MAESTRO(S)
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Thème
Chez les Dumar, on est chef d’orchestre de père en fils : François, le patriarche (Pierre Arditi) achève un long et brillant parcours international, tandis que Denis son fils (Yvan Attal) remporte une énième Victoire de la Musique Classique. Quand François apprend qu’il a été choisi pour diriger la Scala de Milan, il est fou de joie : c’est la fin de carrière qu’il n’osait plus espérer. Hélas, à la Scala, quelqu’un s’est trompé de prénom. Ce n’est pas François qui a été choisi pour ce poste prestigieux, mais Denis. Pour le père comme pour le fils, cette méprise va être difficile à digérer, d’autant que sous leur amour et leur admiration réciproques, entre eux, et sans doute malgré eux, il y a toujours eu de la compétition, pour ne pas dire, de la rivalité….
Points forts
- Il y a longtemps que Bruno Chiche voulait raconter l’histoire d’un père et d’un fils. Le film Footnote du réalisateur et scénariste Joseph Cedar, que lui montre un jour son producteur, va lui donner un point de départ. Ce film israélien raconte comment un quiproquo va déclencher une rivalité entre un père et son fils exerçant le même métier. Le réalisateur français décide de s’en inspirer mais de façon personnelle. Comme il aime la belle musique, plutôt la classique, il décide que, dans son nouveau film, le père et le fils seront maestros…Ca tombe à pic : quand deux chefs portent le même nom, lorsqu’il s’agit de pourvoir un poste de directeur musical, il y a forcément un risque de quiproquo!… Le cinéaste a trouvé le ressort de son scénario, qui a cet avantage de lui permettre un écriture crescendo
- Sa partition écrite, deux acteurs s’imposent au cinéaste pour en jouer le père et le fils : Pierre Arditi, qui est pour lui un des plus grands acteurs français. Il rêve de le diriger depuis qu’à 20 ans, il l’avait vu jouer, émerveillé, sur le plateau de Robert Enrico dont il était l’assistant réalisateur ; et puis, Yvan Attal : il le connaît à peine, mais il admire depuis longtemps sa rigueur, sa profondeur et aussi, sa drôlerie. Coup de chance, les deux comédiens ont pour leur part très envie de travailler ensemble et ils sont libres. Banco ! Miou-Miou sera la femme de Pierre et Pascale Arbillot celle de son agent, Caroline Anglade endossant pour sa part, un personnage de violoniste soliste. Le petit orchestre du cinéaste est constitué.
- Reste à choisir celle ou celui qui, musicalement, le conduira. Ce sera Anne Gravoin, violoniste et chef d’orchestre elle-même.
- Et comme le cinéaste ne veut surtout pas enfermer son film dans un hiératisme petit bourgeois, il engage Denis Rouden, un chef opérateur capable de tourner pendant plusieurs minutes caméra à l’épaule sans férir. Le « moteur » pouvait être demandé !
- Sur le plateau, Bruno Chiche pistera les « couacs ». Il n’y en aura pas.
Quelques réserves
Aucune fausse note, aucun défaut de tempo dans ce Maestro(s) remarquablement écrit, dirigé et joué. Peut-être peut-on lui reprocher d’être un peu trop convenu.
Encore un mot...
Depuis La Grande Vadrouille de Gérard Oury en 1966 et hormis, en 2009, Le Concert de Radu Mihaileanu, le cinéma français n’avait plus représenté de chef d’orchestre sur son grand écran. Cette injustice est enfin réparée avec ce Maestro(s) qui dit tout, ou presque de ce que cette profession requiert de précision, d’abnégation, de passion et parfois d’ego. On applaudit d’autant plus fort à ce film qu’il a été « composé » à partir d’un sujet qui n’en finit jamais de passionner, celui des relations père-fils.
Une phrase
- « J’ai accepté ce rôle, parce que j’allais enfin travailler avec Bruno Chiche avec qui j’avais envie de tourner depuis des lustres, parce que j’étais heureux de retrouver Yvan avec qui je m’étais très bien entendu sur Les Choses humaines et aussi parce que mon personnage de François est complexe ». ( Pierre Arditi, comédien).
- « Il y avait beaucoup d’émotion dans ce scénario qui parle de la relation père-fils. C’est cela que j’ai aimé et qui m’a donné l’envie de faire le film » (Yvan Attal, comédien).
L'auteur
Né le 7 août 1966 en France, Bruno Chiche est un réalisateur, scénariste et producteur français dont l’une des particularités est son éclectisme.
