MASCARADE
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Thème
Lorsqu’Adrien, un ex-danseur devenu gigolo à la suite d’un accident de moto (Pierre Niney) se laisse subjuguer par Margot, une sublime escort-girl qui couche sans compter avec de riches notables et les escroque ensuite pour s’offrir une existence de luxe ( Marine Vacth), c’est le début entre eux d’un plan machiavélique sous le soleil brûlant de la Riviera.
Les deux nouveaux amoureux sont-ils prêts à toutes les entourloupes pour s’offrir une vie de rêve, quitte à sacrifier sans état d’âme celles d’êtres qui leur ont rendu service, à lui, une gloire déchue du cinéma (Isabelle Adjani), et à elle, un agent immobilier ( François Cluzet) ? Ça va dégénérer ...
Points forts
- Nicolas Bedos l’avoue sans ambage : Mascarade, qui se veut un portrait satirique des hyper-riches qui squattent la Côte d’Azur aujourd’hui lui a été en partie « soufflé » par des expériences personnelles, éprouvées quand il avait la vingtaine (il a 43 ans aujourd’hui) et qu’il écumait les boîtes, les plages et les palaces de cette région pour savoir jusqu’où pouvait aller la cupidité, l’hypocrisie, l’amoralité et l’arrogance de cette « Jet-set » à laquelle il aimait se frotter. En vrac : les héritiers oisifs, les hommes d’affaires véreux, les stars de ciné paumées, les gigolos déboussolés, les escort-girls déglinguées, etc…Impossible d’en douter : les personnages du nouveau film de Bedos, ont tous, ou presque, été inspirés par des personnes qu’il a fréquentées dans ses années « folles ». A cette différence près que le cinéaste s’est amusé à les actualiser : à des degrés divers, ils portent les stigmates de notre société d’après Covid. Individualistes, cyniques, voire violents et malhonnêtes, ils ne sont donc pas jolis-jolis.
- Même boosté par une intrigue punchy, Mascarade aurait pu n’être qu’un divertissement (vachard) de plus sur les us et coutumes (peu reluisants) des hyper-riches. Mais son auteur, qui est aussi un lecteur et un cinéphile avertis, l’a enrichi de références (discrètes) à certains de ses auteurs et réalisateurs préférés ( Chabrol, Welles, Sagan, Somerset Maugham…). Il en résulte que par moments, son Mascarade a des allures de film d’auteur.
- Une autre de ses belles surprises est son casting cinq étoiles : Marine Vacth, Pierre Niney, Isabelle Adjani, François Cluzet, Emmanuelle Devos, Laura Morante…Qui dit mieux cette semaine sur les écrans français? Et en guise de terrain de jeu pour ces prestigieux comédiens, l’un des décors les plus glamours et les plus permissifs du monde, la Côte d’Azur, qui est ici, en plus admirablement filmée.
Quelques réserves
Bien que dialogué de façon brillante, le film reste un peu trop à la surface de ce qu’il dénonce. On s’attend de la part d’un Nicolas Bedos à une charge féroce contre le cynisme éclaboussant des hyper riches et des crapules qui gravitent autour d’eux, et on se retrouve dans un récit plus gentiment moqueur que cruel. Peut-être parce que son auteur n’a pas su (voulu) tailler dans le vif de son scénario pour le rendre plus incisif (Au final, Mascarade s’étire sur 2h14 !). Peut-être aussi qu’il n’a pas réussi à prendre suffisamment de distance avec ses personnages. Certes, on comprend qu’il ne les aime pas (aucun n’est sympathique !), mais on a l’impression qu’au fond, malgré tout, leur vulgarité crasse et leur manque de scrupules abyssal le subjuguent.
Encore un mot...
Sexe, luxure, trahisons et arnaques à tout va sur la Riviera… Pour son quatrième film, Nicolas Bedos propose une comédie noire jubilatoire sur le monde des ultra-riches. Même si elle n’a pas la force dévastatrice de celle du récent Sans filtre de Ruben Östlund, elle est quand même très drôle et très coruscante, d’autant qu’elle s’appuie sur une intrigue en forme de polar. Et puis quel casting ! Le cinéaste a su placer à bon escient les 15 millions d’euros que ses producteurs lui avaient octroyés pour ce Mascarade, qui porte si bien son titre.
