Maman a tort
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Thème
Connait-on vraiment ses parents, en l’occurrence, sa maman ?
A quatorze ans, Anouk (Jeanne Jestin), qui vit avec sa mère, Cyrielle (Emilie Dequenne), doit effectuer l’incontournable stage d’observation de la classe de troisième. A la suite d’une annulation de dernière minute, elle est prise, in extremis, dans la compagnie d’assurances où travaille Cyrielle. Il va suffire de cinq jours pour qu’Anouk perde ses illusions sur le monde des adultes et le milieu de l’entreprise. Petits arrangements, grandes lâchetés, absence d’entraide, humiliations, harcèlement, compromissions aussi… la jeune ado idéaliste va en découvrir de belles. Elle en perdra ses illusions et se verra contrainte de porter un nouveau regard sur sa mère, si tendre et si chaleureuse à la maison, qui se révèle, au travail si injuste et si soumise….
Points forts
« Maman a tort » n’est pas le premier film qui dénonce les travers les mesquineries et l’inhumanité de l’entreprise. Mais c’est le premier qui le fait à travers le regard une adolescente. C’est intéressant parce que c’est petit à petit que la jeune fille, qui n’y est pas directement confrontée, va découvrir les lâchetés et autres vilains mécanismes du monde du travail. Chez elle, stagiaire d’observation, une « révélation » va susciter une autre, et ainsi de suite…Et la sordide réalité de l’entreprise va finir par se dessiner au fil de l’accumulation de ces « révélations ». Ce procédé de narration, façon « jeu de piste », apporte évidemment un belle tension au film. Paradoxalement, il permet aussi de parer ce dernier d’une certaine suavité. On finit par tout savoir, mais sans que rien n’ait été, frontalement, asséné.
Il ne faut pas se tromper, ce ne sont pas des individus que dénonce Marc Fitoussi, mais un système. Quels que soient les défauts qu’il leur ait attribués, le cinéaste pose sur les « travailleurs » un regard, sinon tendre, du moins compassionnel. Le résultat est que son film est tout, sauf glaçant .
On pouvait penser qu’avec un sujet aussi grave, « Maman a tort » serait tombé dans la catégorie « film noir ». Il n’en est rien. Au contraire. Dans cette chronique sociale aux allures de thriller, la comédie affleure souvent, grâce à des personnages secondaires qu’on croirait échappés de chez Kafka ou Jacques Tati.
Quelle belle idée d’avoir donné à Emilie Dequenne, ce rôle de mère broyée par les humiliations et la peur d’être renvoyée. La comédienne belge, qui avait été révélée par les frères Dardenne, se montre, une fois de plus, d’une incroyable justesse. Jamais on ne la voit composer, ce qui est l’apanage des très grandes comédiennes.
Quelle perspicacité, aussi, d’être allé chercher la jeune Jeanne Jestin pour incarner l’ado du film ! Agée de treize ans au moment du tournage, cette (presque) débutante crève l’écran. Maturité, naïveté, gaieté, ténacité…Elle sait tout exprimer.
Quel discernement, enfin, dans la distribution des rôles secondaires ! Dans leur rôle de sous-chef de service aussi peste que ridiculement snobinarde, Camille Chamoux et Nelly Antignac sont irrésistibles de drôlerie. En employée de bureau, maternelle mais soumise, Annie Grégorio, nous balance, avec son inimitable faconde, entre rires et larmes. Quant à Jean-François Querey, sous ses dehors d’affreux chef de service, il réussit à nous faire percevoir les fêlures de son personnage, ce qui finit par le rendre attachant.
Quelques réserves
Le seul point qui pourrait nuire au film est…son sujet: ceux qui se sentent broyés par le monde du travail vont-ils avoir envie d’aller voir un film qui… les met en scène?
Encore un mot...
Les us et coutumes de l’entreprise révélés, pour la première fois dans le cinéma français, non pas par des adultes, mais par une ado de quatorze ans…Cela change la donne. Finis, notamment, le ton, si clinique, et les personnages, si dépourvus d’humanité, des films précédents sur le sujet !
Sans pourtant ne jamais perdre de vue son objectif (la dénonciation des perversions et des dégâts dégâts engendrés par le monde du travail), « Maman a tort » a la fraicheur, la gravité, la naïveté aussi, de sa jeune héroïne.
D’une belle finesse d’écriture, cette chronique sociale, à la fois distrayante et intéressante, portée par une distribution de haute volée ( en tête de laquelle, Emilie Dequenne), avait reçu un bel accueil lors de sa projection, cet été, en avant-première, au Festival d’Angoulême. Puisse cet accueil augurer, pour ce film, d’une belle carrière en salle. Il la mérite.
Une phrase
« Je cherchais un sujet qui m’offrirait l’opportunité d’aborder l’adolescence dans un contexte qui n’était pas attendu… D’où l’idée d’une adolescente plongée dans le monde adulte, en l’occurrence, celui de l’entreprise » ( Marc Fitoussi).
L'auteur
Après un cursus universitaire d’anglais et d’histoire de l’art, Marc Fitoussi, né le 20 juillet 1976, se forme d’abord au métier de scénariste. Il entame assez vite une carrière de réalisateur en tournant plusieurs courts métrages dont, en 2007, « Bonbon au poivre », qui lui vaut une nomination aux César. La même année, il réalise son premier long, intitulé « La Vie d’artiste », avec notamment dans les rôles principaux, Sandrine Kiberlain et, déjà, Emilie Dequenne. « Copacabana », son deuxième long (avec Isabelle Huppert) sort en 2010 et son troisième, « Pauline détective », en 2012. « La Ritournelle » (encore avec Isabelle Huppert), qui voit le jour en 2014 et raconte l’histoire d’un couple d’éleveurs miné par la routine, obtient un vif succès, critique et public.
Cette année, c’est donc « Maman a tort », une comédie sociale sur le monde de l’entreprise. Avec, dans le rôle de la maman, Emilie Dequenne, et dans le rôle de sa fille, une débutante qui ne devrait pas rester inconnue longtemps, Jeanne Jestin.
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