L'Outsider
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Thème
Tout le monde (ou presque) connaît aujourd’hui le nom de Jérôme Kerviel, ce trader risque-tout qui, après avoir fait gagner à la Société Générale un milliard et demi d’euros en 2007 , est accusé par cette même banque, exactement un an plus tard, de l’avoir grugée de 4,9 milliards d’euros…
Depuis, ce qu’on appelle « l’affaire Kerviel » n’a cessé de défrayer les chroniques judiciaires et boursières… Et elle n’est pas close, puisque, après avoir fait appel de sa condamnation, en 2010, à rembourser près de cinq millions d’euros à la Société Générale, Jérôme Kerviel vient de voir son ancien employeur, contraint, par les prud’hommes, à lui verser 455 000 euros pour « licenciement abusif ».
Ce n’est pas de cette affaire sans précédent en France qu’il s’agit à proprement parler dans le film de Christophe Barratier, mais de l’ascension d’un garçon, jusque là sans histoire ni ambition particulière, entré par la petite porte de la Société Générale en 2000 à l’âge de 23 ans et qui va se laisser prendre au jeu dangereux de la finance, jusqu’à s’y soumettre, corps et âme, au point d’en perdre logique et raison… On va donc voir ce jeune homme accéder, par le fil de sa passion dévastatrice, au rang des meilleurs traders de sa génération… Jusqu’au jour où, sa hiérarchie ayant pris peur de ses risques fous, ne voudra plus assumer ni ses mises, ni ses pertes colossales… et le fichera dehors…
Points forts
- L’actualité du film. Il est assez sidérant de voir porter à l’écran, sous la forme d’un film - certes très documenté, mais de fiction quand même - la vie d’un homme dont les démêlés avec la justice et une institution bancaire ne sont pas terminés.
- La description de l’univers des marchés financiers. Même si le sujet du film est « un » portrait de Jérôme Kerviel, Christophe Barratier fait évidemment évoluer ce dernier dans le milieu qui lui a fait perdre tout sens commun; celui de la finance, dont on découvre qu’il est aussi cynique et totalitaire qu’addictif. Ce que montre ici la caméra du cinéaste, plantée dans une salle de marché au milieu de spéculateurs rendus insensibles au monde extérieur à cause des mouvements de chiffres qui s’inscrivent sur leur écran, fait froid dans le dos.
- Le rythme du film, qui est celui d’un thriller. Dès les premières images, on est pris dans un engrenage dont il va être impossible de s’échapper. C’est comme si on montait avec Jérôme Kerviel, dans un manège qui va s’emballer, et dont on ne va pouvoir descendre qu’à la rupture de sa mécanique, aussi soudaine que tragique.
- La beauté des plans et des cadres. On pense au Roman Polanski de « Ghost writter ».
- La clarté du scénario. Même si on est étranger au monde de la finance, on ne perd pas une miette de cette histoire.
- L’équité de ce même scénario. Christophe Barratier réussit à raconter l’ascension et la chute de son héros, sans jugement d’aucune sorte.
- L’interprétation d’Arthur Dupont. Dans le rôle de Jérôme Kerviel, le comédien est parfait, qui donne à voir et à comprendre la trajectoire fulgurante et tragique d’un jeune insouciant qui va tomber dans l’addiction d’un jeu, sans deviner qu’il va s’y brûler. Face à lui, Xavier Demaison est irréprochable dans un personnage d’initiateur aux délices vénéneux de la spéculation financière.
Quelques réserves
Sauf à ne pas être du tout intéressé par le personnage de Jérôme Kerviel ni par ce qui gouverne aujourd’hui le monde, à savoir la finance… Il n’y en a pas.
Encore un mot...
Parce qu’il ne se contente pas de dévoiler, à travers le portrait d’un homme, les dessous de l’univers de la finance, mais qu’il analyse, en plus, le processus par lequel cet univers peut conduire ceux qui y travaillent à l’asservissement, au point de leur faire perdre tout jugement… On le dit sans ambage, « L’Outsider » est un des films français parmi les plus ambitieux et les plus réussis de cette année. Scénario, interprétation, mais aussi cadrage, photo, rythme, montage…Tout est impeccable.
Une phrase
« L’esprit d’équipe, ici, c’est juste une blague ».
L'auteur
Bien qu’étant né le 17 juin 1963 dans une famille très « cinéma » (Sa mère, Eva Simonnet est une attachée de presse très connue dans le milieu et son oncle n’est autre que Jacques Perrin), Christophe Barratier a commencé par suivre une formation de musique classique. Guitariste, il obtient une licence de concert de l’Ecole normale de musique de Paris et gagne plusieurs prix dans des concours internationaux. En 1991, il entre dans la société de production de son oncle. C’est là qu’il attrape le virus du cinéma. Il commence par apprendre le métier de producteur (il fait ses armes notamment avec « Microcosmos : le Peuple de l’herbe », et avec « le Peuple migrateur »), puis il se lance dans la réalisation. Premier court métrage en 2001, avec « Les Tombales », puis premier long, en 2004, avec « Les Choristes ». Fort des près des 900 000 entrées de ce film, il sort, en 2008, « Faubourg 36 », puis, en 2011, « la Nouvelle Guerre des boutons », qui dépassera les 1 500 000 spectateurs.
Contre toute attente (car il est à priori très loin des milieux de la banque et de la finance) ce cinéaste-musicien sort aujourd’hui « L’Outsider », un film inspiré de la vie de Jérôme Kerviel.
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