Une phrase
« Mascarade, c’est l’adaptation d’un livre que j’ai vainement tenté d’écrire pendant un an et qui relatait de façon très romancée une période assez navrante de ma vie vers l’âge de 23 ans quand je me vautrais dans l’oisiveté et l’argent des autres…. C’est l’histoire d’un paumé entretenu par des femmes plus âgées et qui va tomber raide d’une paumée entretenue par des types plus âgés…Et c’est aussi le portrait très subjectif que je voulais faire de la Côte d’Azur . » ( Nicolas Bedos, réalisateur).
L'auteur
Parce qu’il est un des enfants du regretté et irremplacé Guy Bedos, c’est vérité de dire que Nicolas Bedos né le 21 avril 1979 à Neuilly-sur-Seine est un « fils de… », mais ce serait mensonge de l’accuser d’avoir profité du talent de son père pour se faire un prénom. Car Nicolas Bedos est non seulement doué pour beaucoup de choses, l’écriture, le jeu, la réalisation, etc., mais il travaille comme un fou. A 43 ans, il a déjà à son actif d’auteur, quatre pièces de théâtre, quelques livres (qu’il écrit pendant ses vacances et publie à l’automne) et des centaines de chroniques dont il a régalé la presse écrite (Marianne et Elle) et télévisuelle (On n’est pas couché).
Entre l’écriture de ce qui représente des millions de signes, ce touche-à-tout infatigable prend aussi le temps de dessiner (essentiellement des femmes et des storyboards de films), de faire l’acteur et de jouer du piano sur lequel il compose des musiques d’un swing à tout casser, dont celles de ses films, exception faite du dernier, Mascarade.
Parce qu’il est « cash », pratique la provoc à tout va, aime séduire tous azimuts et parfois défendre des causes humanistes (comme son père), on lui colle souvent l’étiquette de « bobo de gauche ». C’est beaucoup réduire cet obsessionnel de la perfection qui a commencé à écrire à l’âge de treize ans pour épater son père.
En 2017 à l’avant-veille (ou presque) de ses quarante ans, il s’est offert le luxe de se lancer dans le cinéma en tant que réalisateur. Ce fut Monsieur et Madame Adelman dont il écrivit évidemment le scénario, les dialogues et… la musique, et qui compta, cette année-là, parmi les films français les plus beaux et ambitieux. Il récidiva en 2019 avec La Belle époque, une comédie dramatique qui dépassa les 1 200 000 entrées, puis, en 2021 avec OSS 117: Alerte rouge en Afrique noire, une comédie d’espionnage parodique qui passa la barre des 1 500 000 spectateurs.
Il sort aujourd’hui Mascarade, un film noir que lui ont inspiré, dit-il, à la fois ses souvenirs personnels et l’époque sans foi ni loi que nous traversons.
Et aussi
- CLOSE de LUKAS DHONT- Avec EDEN DAMBRINE, GUSTAVE DE WAELE, EMILIE DEQUENNE…
Plus tout-à-fait enfants, mais pas encore adolescents, Léo et Rémi sont inséparables. Ils ne se quittent jamais, même la nuit où ils dorment ensemble, serrés l’un contre l’autre avec l’innocence de leur âge. Mais la rentrée arrive, et à l’école, une gamine va leur demander s’ils « sont ensemble ». C’est le début d’une prise de conscience. Si Rémi se réfugie dans le silence, Léo se braque. Il décide de prendre des distances avec son ami et s’inscrit au foot et au hockey sur glace, là où il sait que Rémi le musicien si doux et si rêveur ne pourra pas l’accompagner…La douleur du sentiment d’abandon sera trop forte pour le garçon délaissé…
En 2018, Lukas Dhont avait décroché la Caméra d’Or à Cannes pour Girl, le portrait déchirant d’un jeune transexuel qui se rêvait danseuse. Quatre ans plus tard, il est revenu à Cannes avec ce Close, tout aussi sensible et bouleversant sur une amitié devenue impossible entre deux jeunes garçons. Et il y a décroché le Grand Prix du Jury. Une récompense méritée tant son nouveau film qui s’inspire de son vécu interroge avec finesse et délicatesse les tumultes de la préadolescence masculine. Il faut dire aussi qu’il s’appuie sur le talent de deux jeunes acteurs incroyables de justesse, Gustave de Waele (Rémi) et surtout Eden Dambrine (Léo), dont l’aisance est sidérante.