Au début des années 80, après avoir fait ses premiers pas dans le monde du cinéma, d’abord comme stagiaire régie, puis assistant de réalisation sur des longs métrages, il se lance dans le scénario et la réalisation de courts métrages (Brasero, L’amour en marche, Le Pinceau à lèvres). Encouragé par leur accueil, il écrit et réalise en 2001 Barnie et ses petites contrariétés qui remporte un vif succès critique et public. En 2004, il décide de passer devant la caméra et joue Les sœurs fâchées et L’amour dans le sang. Cela avant de retourner derrière la caméra, pour Hell, tiré du roman de Lolita Pille.
Amateur de comédie, cet aventurier du cinéma décide d’en produire ( e préfère qu’on reste amis , Nos jours heureux, puis Une pure affaire) et de faire de nouveau l’acteur dans plusieurs d’entre elles, dont Tous les hommes sont des romans, Je suis heureux que ma mère soit vivante…). Il repasse derrière la caméra pour Je n’ai rien oublié, un drame sur la maladie d’Alzheimer. Ce film dans lequel il dirige le duo Gérard Depardieu et Niels Arestrup lui vaut de recevoir le Prix Cinéma 2011 de la Fondation Barrière. En 2017, il sort L’un dans l’autre, une comédie irrésistible sur le couple avec Louise Bourgoin, Stéphane De Groodt et Pierre-François Martin-Laval.
Maestro(s) est le cinquième film de ce cinéaste dont les acteurs vantent unanimement sa douceur, son sens de l’écoute et sa délicatesse.
Et aussi
- LE CHAT POTTÉ 2 : LA DERNIÈRE QUÊTE de JOEL CRAWFORD & JANUEL- P. MERCADO- DESSIN ANIMÉ AVEC LES VOIX (EN VO.) d’ ANTONIO BANDERAS, SALMA HAYEK…
Issu de la franchise Shrek - qu'on croyait morte et enterrée - Le Chat Potté fait enfin son retour, onze années après sa première aventure solo. Chic ! Dans cette suite intitulée La dernière quête et placée sous la houlette de Joel Crawford (Les Croods 2), notre félin préféré est encore plus irrésistible.
Quand le film commence, notre Mousquetaire griffu s’aperçoit qu’ayant épuisé 8 vies (sur les 9 attribuées généralement aux chats), il ne lui en reste plus qu’une à vivre. Sagement, il commence par raccrocher sa cape et son chapeau dans une sorte d’EHPAD conçu pour vieux félins. Mais l’inactivité ne lui convenant décidément pas, il décide de partir dans la Forêt noire, à la recherche de l’ « Etoile de l’ultime souhait », la seule capable de lui rendre les 8 vies qu’il a déjà consumées. Et voilà que sur son chemin, débarquent le redoutable Boucles d’or et son gang des trois Ours… C’est parti pour une aventure menée tambour battant, où notre intrépide héros va retrouver l’ensorcelante Kitty Patte de Velours et, pour la première fois de sa vie, se confronter à la peur et à la…mort : dans cette suite, notre infatigable et malicieux héros perd un peu de son autosatisfaction et gagne en humanité !
Comment résister à ce film si ébouriffant ! Son animation est aussi nerveuse que spectaculaire, son scénario, écrit au cordeau, conserve, jusqu’au bout, de la tension, et ses trouvailles visuelles sont d’une inventivité qui laisse pantois. Les mauvaises langues pourront toujours dire que certaines couleurs sont par moments trop criardes, ça ne freinera pas notre enthousiasme ! Accessible (recommandé !) à partir de sept ans.
Recommandation : 5 coeurs
- NOS FRANGINS de RACHID BOUCHAREB- Avec REDA KATEB, LYNA KHOUDRI, RAPHAËL PERSONNAZ, SAMIR GUESMI…
Trente-six ans après les faits, et quelques mois après la série Oussekine, diffusée sur Disney+, Rachid Bouchareb (Indigènes, Hors-la -loi) revient sur le meurtre de Malik Oussekine, un jeune étudiant d’origine algérienne, tabassé par la police française dans l’entrée d’un immeuble du quartier latin au moment des révoltes estudiantines contre la loi Devaquet. Parallèlement, il revisite aussi les circonstances d’une autre meurtre, celui d’Abdel Benyahia tué par un policier alcoolisé, la même nuit, mais dans un bar de Pantin. Ce parallèle, pour affirmer que ces deux faits divers là appartiennent à la même histoire, celle des violences policières qui, dans les années 80, ciblaient particulièrement les jeunes maghrébins.
Construit sur un scénario et des dialogues d’une grande efficacité, nourri de nombreuses images d’archives, porté par des acteurs impeccables et visuellement magnifiques (photo et cadrages, époustouflants, Nos Frangins mérite vraiment d’avoir été choisi pour représenter l’Algérie aux Oscars. Poignant, nécessaire et d’une retenue remarquable.
