The Look of Silence
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Thème
Adi, 44 ans, ophtalmo itinérant, profite de ses visites chez ses clients, d’ex- tortionnaires, pour élucider le martyre de son grand frère Ramli qu’il n’a jamais connu, mystérieusement assassiné durant le coup d’Etat mené en 1965 par l’armée Indonésienne, qui fut l'occasion de l' extermination, avec l’aide des USA, de plus d’un million de “communistes” (nom générique donné à tous les opposants qu’ils soient politiques, religieux ou intellectuels).
Points forts
- Un documentaire très fort, bien construit et confondant, sur une page d’histoire très peu connue… mais, hélas, ni tournée ni unique.
- L’usage d’archives d’époque, sidérantes -comme celle du reporter US commentant les massacres en direct-, rappelant bien le contexte géopolitique et psychologique de ces années-là.
- une volonté parfaitement mise en oeuvre d’éveiller les consciences.
- le courage des victimes, producteurs et techniciens locaux.
- le rappel que Brecht et Arendt restent d’actualité : la Bête immonde revit dès lors qu’on cesse de penser… et de se souvenir.
- un bon dosage entre le côté enquête “in progress” pour tenir en haleine et la réalité documentaire destine à raviver la réalité du génocide.
- 300 000 personnes au moins ont vu ce film en salle, en Indonésie, sans compter Internet. La parole a donc commencé à circuler, malgré les menaces. Et le gouvernement indonésien, plus encore depuis l’arrivée en 2014 du nouveau Président de la République, Joko Widodo, a reconnu le caractère de crime contre l’humanité de ces événements.
Quelques réserves
Le parti pris à mi-chemin entre documentaire et fil conducteur construit peut insatisfaire les puristes de l’un ou l’autre des procédés.
Encore un mot...
Complément de The Act of Killing, du même auteur, The look of silence peut se voir indépendamment. The Act of Killing (2012) abordait les conséquences pour une société de construire sa réalité quotidienne sur la terreur et le mensonge.The Look of Silence explore ce que veut dire être un survivant dans une telle société. L’idée forte, ici, est d’associer un drame personnel à celui d’un peuple et de nous identifier à la victime. Il a fallu 10 ans pour tourner la totalité de ces deux parties.
Une phrase
“Je ne savais pas s’il était prudent de filmer les tueurs, mais lorsque je le fis, je les trouvais tous fiers d’eux-mêmes, se rappelant immédiatement les détails macabres des massacres, le plus souvent en souriant, en face de leurs familles et même de leurs petits-enfants. Devant ce contraste entre des rescapés tenus au silence, et des bourreaux se vantant d’histoires toutes plus compromettantes les unes que les autres, je crus m’être égaré en Allemagne quarante ans après l’Holocauste, mais pour y trouver les Nazis encore au pouvoir.” Joshua Oppenheimer.
L'auteur
Né en 1974 à Austin, Texas, Joshua Oppenheimer est un documentariste engagé, façon Michael Moore (Bowling fort Columbine - 2002, Fahrenheit 9/11 - 2014), les outrances en moins.
C’est en tournant The Globalisation Tapes (2002) sur les conditions de travail insensées des Indonésiennes dans les plantations d’huile de palme que lui est venue l’idée de ce (5ème) documentaire multiprimé, notamment avec le Grand Prix du Jury, prix Fipresci - Mostra de Venise 2014. Son but :comprendre les sources de leur peur. Le réalisateur nerevendique donc ni un film historique ni un documentaire sur un génocide, mais “sur un régime”. Avec un parti pris destiné à ce que le spectateur ressente ”ce que cela fait de vivre comme un rescapé dans une société gangrénée par la terreur, le mensonge et la bonne conscience des bourreaux”.
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