Recommandation : 4 coeurs
- VOUS N’AUREZ PAS MA HAINE de KILIAN RIEDHOF- Avec PIERRE DELADONCHAMPS, CAMELIA JORDANA, THOMAS MUSTIN…
Le soir du 13 novembre 2015, Hélène Leiris meurt assassinée au Bataclan. Elle est la maman d’un petit Melvil que son mari, le journaliste Antoine Leiris, devenu brutalement veuf, se retrouve seul à élever. Pas question donc pour ce dernier de se laisser aller. Il publie sur Facebook une lettre destinée aux assassins de son épouse. Une lettre bouleversante qui se clôt par ces mots : « Vous n’aurez pas ma haine ». A la suite de cette phrase, qui va devenir virale , Antoine Leiris écrit un livre sur les étapes de son deuil , - dont la première fut d’aller devoir identifier le corps de sa femme - et aussi sur son combat pour garder la tête hors de l’eau.
C’est ce récit bouleversant, sincère et généreux qui est à l’origine du nouveau long métrage du cinéaste allemand Kilian Riedhof. Ce dernier a-t-il été intimidé par son sujet? En tous cas, par moments, son film semble flotter. Heureusement, il y a Pierre Deladonchamps qui interprète formidablement Antoine Leiris. Il y a aussi, qui incarne Hélène en flash-back, la sublime et lumineuse Camelia Jordana. Bien qu’imparfait, Vous n’aurez pas ma haine est un film nécessaire et touchant. Après Revoir Paris et Novembre, il permet d’ausculter, à travers l’intimité d’une famille endeuillée, les dégâts irréparables des attentats du 13 novembre 2015.
Recommandation : 3 coeurs
- COMEDY QUEEN de SANNA LENKEN- Avec SIGRID JOHNSON, OSCAR TÖRINGE, ELLEN TAURE…
Pour ne pas ressembler à sa mère décédée qui était si neurasthénique, et surtout essayer de supporter son deuil, Sasha, 13 ans, prend un tas de résolutions (ne plus lire de livres, se couper les cheveux, ne plus s’occuper d’un être vivant, etc.) qui devraient, pense-t-elle, la protéger au maximum d’émotions qui pourraient être nuisibles à son fragile équilibre. Par ailleurs, pour empêcher son père de continuer à s’emmurer dans son chagrin, elle décide de devenir une reine du stand’up. Mais être comique n’est pas donné à tout le monde. Petite fille triste et fragile sous ses allures de garçon manqué, Sasha la courageuse va devoir sacrément s'entraîner. Ses amis vont être mis à contribution…
Décidément les films sur l’adolescence réussissent à la Suédoise Sanna Lenken. En 2015, My Skinny Sister, un récit initiatique et tendre, lui avait valu de décrocher l’Ours de Cristal du Festival de Berlin, dans la section Génération. Elle vient de le remporter de nouveau cette année avec ce Comedy Queen. À juste raison. Inspiré d’un livre à succès de la psychologue Jenny Jägerfeld, son nouveau film raconte avec délicatesse et humour comment il est possible d’apprivoiser le deuil d’une mère. Magnifié par la jeune Sigrid Johnson qui joue Sasha avec un merveilleux naturel, Comedy Queen, qui déborde d’amour et d’humanité a été écrit à l’adresse de tous les publics à partir de 11 ans. Il est une belle démonstration qu’on peut bâtir d’excellentes et fines comédies sur des sujets graves.
Recommandation : 4 coeurs
- JACKY CAILLOU de LUCAS DELANGLE- Avec THOMAS PARIGI, EDWIGE BLONDIAU, LOU LAMPROS…
Dans un village perché non loin d’un sommet des Alpes, Jacky, orphelin de père et de mère disparus dans un accident d’automobile, vit avec sa grand-mère Gisèle, une guérisseuse-magnétiseuse reconnue par tous. Alors qu’elle commence à lui transmettre ses dons, Elsa, une jeune fille, vient la consulter pour une tâche répugnante qui est apparue dans son dos et qui s’étend. Quand Gisèle meurt brutalement, Jacky prend sa relève pour soigner Elsa. Mais quelque chose cloche dans le comportement de la jeune fille. Les loups rôdent, qui dévorent les moutons des bergers avoisinants. Qui est vraiment Elsa? Un être humain ou un monstre? Le doux et naïf Jacky va être surpris.