Recommandation : 3 coeurs
- SOUS LES FIGUES d’ERIGE SEHIRI- Avec AMENI FDHILI, FIDE FDHILI, FETEN FDHELI…
Quelque part au Nord-Ouest de la Tunisie, dans un jardin planté de figuiers, une vingtaine de personnes de tous âges, hommes et femmes coiffées de foulards, cueillent les figues, sous le regard attentif du responsable de leur « bataillon ». C’est l’été, il fait chaud, et hormis le souffle léger du vent dans les ramures, on n’entend rien d’autre que le bruit de leurs conversations.Chez les plus anciens, les discussions sont de l’ordre du quotidien, mais chez les jeunes on parle, à voix encore plus basse, de tout autre chose : des sentiments, de la religion, des émois provoqués par les personnes du sexe opposé, de la liberté dont on rêve mais qu’on ne connait pas… Un jeune couple se courtise avec force frôlements et regards.Mais le chef de cette petite troupe de saisonniers écoute et surveille. Même dans la nature, le patriarcat continue à dominer…
Il se dégage un charme indéfinissable, de ce film doux et sensuel qui, au-delà des mots, dans les attitudes et la gestuelle même des personnages, en raconte beaucoup sur les aspirations des jeunes Tunisiens. Le désir circule sous les figuiers, il est de tous les plans.
Comment parler du joug des interdits sans rien qui pèse ou qui pose problème ? La réponse est là dans ce film à l’image splendide qui avait eu, en mai dernier à Cannes, les honneurs de la Quinzaine des réalisateurs .
Recommandation : 4 coeurs
- LES PIRES de LISE AKOKA ET ROMANE GUERET- Avec MALLORY WANECQUE, TIMEO MAHAUT, JOHAN HELDENBERGH…
Quatre jeunes sont repérés lors d’un casting sauvage pour jouer dans un long métrage qui va se tourner dans leur cité (la cité Picasso de Boulogne-sur-mer) et dont ils seront les héros…Comme le titre l’indique, ils ont été pris moins pour leur « cinégénie » que pour leur parcours chaotique, leur état de rébellion permanent et leur incapacité à se poser quelque part. Évidemment, entre ces jeunes « insoumis » et l’équipe, forcément professionnelle, du film ça va tanguer…
Ce qui frappe d’abord dans ce film, c’est son énergie et sa sincérité. C’est de la fiction, mais la réalité documentaire s’y insinue, dans chaque plan. La faute à ces ados figurant en haut du générique, qui ont été « castés », sans triche, pour leur rage et leurs déséquilibres, avec le risque, toujours possible mais assumé, qu’ils explosent en plein vol et fichent le tournage par terre. La faute aussi à l’acteur, professionnel celui-là, qui joue le metteur en scène (Johan Heldenbergh, sensationnel d’écoute, de compréhension et…d’autorité). La faute, enfin, à ces scènes dont on sent qu’elles ont été prises sur le vif de l’improvisation.
Le Pires n’est pas seulement une comédie sociale qui se contente de filmer dans les milieux défavorisés. Il soulève aussi les questions éthiques qui surviennent quand on tourne dans des zones sensibles. Quoi en montrer? Comment?… Premier long métrage des réalisatrices Lise Akoka et Romane Gueret, Les Pires est un film émouvant et puissant. Après avoir reçu le Prix Un Certain Regard en mai dernier à Cannes, il a raflé le Valois de diamant au dernier Festival d’Angoulême. C’est tout dire de l’enthousiasme qu’il déclenche.
Recommandation : 4 coeurs
- LA TRÈS GRANDE ÉVASION de YANNICK KERGOAT- DOCUMENTAIRE.
Comment se pratique l’évasion fiscale à l’échelle planétaire? Comment lutte-t-on contre elle? Combien coûte-t-elle aux nations ? — réponse, au passage, pour la seule France : entre 80 et 100 milliards d’euros par an ! — Comment pèse cette fuite des capitaux dûs à l’Etat sur le quotidien des citoyens ? Ses mécanismes sont-ils en réalité plus simples à comprendre qu’on veut bien nous le dire? C’est à toutes ces questions, et à de nombreuses autres que répond ce documentaire, qui commence par expliquer comment l’absence de solidarité et d’égalité devant l’impôt pèse sur les populations de tous les pays, notamment les moins démocratiques.
Il a fallu deux ans d’enquête au cinéaste Yannick Kergoat ( en 2011, Les nouveaux chiens de garde) et à son co-scénariste, le journaliste Denis Robert (qui paya cher pour avoir révélé le système Clearstream) pour bâtir ce film aussi passionnant que bien fichu. La surprise vient de ce que malgré son sujet en apparence très complexe, il réussit à ne pas être une seule seconde « intellochiant ». Édifiant, clair et même, par moments drôle, oui drôle, car ironique.
Recommandation: 4 coeurs
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