autant dans sa forme que dans son fond, ce Mickey 17 est à ne pas rater.
Une phrase
« Je ne recherche pas uniquement la satire politique à travers mes films. Je ne voudrais pas que le cinéma se réduise à une pure propagande. J’essaie donc de faire des films à la fois stylisés et divertissants. Mickey 17 s’inscrit dans cette démarche. Mais je crois cependant que tout ce qui arrive à Mickey, sa situation et la manière dont il est traité, comportent une dimension politique. Il s’agit de dignité humaine…En voyant les combats que mènent Mickey 17 et Mickey 18 tout au long du film, on en perçoit le contexte politique » (Bong Joon-ho, cinéaste- Extrait du dossier de presse)
L'auteur
Né le 14 septembre 1969 à Daegu, le sud-coréen Bong Joon-ho s’est imposé en quelques films, dans le peloton de tête des cinéastes les plus brillants et créatifs de la planète.
Son diplôme de sociologie obtenu à l’Université de Yonsei, en poche, le jeune Bong Joon-ho n’attend pas son reste : il se précipite dans le cinéma. D’abord, pour se faire la main, en tournant un court métrage (White man, qui raflera d’emblée un prix), puis, en 2000, en réalisant un long, Barking dog, que le public sud-coréen porte aux nues pour sa maîtrise formelle, son ton satirique et mordant, et son écriture éblouissante. C’est en 2003 avec Memories of Murder que, dans son pays, le jeune réalisateur assoit sa réputation de cinéaste aussi doué qu’inventif, et qu’à l’étranger, il conquiert critique et public. En 2006, son troisième long métrage The Host sera classé par les Cahiers du cinéma comme le troisième film le plus important de cette année-là. Désormais, chaque sortie d’une œuvre de ce surdoué fait figure d'événement dans le monde entier : Mother, en 2009, qui est présenté en compétition officielle du Festival de Cannes; Snowpiercer, en 2013, Le Transperceneige (adapté de la BD du même nom); en 2015, Okja et en 2019, Parasite, sacré de chef d’oeuvre unanimement par la presse et le public.
Mickey 17 est le 8ème long métrage de ce cinéaste sans équivalent, qui ne laisse à personne d’autre que lui le soin d’écrire ses scénarios et qui, pour chacun de ses films, impose de disposer du final cut, ce qui dit tout de son aura et de son autorité artistique.
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