Pour son premier long métrage, Lucas Delangle ( ex de la Femis et ex-assistant de Claire Simon) propose un film qui navigue entre naturalisme (le début) et fantastique (à partir du milieu et jusqu’à la fin) et qui remet à la mode l’un des héros les plus terrifiants des contes et fables pour enfants, le loup. Le cinéaste débutant n’a pas raté son coup d’essai. Jacky Caillou brille par la singularité de son scénario, l’esthétique de ses cadrages, la beauté de ses décors (les paysages, magnifiques, ancrent jusqu’au bout ce conte dans un semblant de réalité), et le culot de son casting (Delangle a confié le rôle de Jacky à Thomas Parigi, un acteur débutant lui aussi). Malgré quelques maladresses (certains enchaînements , notamment, trop abrupts), Jacky Caillou est un film qui fascine de bout en bout. D’où le fait qu’il ait été sélectionné pour faire l’ouverture d’ ACID du dernier festival de Cannes. Ce qui n’est pas rien. A découvrir.
Recommandation : 3 coeurs.
- UNE ROBE POUR MRS HARRIS de ANTHONY FABIAN - Avec LESLEY MANVILLE, LAMBERT WILSON, ISABELLE HUPPERT…
Dans le Londres des années 50, Ada Harris, une femme de ménage travailleuse et dévouée, mène une vie solitaire : elle attend le retour, de plus en plus improbable, de son soldat de mari. Un jour, elle reçoit la notification de la mort de ce dernier. Triste, mais délivrée des liens du mariage, Ada se met alors en tête d’économiser assez d’argent pour aller s’acheter à Paris une sublime robe Dior qu’elle a admirée chez une de ses patronnes. Elle va croire si fort à son rêve qu’après moultes péripéties plus ou moins merveilleuses, elle le réalisera, tout en finissant par s’apercevoir que le bonheur n’est pas toujours là où l’on croit qu’il se niche.
Adapté d’un roman de Paul Gallico (1958), réalisé en partenariat avec Dior, Une robe pour Mrs Harris, relève du conte de fées pour adultes. Parce qu’il est porté par de bons sentiments et est totalement dépourvu de cynisme, certains pourront le trouver trop « sucré », trop cliché aussi sur la lutte des classes sociales, mais les plus «fleur bleue » ou ceux qui étouffent sous le nombre des films réalistes qui sortent sur les écrans, l’adoreront exactement pour les mêmes raisons. Emmenée par une Lesley Manville au meilleur de son charme et de son talent, la distribution est formidable, qui comporte quelques surprises, comme la présence de Lambert Wilson (dans un rôle de Lord anglais aussi chic que généreux) et d’Isabelle Huppert, décidément omniprésente dans le cinéma européen, qui s’amuse ici visiblement à surjouer (légèrement) les « premières mains » snobissimes.
Recommandation : 3 coeurs
- SEULE LA JOIE d’HENRIKA KULL- Avec KATHARINA BEHRENS, ADAM HOYA, NELE KAYENBERG…
Blonde, d’une aisance folle et plutôt douce, Sascha travaille depuis longtemps dans une maison close de Berlin. Un jour elle voit arriver Maria, brune, incandescente, indépendante et non-conformiste. Presque contraires, Sascha et Maria tombent amoureuses. Quand leur activité sexuelle (tarifée) avec les hommes le leur permet, elles se donnent passionnément l’une à l’autre. Mais la peur de se dévoiler finit par remettre en question leur relation.
A la fois chronique sociale sur la prostitution dans les maisons closes allemandes et récit d’un amour fou entre deux femmes, Seule la joie aurait pu rester au milieu du gué. Il n’en est rien car Henrika Kull a réussi à driver avec habileté ces deux histoires sans en laisser une en chemin et sans tomber non plus, malgré la crudité de certaines séquences, dans l’écueil que guettent ces types de sujets : le voyeurisme et, son corollaire, la vulgarité. Assez incroyablement même, grâce à la beauté de son image et de sa photo, Seule la joie distille de la tendresse, de la beauté, de la mélancolie et de la générosité. Audacieux et maîtrisé, romantique et cru. Pour adultes uniquement.
Recommandation : 4 coeurs
Commentaires
Parfait. Belle critique
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